4 RENCONTRE AVEC Pierre Lanarès Secrétaire général de l'Association pour la Défense de la Liberté Religieuse. par Bernard Sauvagnat 8 LIRE L'Epître de Paul à Philémon Un apôtre de Jésus écrit à un propriétaire d'esclaves. par Richard Lehmann 12 Guerres et violence dans l'Ancien Testament Question épineuse sur un sujet qui n'a pas fini de choquer. par Yvan Bourquin 15 BIBLE ET ÉDUCATION Des cordages d'amour Sans amour il n'y a pas d'éducation possible. Mais savons-nous vraiment ce qu'est l'amour ? par Philippe Au gendre Photos de couverture : Jean Lavanchy — Gamma. 16 Le cancer de la liberté Une parabole moderne propre à faire réfléchir les cancéreux que nous sommes. par Florian Sartorio 19 LA BIBLE PARLE Jésus libère Jésus seul est libre, il peut donc libérer l'homme de toutes ses chaînes. par Paul Henriot 20 COMPRENDRE Matthieu 25 : 14 à 30 Par une parabole Jésus explique qu'il faut aller au-delà de la justice exigée par la loi de Dieu. par Jean Palaut 24 VÉCU Mon chemin de Damas « Enlevé et menacé par trois hommes armés, j'ai été délivré par Dieu », raconte Gilbert Carayon Intérieur du Colisée de Rome. 25 BIBLE ET ARCHÉOLOGIE Rome, le sang des martyrs... L'archéologie permet d'expliquer les raisons politiques, économiques et religieuses des persécutions de l'Empire romain contre les chrétiens. par Michel Grisier 31 EN PRATIQUE Quand Dieu met son grain de sel Avec Dieu pour maître, la vie prend un nouveau goût. par Georges Vandenvelde 32 PARMI LES LIVRES Ce Dieu qui nous parle, de Norbert Hugedé. Ce que je crois, d'André Chouraqui. La direction divine, de Bob Mumford. L'idéologie marxiste chrétienne, de Jacques ElluL 34 SIGNES DES TEMPS ... jette un regard sur l'actualité. è sdt Le cancer delà liberté Revue bimestrielle fondée en 1876 RÉDACTION ET ADMINISTRATION : 60, avenue Emile-Zola 77190 Dammarie les Lys, France Tél. (1) 439 38 26 C.C.P. 425-28 G Paris MARS-AVRIL 1980 Rédaction : Bernard SAUVAGNAT Secrétariat : Hélène PFENNIGER Maquette : Jean BREUIL « Signes des temps » est publié par l'Eglise Adventiste du Septième Jour afin de faire connaître le message de la Bible pour aujourd'hui. Pour tout renseignement veuillez consulter nos agences. Europe BELGIQUE, 11, rue Ernest Allard, 1000 Bruxelles 1 FRANCE, 130, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris, et rue du Romarin, Clapiers, 34170 Castelnau le Lez SUISSE, 19, chemin des Pépinières, 1020 Renens/Lausanne Autres continents BURUNDI, Boîte Postale 1710, Bujum-bura CAMEROUN, Boîte Postale 61, Yaoundé CANADA, 940, chemin Chambly, Lon-gueil, P.Q. COTE-D'IVOIRE, Boîte Postale 335, Abidjan CENTRAFRIQUE, Boîte Postale 274, Bangui GABON, Boîte Postale 4074, Libreville GUADELOUPE, Boîte Postale 19, 97110 Pointe à Pitre GUYANE FRANÇAISE, Boîte Postale 169, 97300 Cayenne HAITI, Boîte Postale 28, Cap Haïtien Casier Postal 868, Port-au-Prince HAUTE-VOLTA, Boîte Postale 592, Ouagadougou MADAGASCAR, Boîte Postale 1134, Tananarive MARTINIQUE, Boîte Postale 580, 97207 Fort de France MAURICE, 10, rue Salisbury, Rose-Hill NIGER, Boîte Postale 11506, Niamey NOUVELLE-CALÉDONIE, Boîte Pos taie 149, Nouméa RÉUNION, Boîte Postale 922, 97400 Saint Denis SÉNÉGAL, Boîte Postale 1013, Dakar TAHITI, Boîte Postale 95, Papeete TCHAD, Boîte Postale 880, N'Djamena TOGO, Boîte Postale 1222, Lomé ZAÏRE, Boîte Postale 2099, Lubumbashi ABONNEMENTS ANNUELS (6 numéros) France et communauté : 33 F Prix du numéro : 6,50 F Autres pays : 37 F Prix du numéro : 7 F Copyright by Editions et Imprimerie S.D.T. Directeur : A. Garsin. Dépôt légal 1980, N° 463 Prise d'otages... Exécution d'otages... Libération d'otages... Scénarios trop connus auxquels nos consciences apathiques ne réagissent déjà plus, à moins que nous ne soyons directement concernés. J'ai été pris en otage, séquestré pendant des jours, des mois, des années. Enfin j'ai été libéré. Quel soulagement, quelle joie ! Pourtant mon ravisseur n'a pas usé de violence sur moi. Sa persuasion, sa tromperie, son mensonge ont suffi. J'étais consentant. C'est terrible ! Mon ravisseur, c'est celui que la Bible appelle le diable ou Satan. Il a réussi à me faire croire que la misère, la souffrance, la mort qui s'étalent autour de moi sont la preuve que Dieu n'existe pas, ou bien, s'il existe, qu'il est un despote sanguinaire ou tout au plus une force aveugle, insensible et brutale. J'y ai cru. Pour moi la religion n'était qu'entrave à la liberté ; la morale qu'elle défendait n'était qu'obstacle à mon épanouissement. Quand la maladie, le deuil, le chômage, l'échec m'ont atteint je me suis révolté. Je me croyais pris au piège de ce Dieu inhumain. Quand tout allait bien, je croyais tenir la preuveque j'étais libre et heureux par moi-même. Mais, quand j'ai voulu soulager la misère qui m'entourait, on a exploité ma bonté. Quand je suis devenu militant pour défendre une noble cause, j'ai vu que le système dans lequel je m'étais engagé était lui aussi inhumain, écrasant l'homme qu'il prétendait défendre. Le pire a été de constater que je n'arrivais pas moi-même à la hauteur de mes aspirations. Mon idéal, je le contredisais par mon attitude égoïste naturelle. J'étais engagé dans une voie sans issue. Otage du mal. C'est là que mon libérateur est intervenu. Il a vaincu mon ravisseur et l'otage que j'étais a été libéré. Dieu m'a montré que, loin d'être responsable du mal, il en était la première victime. Loin d'être inhumain, il s'est fait humain pour me montrer son amour. Cette démonstration, il l'a faite au prix de la souffrance et finalement de la mort. Avec peine, il m'a convaincu. Il m'aime. Et ses exigences que je trouvais si opprimantes se sont révélées libératrices. Otage libéré, je jette sur la vie un regard nouveau. Les choses simples sont belles, elles ont une valeur inestimable parce que je suis libéré. Les difficultés, les souffrances n'ont pas disparu, mais elles se surmontent avec confiance parce que je suis libéré et plein d'espoir. « La vie de Jésus est inspirée non pas seulement par le désir d'offrir une vie après la mort, mais par la volonté d'une vie avant la mort, ou même contre la mort. Quand les malades sont guéris, les lépreux acceptés, quand les péchés ne sont pas punis mais pardonnés, alors la vie est là. La vie libérée, la vie sauvée, la vie divine est là, dans le monde, à notre époque, au milieu de nous.» (J. Moltmann, The passion for life, P. 24.) Au travers des pages de ce «Signes des temps », nous voulons proclamer la libération de tous les otages et faire goûter la liberté de la vie avec Jésus. Bernard Sauvagnat 3 (RENCONTRE AVEC) PIERRE LANARES Pour les lecteurs de « Signes des temps », Pierre Lanarès n’est pas tout à fait un inconnu. A plusieurs reprises il a écrit dans nos colonnes pour éclairer l’actualité par la prophétie biblique. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres parmi lesquels il faut mentionner « Le mystère d’Israël » et « Qui dominera le monde ? » dont une nouvelle édition entièrement revue est en préparation. Ecrivain, et même poète à ses heures, Pierre Lanarès s’occupe surtout de la défense de ce droit fondamental de l’homme qu’est la liberté de conscience. Docteur en droit, spécialiste de la liberté religieuse dans les conventions internationales, il est directeur et rédacteur de la revue « Conscience et Liberté » et secrétaire général de l’Association internationale pour la défense de la liberté religieuse. C’est à ce titre que nous l’avons rencontré. Déclaration universelle des droits de Ihomme Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. Proclamée par les Nations Unies le 10 décembre 1948. Interview de Bernard SAUVAGNAT Bernard Sauvagnat : Pensez-vous que la liberté religieuse est sérieusement menacée aujourd'hui ? Pierre Lanarès : Oui. La liberté de conscience est plus menacée que jamais car notre époque est marquée par la recherche personnelle d'une idéologie ; mais la pression des problèmes politiques, économiques et sociaux est telle que l'on sacrifie volontiers les libertés individuelles au nom de l'intérêt général. Quelles sont les régions du monde les plus menacées ? Chaque région a ses problèmes spécifiques en fonction de l'idéologie dominante. De très nombreux pays souffrent de situations instables qui peuvent conduire à une explosion soudaine. L'exemple de l'Iran est caractéristique à cet égard. X/ous venez de faire une conférence à Paris sur les chrétiens en U. R. S. S. Quelle est leur véritable situation ? Il serait difficile de comparer leur situation à celle qui existe dans notre 4 pays. En U.R.S.S., la liberté de religion est surtout constituée par la liberté de culte. Etre chrétien, c'est prendre position dans un monde souvent hostile à la religion. Ce n'est pas l'importance de l'institution qui fait le succès des communautés religieuses, mais la vitalité des fidèles dont le témoignage révèle la puissance de Dieu. Des conversions s'opèrent, les vocations se multiplient, lesgroupes religieuxs'organi-sent. Le dynamisme de ces chrétiens est exemplaire pour les Eglises occidentales qui se désagrègent au contact des séductions de la société de profit. Que pensez-vous du renouveau islamique et en particulier de la révolution iranienne de Khomeiny ? Le renouveau islamique, qu'il soit d'Iran ou d'ailleurs, correspond à cette recherche de certitudes individuelles dont nous parlions. Dans un monde dominé par la technique qui déshumanise la société, les hommes sont effrayés par la menace des dangers qu'ils courent face à tous les moyens de destruction. Que faites-vous pour défendre la liberté religieuse ? En premier lieu, nous nous efforçons de faire prendre à chacun conscience de sa responsabilité. Si l'homme a des droits, il a également des devoirs dont le premier est le respect de l'autre, quelles que soient les divergences qui l'opposent aux autres hommes. Car c'est la liberté d'être soi-même, et aussi différent, qui constitue la dignité humaine. Au moyen de revues, de conférences, de rencontres personnelles, nous essayons de promouvoir ce principe de liberté en matièredereligion,telqu'il est stipulé dans l'article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme — reconnue, en principe, par tous les gouvernements. Qu'est-ce que l'Association internationale pour la défense de la liberté religieuse ? Cette Association est une organisation non gouvernementale, sans caractère confessionnel ou politique, Pierre Lanarès avec monseigneur Justin Moïcescu, patriarche de l'Eglise orthodoxe roumaine (en haut), et Rudolf Kirchschlàger, président de la République autrichienne (en bas). 5 ( RENCONTRE AVEC) reconnue par les Nations Unies. Elle est composée de diverses sections nationales en Europe et au Canada. Elle dispose de correspondants dans les pays où il n'existe pas encore d'organisation légale. Les responsables de l'Association internationale et des sections nationales impriment et diffusent la revue « Conscience et Liberté», donnent des conférences publiques et universitaires, établissent des contacts avec des autorités politiques ou religieuses pour créer un climat de compréhension réciproque afin d'aplanir les problèmes qui se présentent. Pouvez-vous nous en faire un bref historique ? L'Association a été fondée à Paris, en septembre 1946, à l'initiative du docteur Jean Nussbaum qu'on a appelé l'apôtre de la liberté religieuse. C'est lui qui a lancé la revue «Conscience et Liberté» en 1948, ainsi que les émissions du même nom sur Radio Monte-Carlo. Jusqu'à sa mort, le docteur Nussbaum a lutté de toutes ses forces pour défendre cette liberté; ses émissions se sont poursuivies une dizaine d'années. Malheureusement la revue a connu une éclipse de 1950 à 1970. Quelle est la diffusion de la revue « Conscience et Liberté » ? Quel est son impact ? La revue « Conscience et Liberté »est diffusée dans tous les pays de langue française et dans les milieux cultivés d'autres pays. Elle est éditée maintenant en sept langues. Les éditions française et allemande paraissent deux fois par an; les autres, italienne, espagnole, portugaise, croate et serbe (ces deux dernières sont imprimées en Yougoslavie), ne paraissent qu'une fois par an. L'édition française tire actuellement à 9 500 exemplaires. X/ous avez organisé un congrès mondial en 1977. Avec qui? Pourquoi? Quels en ont été les effets ?En préparez-vous un nouveau? Si oui, où et quand? Le congrès mondial d'Amsterdam en 1977 a été organisé avec des repré- Pierre Lanarès avec I. Lalic, président de la Commission des Cultes de Croatie, Yougoslavie (en haut), et Didier Ratsiraka, président de la République malgache (en bas). 6 sentants de nombreuses convictions religieuses ou idéologies. C'était une confrontation des différents points de vue entre les personnes qui ont oeuvré pour la liberté. Le but principal de cette rencontre consistait à faire connaître notre Association et à lui donner une certaine autorité par la publication des communications présentées. Le projet d'un prochain congrès est toujours à l'étude. Pouvez-vous nous donner un exemple de situation que votre intervention a pu débloquer ? Nous sommes intervenus à plusieurs reprises lors de la préparation de lois, en particulier concernant le service civil. Nous avons fourni aux législateurs des documents provenant d'autres pays. Quelle est la raison profonde de votre engagement pour défendre la liberté de conscience ? Mon engagement dans ce combat découle de ma conviction profonde que seul le droit accordé à l'homme de choisir librement sa destinée constitue sa dignité d'être humain. Or la liberté, en matière de religion ou de conviction, est le fondement même de toute liberté car toute notre vie est conditionnée par le choix que nous ferons dans ce domaine. Cette liberté de choix permet à l'homme de ne pas être considéré comme un élément interchangeable d'une masse anonyme, mais d'être respecté comme une personne humaine apte à s'épanouir physiquement, moralement et spirituellement. Une personne qui doit découvrir son identité et dont la valeur est inestimable puisque Jésus-Christ a donné sa vie pour lui permettre d'accéder à l'éternité. ■ Pierre Lanarès avec Léopold Sédar Senghor, président de la République sénégalaise (en haut), et le pape Paul VI (en bas). Edition française de la revue Conscience et Liberté (graphisme de Otakar Jiranek, étudiant à l'Université de Prague, Tchécoslovaquie). LEPITRE DE PAUL A PHILEMON Vous êtes contre l’esclavage ? Moi aussi... Si vous aviez une lettre à écrire à un propriétaire d’esclaves, que lui diriez-vous ? Savez-vous ce que Paul a écrit au nom de Jésus à un tel homme ? Non ! Eh bien, lisez ! Esclave. Le mot fait frémir. Pourtant, c'est bien d'un esclave qu'il s'agit dans ce petit billet que Paul adresse, du fond de sa prison, à son ami Philémon. Et pas de n'importe quel esclave : d'un esclave évadé, passible selon la loi romaine de la crucifixion ou du fer rouge. Il s'appelle Onésime, c'est-à-dire utile. Un nom qui vient fort à propos car deux hommes ont besoin de lui : Paul, son père spirituel, et Philémon son propriétaire. A première vue, l'affaire est simple : l'apôtre renvoie l'esclave à Philémon avec la lettre explicative que nous avons sous les yeux. Une lettre pleine de charme, de tendresse, de profonde affection. Mais une lettre dont le lecteur n'arrive pas à saisir l'intention. Deux mille ans d'exégèse n'ont pas permis d'établir avec certitude si Paul demande ou non que Philémon affranchisse son esclave. Ce billet, d'ailleurs, est bien étrange. Il fait penser à un petit mot griffonné spontanément à la hâte avant le départ de son porteur. Mais examiné de plus près, il se présente comme toutes les grandes épîtres. Rien n'y manque : introduction, actions de grâces, théologie, paré-nèse, salutations. Nous ne sommes plus en présence d'une lettre privée, mais d'une importante épître adressée à une église : cellequi se réunit à Colosses dans la maison de Philémon. Si on examine cette épître à la loupe, on discerne une mosaïque dans laquelle chaque petit détail, chaque couleur, chaque mot, donne à l'ensemble une unité qui force l'admiration. Le cadre est donné : une vaste communauté de prière qui unit Paul (v. 4) et l'église (v. 22). La réflexion prend appui sur l'amour qui remplit le cœur de Philémon (v. 5, 9). Un amour qui est le fruit de la foi en Jésus-Christ et qui se porte vers tous les croyants (v. 5). Paul et Philémon sont en communion de foi et d'amour (v. 6, 17). Philémon est rempli d'un tel amour qu'il apaise les entrailles des saints (v. 7), celles de Paul (v. 20) et du même coup de son esclave (v. 12). Il ne fait pas de doute que ce propriétaire d'esclave est un véritable frère (v. 7, 20). 8 Paul ne se contente pas de donner à sa composition une grande cohésion par le jeu et la place des mots, mais le choix de ces derniers ne manque pas d'attirer l'attention sur ce qui est le fond de la demande (v. 17-20). Paul, en effet, énonce sa requête en termes de comptabilité, de relations commerciales. En serrant le texte de près, voici ce que nous pourrions obtenir : Si donc tu me tiens pour ton associé, reçois-le comme moi-même. Et s'il t'a causé un préjudice, s'il a une dette, ouvre-moi un compte. Moi, Paul, je le signe de ma propre main. D'ailleurs, ce fa i sa nt, je le solde, pour ne pas te dire que tu m'es débiteur de toi-même (v. 17-19). Il est bien difficile dans un tel bijou de la littérature ancienne de séparer la forme du fond. Chaque détail est en rapport avec le sujet traité. Laissant au lecteur les joies de la découverte, nous voudrions cependant lui donner quelques lignes directrices. En quelques mots, Paul a montré que les relations humaines ne doivent plus s'établir sur une base de débit-crédit, doit et avoir. Pour lui, la reconnaissance de dette devient une dette de reconnaissance. Toutes les dettes ayant été remises « en Christ », il n'en reste qu'une : l'amour du prochain. C'est la condition même dans laquelle se trouve tout esclave affranchi par rapport à celui qui l'a ••••••••••••••••• INTRODUCTION (versets 1 à 3) Expéditeurs, destinataires, salutations. ACTIONS DE GRACES (versets 4 à 7) L'amour et la foi de Philémon. INTERCESSION (versets 8 à 20) Introduction (versets 8 à 9) Onésime (versets 10 à 13) Les relations fraternelles (versets 14 à 16) La requête (versets 17 à 20) CONCLUSION (versets 21 à 25) L'amour conduit à l'obéissance (versets 21 à 22) Salutations (versets 23 à 24) ••••••••••••••••• Supplice d'esclave. A la moindre faute, on pouvait infliger des châtiments vigoureux : les verges, le fouet, les chaînes, le carcan, la fourche, le poteau (supplice représenté par cette statuette de bronze). îiraudon « L’Emancipation pouvait être un acte de cruauté. Les esclaves âgés, par exemple, étaient parfois rendus libres parce qu’ils n’étaient pas capables de gagner leur nourriture. Dans un monde où l’esclavage fournissait une grande part du travail manuel, même un homme libre capable pouvait avoir de la difficulté à vivre... Onésime a pu avoir de bonnes raisons pour préférer reprendre son ancienne position dans le foyer de Philémon, sachant qu’il serait traité comme un membre à part entière de la famille chrétienne. » — Caird, G. B., Paul’s Letters from Prison, Oxford, 1976, p. 216. « L’être-avec-les-autres n’est pas simplement une facette de l’existence authentique ; c’est son essence même. Tel que Dieu l’a voulu, l’homme est en tant que partie d’un tout plus vaste. L’amour des autres n’est pas seulement nécessaire à son développement affectif. C’est ce qui lui permet d’„être”. La „vie” ne se communique que dans l’amour partagé. » — Murphy O’Connor, J., L’existence chrétienne selon saint Paul, Paris, 1974, p. 98. 9 Affranchir ou ne pas affranchir? ••••••••••••••••••••••••••a « C’est le vœu de l’esclave d’être vite libéré. Pourquoi? Pensez-vous que c’est par désir de donner de l’argent aux percepteurs du vingtième? Non, mais c’est qu’il s’imagine que jusqu’à maintenant, faute d’avoir obtenu sa liberté, il vivait entravé et misérable... Le voilà affranchi ; bien vite, ne sachant où aller 0 manger, il cherche qui il pourra bien flatter, chez qui il pourra dîner. Et puis, ou il travaille de son corps et endure les travaux les plus pénibles, et s’il vient à trouver quelque râtelier, le voilà par la foi, et dans lequel les individus qui en font partie, sont liés en vue de s’assister récipro- tombé dans un esclavage bien p plus dur que le premier ou, si même il a fait fortune, le voilà, le goujat, épris d’une fille ; alors il est malheureux, se lamente et soupire après l’esclavage : „Quel mal éprouvais-je? Un autre me fournissait mes vêtements et mes chaussures, un autre me nourrissait, me soignait dans mes maladies ; mon service envers lui était peu de chose. Mais à présent, £ malheureux, que n’ai-je à souf- 0 frir, moi qui sers plusieurs mai- • très au lieu d’un seul !” » — Epictète, Entretiens, IV, 1,33-40. quement et de partager les uns avec les autres souffrances et joies. » — Bultmann, R., Le Christianisme primitif, Paris, 1969, p. 223. affranchi et à ses anciens compagnons (Romains 6 : 18 ; 7 : 4-6). L'épître est adressée à Philémon. Il ne faut donc pas centrer toute sa recherche sur Onésime, l'esclave repenti, mais sur son maître chrétien. En effet, c'est de Philémon que dépend finalement l'affranchissement d'Onésime. Paul ne fait que transmettre au maître de l'esclave des éléments de jugement. Il ne prend pas de décision pour lui. Il est donc inutile de chercher à savoir si Paul a voulu l'affranchissement d'Onésime. Le lecteur aura tôt fait de constater la richesse du caractère de ce maître chrétien aux qualités rarement égalées et saura, avec Paul, lui faire confiance. Mais faire confiance ne veut pas nécessairement dire que Philémon affranchira son esclave. La situation d'un esclave affranchi peut être pire que celle d'un esclave au service d'un maître authentiquement chrétien. Paul n'a jamais ordonné aux chrétiens de libérer tous leurs esclaves (Colossiens 3 : 22 à 4 : 1). L'esclave pouvait être traité comme un enfant de la maison. C'était à Philémon et Onésime de décider d'un commun accord, devant l'église, si Onésime devait être affranchi. Non pas dans une perspective comptable où chacun calcule le profit qu'il peut tirer de telle ou telle situation, mais dans une perspective chrétienne et communautaire («en Christ»), où l'appel de Dieu invite chaque homme à vivre sa foi dans la condition où il se trouve. Etais-tu esclave quand tu as été appelé ? Ne t'en soucie pas ; au contraire, alors même que tu pourrais te libérer, mets plutôt à profit ta condition d'esclave. Car l'esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un 10 Prévenance réciproque entre maîtres et esclaves « Infériorité sociale, mépris que l’on doit supporter, exploitation économique, dépendance juridique, tel est encore le lot de celui qui a reçu la liberté. » — Boulvert, G., Domestique et fonctionnaire sous le Haut-Empire romain, Paris, 1974, p. 231. affranchi du Seigneur. De même, celui qui a été appelé étant libre est un esclave du Christ. (1 Corinthiens 7 : 21, 22.) Ce petit billet apparemment personnel est en fait un vibrant appel aux chrétiens à vivre authentiquement leur vie communautaire. C'est en vue de l'établissement du règne du Christ dans l'Eglise que la connaissance de l'Evangile doit se manifester par toute espèce de bien (v. 6). Seule la grâce du Christ vécue dans la communauté peut faire naître entre maîtres et esclaves cette prévenance réciproque, ce don de soi qui a fait dire à l'apôtre : Il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme. (Galates 3 : 28.) Les croyants ne sont pas appelés à nier les conflits de races, de nationalités, de rangs, de conditions, de sexes. L'Eglise tout entière est appelée à prendre en charge toutes les différences et à les gérer « en Christ ». L'épître à Philémon, ce chef-d'œuvre de l'art épistolaire, contribuera-t-elle à faire de l'Eglise chrétienne un chef-d'œuvre de l'amour fraternel ? Au lecteur d'en décider. Richard Lehmann Docteur ès Sciences Religieuses Richard LEHMANN, Epître à Philémon — Le christianisme primitif et l’esclavage, Labor et Fides, 1978. « Voici un livre peu banal : non pas que l’épître à Philémon n’ait jamais été commentée, ni que le problème de l’attitude des premiers chrétiens devant les questions politiques et sociales, dont celle de l’esclavage, n’ait fait déjà l’objet de nombreuses et savantes discussions. Ce qui est nouveau, c’est qu’un pasteur adventiste en exercice ait soutenu une thèse de doctorat devant la très officielle Faculté de Théologie protestante de Strasbourg et en publie un résumé chez Labor et Fides avec une préface de Max-Alain Chevallier ! Il faudrait décidément réviser beaucoup de nos idées sur les communautés ,,marginales” du protestantisme... » Le Christianisme au XXe siècle, 26 février 1979 11 GUERRES ET VIOLENCE DANS L ANCIEN TESTAMENT Parmi ces trois personnes, laquelle est la plus violente : l’Eternel des armées, Jésus de Nazareth, et vous ?... Ne répondez pas trop vite ! Yahvé était contre ! J'irai même plus loin : c'est Dieu qui est contre, et c'est nous qui sommes pour. Bien sûr, tous ces massacres au nom de l'Eternel nous rebutent et nous laissent désemparés. Mais cela fait partie des réactions «épidermiques». Il ne faut pas nous y tromper. En profondeur, je le maintiens, nous sommes pour. La preuve ? Limitons-nous ici à deux remarques. Tout d'abord, ne sommes-nous pas les premiers à demander pourquoi Dieu n'a pas détruit Satan ? A sa place, n'est-ce pas ce que nous aurions été tentés de faire? Vous voyez bien: nous sommes pour la violence ! Deuxièmement, supposons que l'Ecriture, au lieu de nous raconter ces carnages avec une grande sobriété, nous ait livré un tableau très complet, sur plusieurs dizaines de pages, des vices abominables auxquels se livraient les peuples ou les gens qu'il fallait «dévouer par interdit» : sacrifices d'enfants, immoralité sous toutes ses formes, et tout ce qu'on peut encore imaginer de haïssable. Ne serions-nous pas les premiers à exiger la mort de ces êtres inhumains? Il suffit de penser à la réaction de l'opinion publique devant la piraterie aérienne et les prises d'otages, sans parler de la torture. La peine de mort voit sa cote remonter en flèche... Alors cessons d'être hypocrites et de crier au scandale : nous sommes trop violents pour dénoncer la violence dans l'Ancien Testament, trop meurtriers pour que les guerres puissent vraiment nous offusquer. Même la conquête de Canaan, cette «guerre d'extermination». Seulement, voilà : elle est faite au nom de l'Eternel, et Dieu n'est pas content, semble-t-il, quand tout le monde n'est pas massacré. C'est du moins l'opinion d'une bonne partie de ceux qui s'indignent. Il est urgent de corriger cette vision totalement déformée. Un rappel nécessaire Le Seigneur veut que l'homme VIVE. Il le répète sans cesse, tout au long des pages inspirées. Je ne désire pas la mort de celui qui meurt... Ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. (Ezéchiel 18 : 32 ; 33 : 11.) Vous avez bien lu : même le méchant. 12 Le cœur de l'Eternel a dû saigner... C'est là qu'un problème se pose : le méchant, s'il reste méchant, ne VIT plus, au sens profond du terme. C'est un mort en sursis. Car le mal est un suicide, il se condamne lui-même à disparaître. Ceux qui s'y accrochent subiront le même sort, parce qu'ils l'ont choisi (et non parce que Dieu l'a voulu !). Voici un premier principe important : Yahvé n'intervient à aucun moment contre l'homme; il veut détruire le mal qui tue sa création, mais jamais le méchant comme tel. Si ce dernier finit par payer de sa vie, c'est seulement parce qu'il fait corps avec le péché. Autrement dit : la «foudre divine» n'est pas dirigée contre les humains, elle vise uniquement la puissance du mal. L'homme n'est jamais la cibledans cette affaire. Premier exemple : les Ninivites. Qui ne connaît l'épilogue du livre de Jonas? C'est l'une des démonstrations les plus formelles de ce que nous avons affirmé jusqu'ici. Elle est même si vraie qu'elle nous fait mal. L'Eternel se repent d'avoir voulu détruire Ninive, car ses habitants sont revenus de leur méchanceté. Allez dire, après cela, que c'est Dieu qui veut les guerres et les massacres ! En revanche, l'homme (en l'occurrence le prophète Jonas) se montre insensible et impitoyable. Pas de doute : s'il avait le pouvoir de faire descendre le feu du ciel sur ces «incirconcis», il ne manquerait pas de l'utiliser. Comme nous contre les ravisseurs — surtout si la victime fait partie de notre famille ! Deuxième exemple : Caïn. Un violent. Un fratricide. Un homme dont il faut débarrasser la terre, pas vrai ? L'assassin de son frère ne mérite pas de vivre ! Telle est notre optique, souvent. Yahvé voit les choses différemment. Il s'attaque au mal, mais en même temps il prend grand soin de préserver l'homme qui l'a commis, du moins provisoire ment, pour lui accorder la possibilité de se repentir. Il met un signe sur Caïn pour que quiconque le trouvera ne le tue point (Genèse 4:15). Il ne veut pas sa mort, il ne le foudroie pas. Il espère l'accueillir dans son Royaume. Troisième exemple : Absalom. La fin de sa vie tumultueuse est une sorte de parabole. Il a lui aussi tué son frère et s'est révolté contre son père David. Il est même allé jusqu'à lui prendre ses concubines, pour bien montrer que dorénavant c'était lui le roi d'Israël. Il s'est donc rendu odieux jusqu'à un point de non-retour. Il représente le pécheur endurci. David, son père, tient ici le rôle de notre Père à tous. Ses sentiments à l'égard d'Absalom sont très significatifs : Pour l'amour de moi, recommande-t-il à son général en chef, doucement avec le jeune Absalom! Et quand il apprend sa mort, il se met à gémir, fou de douleur : Mon fils Absalom ! mon fils, mon fils Absalom ! Que ne suis-je mort à ta place ! Absalom, mon fils, mon fils ! (2 Samuel 18:5, 33.) Ne pensez-vous pas que le cœur de l'Eternel a dû saigner encore beaucoup plus fort pour chacun des Egyptiens noyés, chacun des Cananéens massacrés, chacun des idolâtres passés au fil de l'épée ? Pourquoi ces carnages ? Cela dit, revenons au problème des massacres ordonnés par Dieu dans l'Ancien Testament. Nous avons parlé de Yahvé, des sentiments qui l'habitaient. Il nous reste à considérer le cas des Hébreux, dont il s'est servi pour exécuter ses jugements. Ces scènes de violence nous choqueraient moins si Dieu n'avait pas agi par personnes interposées. Ce qui nous gêne, par conséquent, c'est moins l'idée du châtiment que la manière de l'exécuter. La preuve ? Personne ne s'indigne de la mort 13 Des sacrificateurs, pas des tueurs... d'Ananias et de Saphira, victimes de leur cupidité. Mais si Dieu avait commandé à Pierre de les lapider ou de les passer au fil de l'épée, cela soulèverait un tollé général. Dans l'Ancien Testament, les Hébreux apparaissaient comme le bras du Tout-Puissant pour châtier les impénitents. Nous sommes très sensibles à l'aspect MORAL et SENTIMENTAL de cette situation : cela ne risquait-il pas de les endurcir? de leur faire faire un véritable apprentissage de la violence? Recourons encore à un exemple. Moïse désirait libérer ses frères par la force. Dieu l'a écarté pendant quarante ans pour qu'il réfléchisse bien à la question. L'Eternel voulait précisément que son serviteur DÉSAPPRENNE LA VIOLENCE. Donc l'inverse de nos soupçons. Quand un homme est trop zélé pour tuer, le Seigneur le met en quarantaine. Ce simple fait en dit long sur le caractère de Dieu... Yahvé n'utilise pas les hommes qui ont ENVIE de massacrer, d'exterminer et de verser le sang. Il veut des sacrificateurs — pas des tueurs ! Or quel était le sentiment éprouvé par celui qui devait sacrifier un agneau, par exemple? De la répugnance (dans l'idéal). Le pécheur saisissait par là combien le mal est horrible. Il fallait qu'il éprouve un véritable haut-le-cœur devant les conséquences de son péché, afin, s'il était possible, d'en être guéri à tout jamais. C'est là le but que Dieu se proposait d'atteindre avec les Hébreux. Le «grand holocauste» de la guerre de Canaan avait pour première fonction de leur inspirer une horreur profonde vis-à-vis du mal. Voici notre second grand principe : il fallait que les massacres en perspective répugnent aux Israélites comme ils répugnent au vrai disciple du Christ. Les «tueurs» étaient inutilisables — ce sont des brutes qui prennent plaisir au crime; en revanche, des «sacrificateurs» pouvaient s'acquitter de cette tâche sinistre en ayant au moins une réaction saine — on les imagine écœurés au plus haut point devant la dégradation et la perversité ambiantes. Il fallait, en d'autres termes, que le péché des Cananéens provoque en eux de l'aversion pour toute espèce de mal. Voilà pour le plan strictement moral. Mais c'est encore bien insuffisant pour dire « amen » à la violence dans l'Ancien Testament ! Imaginez que vous êtes un jeune homme du nom de David. Vous êtes brave, soit, mais vous n'avez pas encore fait vos preuves : l'armée, ça ne vous connaît pas ! Devant vous, à portée de fronde, se trouve un géant de 2 m 90. Sa cuirasse pèse 57 kg. Sa lance ressemble davantage à un tronc d'arbre qu'à une lance. Et son langage est aussi fin que sa taille ! Auriez-vous l'impression d'être un violent, un «tueur», en relevant le défi qu'il lance au Dieu vivant ? Je ne pense pas. Dans un cas comme celui-là, le déséquilibre des forces est tel que le combat, à la limite, apparaît uniquement sous l'angle de la foi. Personne ne s'indignera si Goliath est tué — parce que son immensité évoque à elle seule la prétention du mal à la toute-puissance. La guerre de Canaan, c'est tout à fait pareil. On oublie trop vite le rapport éloquent de la majorité des douze «espions» envoyés pour explorer le pays : Le peuple qui habite ce pays est puissant, les villes sont fortifiées, très grandes. ... Tous ceux que nous y avons vus sont des hommes d'une haute taille ; et nous y avons vu les géants, enfants d'A-nak, de la race des géants; nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles. (Nombres 13: 28, 33.) Le parallèle se justifie. Dès lors, nous comprendrons mieux la signification de cette conquête si nous la voyons sous l'angle de l'IMPOSSI-BLE ordonné par Dieu, c'est-à-dire sous l'angle de la foi. C'est le troisième grand principe à retenir : a) Pour les Israélites, cela ressemblait au combat contre Goliath. L'aspect moral ou immoral n'était plus le centre du problème. L'enjeu, c'était le degré de confiance que l'on accordait à Dieu (voir ce qui s'est passé à Jéricho !). b) J'ajoute immédiatement, pour ne pas être mal compris, que l'on ne saurait transposer ce raisonnement à d'autres cas sans commettre une erreur funeste : dans la lutte d'une minorité contre un des «supergrands» de ce monde, par exemple, la victoire peut paraître impossible, soit, mais cet «impossible» n'est PAS ORDONNÉ PAR DIEU ! C'est ce qui fait toute la différence. Abraham a eu raison de consentir à sacrifier son enfant, mais les païens avaient tort d'offrir les leurs à Moloc ! c) Pour les peuples idolâtres, la conquête des forteresses cananéennes par ce peuple de «sauterelles» devait constituer un témoignage frappant (c'est le cas de le dire) en faveur de l'Eternel. L'Eternel... YAHVÉ... J'allais oublier le plus important ! J'ai écrit au début de cet article qu'il était contre la guerre, mais je n'ai pas encore mentionné la raison primordiale. Yahvé, c'est le nom de Dieu dans l'Ancien Testament. C'est aussi le nom qu'on donne à Jésus dans le Nouveau Testament. Il désigne le même Dieu. Yahvé est mort sur la croix. Jésus a ordonné la conquête de Canaan. Yvan Bourquin 14 Des CORDAGES D AMOUR Des contrariétés ?... et bébé vomit, monsieur souffre à nouveau de son ulcère d’estomac, madame a une crise d’asthme ou une poussée d’eczéma. Pourquoi? Nous avons vu, dans notre précédente chronique, que l’être humain forme un tout, que le psychisme (ou le spirituel) réagit sur le corps, et inversement. Nous n’y reviendrons pas. C’était la première grande loi de psychologie biblique. Mais celle-ci n’explique pas tout, car elle est en quelque sorte passive, se rapportant à la « nature » de l’homme, à sa « structure ». Il faut lui adjoindre un deuxième principe, actif celui-ci, dynamique. Cette seconde loi n’est plus interne, « structurale » mais relationnelle, tournée vers l’extérieur. Elle ne considère plus l’homme comme un tout (fût-il très complexe ou extrêmement bien construit), un tout isolé, mais comme un être en relation. C’est le principe de l’amour. Dieu est amour. L’homme a été créé à son image. Il lui est demandé d’aimer son Dieu, de s’aimer lui-même (dans le bon sens), d’aimer son conjoint, ses parents, ses enfants, son prochain. Toute la vie de l’homme, à la lumière de la Révélation, devrait être tissée de « cordages d’amour », pour reprendre la magnifique expression d’Osée (11 : 4). L’amour est certes un sentiment. Cet aspect est tellement connu qu’il n’est pas nécessaire de le développer. Mais c’est aussi, et surtout, un principe. Et ce principe, qui devrait conditionner, modeler, inspirer, constituer la relation de l’homme à l’autre, est celui du don, du don de soi. Dieu a tant aimé... qu’il a donné son Fils, c’est-à-dire « lui-même » (Jean 3 : 16). Ceci n’est certes pas facile à appliquer dans la vie de tous les jours, dans un monde de compétition, de rivalité, de violence. S’il existe un domaine où, toutefois, l’amour devrait devenir le principe directif, c’est bien en matière d’éducation, de relations conjugale, familiale, parentale, filiale, fraternelle, pédagogique, etc. Soulignons très succinctement quelques points : — L’homme a un besoin vital d’amour. Le nourrisson, sans amour, dépérit et meurt. Littéralement (cette maladie s’appelle l’hospitalisme). L’enfant et l’adulte aussi, au physique et au moral. Mais, comme celui-ci a la peau un peu plus dure, cela prend plus de temps et crée quelques remous (luttes, révoltes, injustices, haines, folies). — L’homme a besoin d’être vu, écouté, reconnu (dans sa valeur individuelle, dans son authenticité), accepté, pardonné, confirmé. Si nous pouvions véritablement comprendre cela, il n’y aurait plus de problèmes d’éducation ou de difficultés conjugales. Exemples : Deux mères papotent. Longtemps, longtemps. L’enfant de l’une d’entre elles a besoin de dire quelque chose. Il le dit tout d’abord gentiment, à voix basse. Mais on ne l’écoute pas ; alors il hausse le ton, de plus en plus fort..., ce qui lui vaudra souvent une remontrance (« pourquoi cries-tu comme cela ? ») ou une gifle. Drame de l’enfant que personne n’écoute... Madame s’est faite belle (nouvelle coiffure, petite robe pimpante). Monsieur rentre, ne voit pas, ne fait pas attention. Drame de l’adulte qui n’est pas vu, qui ne compte plus... L’amour, c’est non seulement une attirance, c’est aussi la culture d’une sympathie profonde qui apprend à considérer l’autre avant soi-même, qui se met à la place de l’autre. Il n’est pas aisé pour un homme d’entrer dans le raisonnement d’une femme, pour une femme de deviner les attentes de son mari, pour des parents de ne pas irriter leurs enfants, de ne pas exiger d’eux ce qu’ils seraient incapables de s’imposer à eux-mêmes. L’amour est oubli de ses droits, de ses défenses, d’une certaine position de force. Et pourtant, l’amour n’est pas faiblesse, dans le sens de manque de fermeté ou de dignité. Tout ceci est bien difficile et assez théorique, j’en conviens. C’est pourquoi, après l’énoncé (nécessaire car fondamental) de ces deux principes de base (homme : unité physique, psychique et spirituelle ; homme : être de relation d’amour), il nous faudra, à partir d’exemples bibliques précis, entrer dans une psychologie concrète, vécue. Ce sera l’objet des articles suivants. Philippe Augendre 15 LE CANCER DE LA LIBERTE Quand des cellules prétendant à l’indépendance prolifèrent de façon anarchique, on appelle cette maladie le cancer. C’est mortel. Quand des hommes prétendant être indépendants... A n'en pas douter, la hantise du cancer est une des caractéristiques de la génération actuelle. La recherche sur le cancer ne reçoit-elle pas, dans la plupart des pays occidentaux, la part la plus importante des fonds consacrés à la recherche médicale, preuve que cette redoutable maladie est au premier rang des préoccupations. En rapide progression, elle suscite une angoisse bien compréhensible. En outre, à ceuxqui l'étudient de près, elle constitue un sérieux défi pour la raison humaine. Cette maladie insidieuse pose en effet avec insistance des questions que l'on pourrait qualifier de philosophiques, tant elle met l'homme en face du problème du mal. Elle en est en quelque sorte un symbole. Ne nomme-t-on pas «malignes» les tumeurs cancéreuses ? Or cet adjectif est emprunté au langage de la morale. Le cancer peut servir en effet de «modèle» dans l'approche du problème du mal, en illustrant d'une manière saisissante certains de ses aspects. Grâce à la recherche, d'énormes progrès dans la connaissance de cette maladie ont pu être faits, qui permettent d'avoir une idée plus précise des conditions dans lesquelles elle apparaît. Un mal à part Le cancer est une maladie cellulaire, plus précisément une maladie qui commence au niveau d'une cellule. Il arrive qu'une cellule saine change brutalement de «comportement». Cette cellule «folle» commence à se multiplier à toute allure et d'une manière tout à fait désordonnée. Elle agit comme si elle n'était plus au service de l'organisme dont elle fait partie. Les cellules cancéreuses se comportent comme des cellules extraites d'un organe et placées dans un milieu nutritif approprié. Elles continuent à vivre et à se multiplier; mais elles ne donnent jamais ni un organe ni un organisme. Elles perdent leurs propriétés spécifiques et mènent désormais une «existence» propre, sans but. Elles vivent dans l'organisme une vie à part, échappant à l'ordre corporel. Dissociées de l'ensemble, elles sont devenues «autonomes». Les cancérologues décrivent en effet la tumeur cancéreuse comme dotée d'une respiration et d'un métabolisme qui lui sont propres. Elle ne se conforme pas au milieu qui l'hé-berge, elle croît selon le même mode que les cellules tumorales étudiées en laboratoire. Elle forme un corps devenu étranger à l'organisme. La 16 Programme moral altéré tumeur maligne envahit progressivement l'organe où elle est apparue, puis s'attaque aux organes voisins et enfin se généralise. La mort est au bout du terrible processus. Si les mécanismes extrêmement complexes qui interviennent dans le déclenchement de cette maladie sont encore aujourd'hui bien mystérieux, on sait en revanche avec certitude que le changement de «comportement» d'une cellule est dû à une mutation de son potentiel héréditaire. Ainsi, le programme génétique initial de la cellule se trouve profondément modifié. C'est donc au niveau des gènes que commence le processus fatal. Depuis quelques années, on sait qu'un virus ayant pénétré dans le noyau de la cellule peut être à l'origine de cette altération de son matériel génétique. Des faits scientifiques à la morale... L'examen de ces faits scientifiques élémentaires relatifs à cette terrible maladie nous amène assez naturellement à des réflexions morales. L'homme est à la société ce que la cellule est à l'organisme. Un homme «sain» est un homme qui s'intégre harmonieusement dans l'organisme social auquel il appartient. Il n'agit pas d'une manière indépendante, sans se soucier des besoins de la collectivité dont il est membre; au contraire il accomplit convenablement la tâche qui lui revient, en faisant passer l'intérêt de la communauté avant ses propres intérêts. En quelque sorte il s'oublie lui-même. Mais un tel homme existe-t-il ? La Bible est formelle : tous les hommes sont pécheurs (voir Romains 3: 23); ce qui veut dire qu'aucun d'entre eux ne répond parfaitement aux exigences citées plus haut. Ils sont pécheurs essentiellement parce qu'ils vivent pour eux-mêmes, se préoccupant avant tout de leurs propres intérêts. Dans l'épître aux Romains, nous trouvons cette affirmation, si opposée à l'esprit de notre siècle, à savoir que l'homme ne vit pas pour lui-même, mais pour Dieu (Romains 14:7, 8). C'est en lui seul qu'il trouve une raison à son existence, et c'est en lui seul que son existence prend un sens. L'apôtre Pierre exhortait les chrétiens de son temps à mettre au service des autres les dons qu'ils avaient reçus (1 Pierre 4:10). C'est dans le renoncement à soi-même que se trouve l'essence du christianisme. Le mal, à sa racine, c'est essentiellement penser et agir d'une manière unilatérale : vivre comme si l'on était seul au monde, mettre ses talents, ses dons à son service et les faire valoir pour soi. Une existence ainsi orientée est vouée à l'échec, parce qu'elle est contraire aux principes du vrai bonheur. La morosité, aujourd'hui si à la mode, témoigne en faveur de cette vérité. Mais comment l'homme a-t-il pu ainsi se fourvoyer? Dès que le premier homme a cédé, une fois seulement, à la tentation de l'indépendance, des changements profonds se sont produits en lui qui ont modifié sa nature. De parfait qu'il était, il est devenu pécheur. Comme un virus, le péché s'est introduit en l'homme, de telle sorte que le «programme moral», c'est-à-dire la loi d'amour, que Dieu avait mis dans son cœur a été altéré. Dès lors, l'homme s'est mis à «vivre pour lui-même». Le but de l'œuvre rédemptrice du Christ est précisément de restaurer l'homme dans sa condition originelle. Si les hommes sont, par nature, des êtres foncièrement égocentriques, ils se sont efforcés de camoufler cette fâcheuse tendance, parce que les sociétés l'ont, à de rares exceptions près, condamnée. Non endiguée, elle risquait en effet, en rompant les liens entre les hommes, 17 Un traitement révolutionnaire * Dans ce passage, le mot grec utilisé, qui a été traduit dans les versions Segond et TOB par «égoïstes», signifie littéralement «épris d'eux-mêmes », « amoureux d'eux-mêmes ». de conduire à la «désagrégation du tissu social ». Cependant, on constate une évolution, particulièrement sensible au sein de la société occidentale. Les nouvelles générations, qui ont reçu une éducation morale moins exigeante (pour autant qu'elles en aient reçu une I), se montrent moins sévères à l'égard de cette tare humaine ; cette tendance égocentrique n'est donc plus censurée comme autrefois. On n'éprouve plus le besoin de la cacher. Au contraire, de plus en plus de gens en font, sans pudeur aucune, l'apologie. Enumérant les caractéristiques morales des hommes des derniers jours, l'apôtre Paul fait figurer en tête de liste l'égoïsme (2 Timothée 3 : 2). * A ce propos, il est intéressant de relever que l'association américaine des éditeurs de journaux a publié, cette année même, une enquête très révélatrice de ce changement d'état d'esprit. Résultat de huit ans de recherches, elle est la synthèse du contenu de 2 500 interviews en profondeur. Elle montre que, dans la population américaine, les valeurs traditionnelles — se sacrifier pour sa famille, travailler dur, accepter de se conformer à un certain nombre de normes sociales — disparaissent rapidement. A leur place s'imposent des valeurs nouvelles ainsi formulées : «se réaliser soi-même», «satisfaire ses désirs personnels», «s'exprimer soi-même». Ce phénomène, qui n'est pas purement américain, a de quoi inquiéter, car si les tendances égocentriques de la nature humaine sont aujourd'hui défendues par une proportion toujours plus grande de la population, on peut se demander combien de temps nos sociétés pourront survivre à «ce cancer» qui est sur le point de devenir général. L'histoire nous apprend qu'aucune société ne peut survivre sans un accord minimum entre ses membres. Or, un tel accord ne peut se concevoir sans que chacun y mette du sien, pour utiliser une expression populaire, c'est-à-dire sans un minimum de renoncement de la part des individus. L'individualisme effréné, germe de l'anarchie, déferle sur le monde tel un raz-de-marée. Il met en péril toutes les communautés, à commencer par la première, celle sur laquelle repose la société : la famille. La crise actuelle de la famille est à situer dans ce contexte. Quant aux nations, elles sont littéralement déchirées par des forces centrifuges. Certaines d'entre elles, qui se sont formées au cours d'un long processus historique, sont sur le point de se désagréger. Comme pour compenser ce phénomène, les égoïsmes nationaux s'exacerbent et conduisent à des affrontements toujours plus nombreux. Face à une situation qui échappe de plus en plus à leur contrôle, les hommes d'Etat sont pessimistes; d'autant plus qu'ils ne voient pas comment remédier à cet état de choses. Dès lors, est-il besoin d'être prophète pour prédire la catastrophe? Une révolution spirituelle Pour prévenir une telle catastrophe, il ne faut rien moins qu'une révolution spirituelle qui fera revenir les hommes à une juste conception du bonheur. Or, il n'y a de bonheur véritable que dans l'altruisme tel que le Christ l'a enseigné. Pour que les hommes puissent participer à l'harmonie universelle, ils doivent se pénétrer de son principe fondamental, à savoir que «toute chose existe pour le bien des autres », et son corollaire, « toutes les choses qui existent doivent communier entre elles pour leur bien commun », selon le dessein du Créateur. Au «chacun pour soi» si naturel, ils doivent substituer le «chacun pour l'autre», le «chacun pour Christ». Exhortant les Philippiens, l'apôtre Paul écrivait : Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. Ayez en vous /es sentiments qui étaient en Jésus-Christ. (Philippiens 2 : 4, 5.) Cette manière de penser altruiste, selon le modèle du Christ, l'Homme parfait, voilà le remède efficace au cancer qui ronge les hommes ! ■ Florian Sartorio 18 Jésus libéré Pour beaucoup, religion rime avec prison. On veut rester libre, n’être aliéné par personne, par aucun système. Et on la défendra sa liberté ! Mais qu’est-elle vraiment cette liberté, celle qu’on appelle « ma liberté » ? Le prisonnier L’homme est-il libre de sa naissance ? En choisit-il la date ou le lieu, l’époque, les circonstances ? Choisit-il sa nationalité, son hérédité, son sexe ? Et dans son action ? Est-il libre de son choix de tous les jours ? Une chose est certaine : il tient cependant à clamer bien haut que c’est lui qui choisit ! Pourtant, après l’avoir clamé, s’il entre au fond de lui-même, les choses n’apparaissent pas si simples. L’apôtre Paul exprime à merveille ce qui se passe si souvent en nous : Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. (Romains 7 : 19.) Pourquoi est-ce comme cela? Tous ... sont sous l’empire du péché. (Romains 3 : 9.) Le Christ lui-même disait : Quiconque se livre au péché est esclave du péché. (Jean 8 : 34.) Est-ce que je choisis ma mort, sa date, son lieu, ses circonstances (à moins de me suicider) ? Je l’éviterais bien si je le pouvais : La mort, voilà leur espérance ! (Job 11 : 20.) Il n’y a rien d’autre à envisager. Que reste-il de ma belle liberté? Un homme prisonnier de sa venue au monde, prisonnier de sa nature pécheresse en vivant dans le monde, prisonnier de sa sortie de la scène du monde. Pessimiste ? Non, à condition de regarder vers un homme : Jésus, celui qui a vécu il y a environ deux mille ans. Le libre Il choisit, lui, le lieu de sa naissance et sa nationalité : Bethléhem et le peuple élu (Michée 5 : 1). Il choisit, lui, sa date de naissance (Galates 4: 4). N’a-t-il pas aussi choisi sa mère : Marie la bienheureuse ? Et cela, il est le seul à l’avoir fait. Il a même choisi son sexe. Mais Jésus a vécu, comme un simple homme (Philippiens 2: 7). Fut-il soumis au péché, comme nous ? Il n’y a point eu en lui de péché. (1 Jean 3 : 5.) Qui de vous me convaincra de péché? disait-il aux Juifs. (Jean 8 : 46.) Il est celui qui n’a point connu le péché (2 Cor. 5:21). Il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché. (Hébreux 4:15.) C’est sûr, Jésus est demeuré libre du péché dans tout ce qu’il a vécu. Et la mort, il a bien dû la subir ! Non, il ne l’a pas subie : Je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même. Et il ajoute : J’ai le pouvoir de la donner, et j’ai le pouvoir de la reprendre. (Jean 10 :17,18.) Comme pour prouver qu’il serait bien libre, Esaïe l’avait annoncé à l’avance : Il s’est livré lui-même à la mort, ... il a été mis au nombre des malfaiteurs. (Esaïe 53 : 12.) Lui est réellement libre, même dans le don de sa vie. Mais, au fait, pourquoi a-t-il donné sa vie ? Par amour. Lui, libre, a vu l’homme esclave. Seul quelqu’un de libre peut libérer un esclave. Alors Jésus, le libre, se fait libérateur, le seul. Le libérateur L’homme est-il prisonnier de sa naissance? Jésus propose une autre naissance : Il faut que vous naissiez de nouveau. (Jean 3 : 7.) A tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle[la lumière] a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. (Jean 1 : 12.) Naître dans la famille de Dieu, dans sa famille à lui, quelle destinée extraordinaire ! L’homme réalise-t-il qu’il est prisonnier du péché ? Jésus lui apporte la libération : Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres. (Jean 8 : 36.) Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils. (Galates 4 : 7.) L’homme est-il mortel ? Jésus dit lui-même : Je tiens les clefs de la mort. (Apocalypse 1 : 18.) Jésus-Christ ...a détruit la mort et a mis en évidence la vie et l’immortalité par l’Evangile. (2 Timothée 1 : 10.) L’immortalité, c’est-à-dire la libération totale de la mort. Quelle bonne nouvelle ! Quel amour ! Jésus déroule le livre du prophète Esaïe et lit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur. Et il ajoute : Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez. (Luc 4 : 18, 19, 21, TOB.) Ma liberté, celle à laquelle je tiens tant (parce que j’y crois), n’est qu’un esclavage me retirant toute espérance. Sans Dieu, sans religion, c’est la mort ; mais là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté (2 Corinthiens 3 : 17) et la vie. ■ Paul Henriot 19 (COMPRENDRE^ Matthieu 25 : 14 à 30 AU-DELA DE LA JUSTICE La parabole des talents : cette histoire bien connue racontée par Jésus ne livre pas son secret à la première lecture. Prenez donc votre Bible et relisez-la à l’aide de ces lignes. Une lecture attentive de la parabole dite «des talents» dans l'évangile selon Matthieu fait apparaître sa véritable structure. Le récit se déroule en plusieurs parties. Les détails de la description n'ont pas tous la même valeur : 1. Les premiers versets (14-18) constituent la mise en place du décor : il s'agit d'une simple introduction. On devine bien que la leçon de la parabole ne se trouve pas là. Mais on sent que cette introduction ne fait que préparer ce à quoi il faudra faire attention. En quelques versets nous savons tout du départ du maître, de la remise des sommes d'argent et de l'attitude respective des trois serviteurs. Tout ceci ne fait qu'annoncer la scène suivante : celle de la reddition des comptes. 2. Ces préliminaires mettent en valeur la scène principale1 où le maître vient redemander des comptes. C'est la scène centrale2. Elle se divise en trois tableaux successifs correspondant à chacun des trois serviteurs qui se présentent pour rendre compte de leur gestion personnelle. a) Les deux premiers serviteurs ont agi exactement de la même manière : ils ont fait fructifier leur 1. On retrouve le même procédé d'introduction dans la plupart des paraboles. 2. Elleemploied'ailleursdouzeversetssurles seize qui forment tout le passage. capital dans la même proportion et reçoivent tous deux la même parole d'approbation de la part du maître. Cette similitude est renforcée par la succession immédiate dans laquelle le récit place les deux cas. Il y a ici une répétition : le premier serviteur, versets 20, 21 ; le deuxième, versets 22, 23. b) Or, l'auditeur remarque que le troisième serviteur qui, seul, a agi différemment des deux autres, voit son cas exposé pendant sept versets (24-30), la conclusion se fermant sur ce dernier cas, alors qu'il est consacré à chacun des deux premiers serviteurs deux versets seulement. Dès lors, le cas du troisième serviteur prend un relief très important par rapport au reste de la parabole. On a même nettement l'impression que les rôles des deux premiers serviteurs, qui sont relatés d'une façon rigoureusement parallèles au niveau du vocabulaire, ne sont pas sans intention particulière : ils ne sont là que pour souligner la singularité du troisième. En fait, les trois tableaux successifs qui s'offrent à nous n'en forment que deux : d'un côté les bons et fidèles serviteurs, et de l'autre le méchant et le paresseux. Ce balancement apparaît au point de vue littéraire : quatre versets pour les premiers, sept pour le second. De par la structure même de la parabole, Jésus veut établir une opposition entre les deux premiers serviteurs et le dernier, appuyant de 20 toute évidence sur ce troisième cas. L'antithèse, apparemment équilibrée, veut mettre indiscutablement en valeur le troisième serviteur. C'est donc dans le troisième tableau consacré au serviteur méchant que se trouve la pointe du texte. Pour savoir à qui Jésus veut directement s'adresser ici, il nous faut donc étudier ce troisième serviteur. En effet, les destinataires immédiats de la parabole ne sont-ils pas dépeints sous les traits de ce méchant personnage ? Bien entendu! Aussi, pour identifier ceux à qui la parabole veut en premier lieu s'adresser, il suffit d'écouter, de regarder et d'identifier le troisième serviteur en question. Qui est le troisième serviteur ? Mais celui qui en avait reçu un [talent], s'en alla et creusa dans la terre, et cacha l'argent de son maître. (Matthieu 25 : 18, version Darby.)Eï celui qui avait reçu un talent vint aussi et dit : Maître, je te connaissais, que tu es un homme dur, moissonnant où tu n'as pas semé et recueillant où tu n'as pas répandu; et, craignant, je m'en suis allé et j'ai caché ton talent dans la terre ; voici, tu as ce qui est à toi. (Matthieu 25 : 24, 25, version Darby.) Portrait Les conceptions et l'attitude du troisième serviteur apparaissent dans ce passage. Aux yeux de ce serviteur, le maître réclame ce à quoi il n'a pas droit. Il est un maître dur et sévère. Quel contraste avec la docilité des deux serviteurs précédents ! Il ne conteste pas à son maître le pouvoir sur lui, mais il lui reproche par avance son injustice, sa dureté et sa sévérité. Partant de là, son attitude s'explique : il a eu peur d'un tel maître. La crainte l'a paralysé. Il fallait protéger le capital qui lui était confié et ne pas l'égarer. Il fallait se protéger de tout risque : en cherchant à faire fructifier l'argent reçu, n'aurait-il pas risqué de le perdre? Aussi ne veut-il pas courir le moindre risque car il a peur, peur de son propre maître. J. Jeremias3 fait remarquer qu'enterrer un bien confié «était considéré dans le droit rabbinique comme la plus sûre protection contre les voleurs : celui qui mettait en terre, en le recevant, un gage ou un dépôt était dégagé de toute responsabilité civile». Il va donc cacher cette somme pour la préserver et la rendre intacte au retour du maître. Celui-ci n'aura donc rien à dire. Voici, prends ce qui est à toi. (Matthieu 25 : 25b.) Par conséquent, le troisième serviteur se croit dégagé de toute responsabilité : il est quitte. Il a la justice de son côté. Et lorsqu'il est devant son maître il prévient celui-ci, lui fait connaître la crainte qu'il lui inspire et lui fait savoir que, si d'aventure il lui réclamait plus d'argent qu'il ne lui en avait confié, il deviendrait injuste. Il conclut en montrant que lui, le serviteur, respecte vraiment la justice. En réclamant davantage, le maître ne ferait que confirmer la crainte de ce serviteur considérant son maître comme exigeant ce qui ne lui est pas dû. En toute justice, le troisième serviteur s'estime irréprochable. Au nom de cette même justice, le maître n'a pas le droit de lui demander une somme plus importante que celle qu'il lui a remise : il considère donc son maître comme injuste alors que lui-même respecte la plus droite des justices. Identification Or, ce langage n'est pas étranger au lecteur assidu des paraboles. Nous reconnaissons ici les récriminations des ouvriers engagés à la première heure (voir Matthieu 20 : 12) et celles du fils aîné dans la parabole de l'enfant prodigue (voir Luc 15 : 29, 30). Cette réaction commune n'émane-t-elle pas d'un même groupe de personnes ? Personnes qui se sentent liées à Dieu par une alliance de stricte justice et 3. Les paraboles de Jésus, Le Puy, 1962, p. 70, note 41. 21 Se retrancher derrière la stricte obéissance à la loi de Dieu qui sont outrées de constater que le maître agit tout autrement qu'ils ne se l'étaient imaginé ! Non, le maître n'est pas juste. Eux le sont, pas lui. Nous avons vu que le troisième serviteur ne conteste pas la souveraineté de son maître. Il est même dans la crainte. Jésus s'adresse donc à un groupe religieux qui se prétend être dans la justice mais se rebelle contre l'injustice de Jésus. Or, quel est le groupe qui fut scandalisé de cette manière par l'enseignement de Jésus ? Il s'agit bien sûr des scribes et des pharisiens, ces stricts observateurs de la loi4. Jésus veut désavouer leur indignation mal placée. En effet, ce sont eux qui s'insurgent devant le ministère déconcertant de Jésus : si Dieu agissait vraiment comme Jésus le dit et comme il se conduit, où serait sa justice5? Ceux à qui Jésus s'adresse en premier lieu dans cette parabole sont en fait dans la crainte de Dieu. Cette crainte excessive détermine de leur part une stricte obéissance à la loi de Dieu : ils rempliront exactement, scrupuleusement, point par point, tous leurs devoirs, ni plus, ni moins. Dieu ne pourra rien leur reprocher. Ils attendent de Dieu une justice égale à la leur, répondant à leurs 4. Le Nouveau Testament montre qu'ils ne formaient pratiquement qu'un seul groupe. Les uns n'allaient jamais sans les autres. Marc (2 : 16) dit : «Les scribes des pharisiens ». Luc (5 : 30) note : « Les pharisiens et leurs scribes » (version Segond révisée, 1978). 5. Les évangiles nous rapportent souvent l'étonnement scandalisé des scribes et des pharisiens devant les agissements et les paroles de Jésus. strictes observances. Dieu ne peut exiger rien de plus sans verser dans l'injustice. L'obéissance aux lois divines est donc considérée comme un paravent, une cloison de protection séparant Dieu de ses serviteurs. Jésus dans cette parabole veut répondre à cette attitude tatillonne. La solution proposée par Jésus Si dans cette parabole Jésus a soulevé un problème concret — nous avons vu lequel — il y a aussi proposé une solution. Considérons maintenant l'attitude du maître et ses paroles. A n'en pas douter le maître exprime bien la pensée profonde de Jésus. Tout d'abord, il ne désavoue pas le point de vue du troisième serviteur sur sa «sévérité» (Matthieu 25: 26)6. Mais partant de son propre raisonnement il lui montre (Matthieu 25 : 27) qu'il a agi d'une façon contradictoire : si vraiment il avait eu la crainte de son maître, pourquoi n'avoir pas tout mis en œuvre pour satisfaire celui-ci au maximum? Comment a-t-il pu rester sur un rapport de stricte justice ? En fait, Jésus voit devant lui des hommes qui repoussent son message et se retranchent derrière la stricte obéissance à la loi de Dieu, ce qui les dispense de suivre son enseignement. Ils ont la justice pour eux ! Ils sont «couverts». Ils se font un devoir de s'en tenir à la lettre de la loi et attendent leur sécurité de Dieu. Ils nefontquerendreà Dieucequi lui est dû. Le message de Jésus est donc superflu. A travers cette parabole Jésus veut répondre à ces hommes qu'ils ignorent le véritable caractère de Dieu. Les scribes et les pharisiens, en un mot ceux qui se retranchent derrière la loi, ont une attitude légaliste qui implique une méconnaissance profonde des rapports qui existent entre le maître et ses serviteurs, entre Dieu et les hommes. La nature de cette relation a bien été perçue par les deux premiers serviteurs car ils savent qu'il y a entre le maître et eux un lien d'amour. En effet, considéronsque le maître de notre parabole fait preuve d'une très grande confiance : il leur partage tous ses biens, toute sa fortune, sans réserve; il leur confie tout. C'est pour cela que chacun des serviteurs reçoit une somme considérable. Ceci est souligné par l'unité de monnaie employée : le talent. En effet, un seul talent valait environ une quarantaine de kilosd'argent. La fortune distribuée représentait donc quelques lingots ! De plus il s'absente pour une longue période . Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint. (Matthieu 25 : 19.) Pas d'inspection entre-temps : les comptes se font seulement au retour du maître. Les deux premiers serviteurs ont pris à cœur cette tâche. Ils ont considéré les biens du maître comme s'ils avaient été à eux, leur appartenant en propre. Ils se sont considérés comme pleinement responsables des biens confiés et ils les ont fait valoir selon leurs possibilités personnelles. Ces deux serviteurs ont compris ce rapport de confiance exceptionnelle et d'amour mutuel entre le maître et eux. 6. Constatons cependant que le maître ne reprend pas à son compte la « dureté » que lui attribuait le serviteur au verset 24. 22 L'amour et la confiance dynamisent Le troisième serviteur n'a pas compris ce rapport. Il s'est placé sur un plan de stricte justice. D'où la réprobation du maître : Serviteur méchant et paresseux... (Matthieu 25 : 26.) Aurait-il été moins paresseux en confiant son argent à la banque comme le suggère le maître ? Je ne le pense pas. Mais le maître montre que ce troisième serviteur aurait dû aller au-delà de sa conception étroite de son obéissance au maître. Il aurait cessé de se montrer paresseux en abandonnant le plan strictement juridique et en se donnant à fond pour les biens de son maître. Mais alors, si Jésus critique le légalisme pointilleux des scribes et des pharisiens, la loi n'est-elle pas abolie par le sens même de cette parabole? Ne faut-il pas écarter la loi, les commandements de Dieu pour bâtir sur une relation tout autre, faite de sentiments plus «larges», de confiance réciproque, d'amour, en un mot ? En fait il n'en est rien. Dans ce passage, si Jésus avait voulu montrer aux scribes et aux pharisiens que la loi divine devait être écartée, le maître de notre parabole aurait tout de même accepté la gestion du troisième serviteur en lui montrant que son obéissance de stricte justice n'était même pas nécessaire. Le troisième serviteur n'aurait alors fait qu'un excès de zèle, voilà tout ! D'autre part, les deux autres serviteurs auraient dit : «Maître tu m'as donné cinq talents, en voici quatre », et pour le deuxième : « Maître tu m'as donné deux talents, en voici un.» Le maître aurait alors accepté de telles gestions montrant ainsi que leurs rapports mutuels d'amour permettaient de négliger la justice. Or, il n'en est rien. La parabole établit bien le contraire. Souvenons-nous de la parole de Jésus au début de son dernier discours et où se trouve justement notre parabole : Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité : c'est là ce qu'il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses. Conducteurs aveugles ! qui coulez le moucheron et qui avalez le chameau. (Matthieu 23 : 23, 24.) La conception des choses a retenu en arrière le troisième serviteur. Pour lui, le talent confié n'a jamais cessé d'être l'unique propriété de son maître, mais un dépôt sacré, brûlant, encombrant, qu'il respecte scrupuleusement en n'y touchant même pas. Au contraire, celle des deux premiers les a propulsés en avant : les talents du maître sont devenus réellement leur affaire personnelle; ils sont devenus leurs talents. Aussi en ont-ils envisagé sans aucune réserve possible la gestion la meilleure qui soit. La crainte et la distance paralysent, l'amour et la confiance dynamisent. On comprend ainsi que lefaitdese retrancher derrière l'obéissance à la loi pour rejeter le message de Jésus est une attitude fausse. Jésus ne vient pas toucher à l'intégrité des commandements. Mais il montre aux Juifs que cette obéissance n'est pas un «bon» prétexte pour le rejeter. Les chefs religieux ont bien vu la critique. Il est d'ailleurs significatif qu'à la fin de ce même discours on constate une réaction d'hostilité grandissante. Lorsque Jésus eut achevé tous ces discours, il dit à ses disciples : Vous savez que la Pâque a lieu dans deux jours, et que le F Us de l'homme sera livré pour être crucifié. Alors les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple se réunirent dans la cour du souverain sacrificateur appelé Caïphe et ils délibérèrent sur les moyens d'arrêter Jésus par ruse, et de le faire mourir. (Matthieu 26 : 1-4.) Tel il est, tels nous sommes aussi dans ce monde : c'est en cela que l'amour est parfait en nous, afin que nous ayons de l'assurance au jour du jugement. La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte ; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour. Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier. (1 Jean 4:17-19.) Jean Palaut 23 Mon chemin de Da J’avais quitté la France plein d’ambition, j’étais arrivé à Beyrouth au collège adventiste du Moyen-Orient avec la perspective d’y apprendre l’arabe et d’en ressortir prêt à porter l'Evangile aux musulmans, et j’étais là, dans cette petite pièce réservée à la prière dans l’internat des garçons, pleurant et gémissant sur mes péchés, et me remettant, une fois encore, entre les mains de Dieu. Comment en étais-je arrivé là ? Lorsqu’en 1974 je quitte le séminaire adventiste de Collonges-sous-Salève avec une licence en théologie dans mes bagages, je suis sensé devenir pasteur d’une église. Puis, afin d’accomplir mes devoirs militaires, je pars au Cameroun où je reste deux ans en tant que coopérant. Dans ce pays, je constate la vigueur et le renouveau déjà naissant de l’islam et je décide d’être missionnaire en pays musulman. Je dois donc m’y préparer, notamment en étudiant des langues. En juin 1976, je reviens du Cameroun, et on me donne la charge de la communauté adventiste de Montpellier. Mais, fidèle à ma décision, je pars pour l’Angleterre afin d’y perfectionner mon anglais, sachant qu’au collège de Beyrouth, où je dois apprendre l’arabe, les cours se donnent en anglais. Un an plus tard, à mon retour d’Angleterre, on me propose de m’occuper de la communauté de Lyon, mais je refuse encore et je pars pour le Liban. Je fais le voyage en voiture avec le frère de ma fiancée qui désire aussi faire des études dans la même école. Le premier trimestre de cours se passe très bien. A la fin de 1977, ma fiancée vient nous rejoindre afin de passer quelques jours avec son frère et moi, pour les fêtes de Noël au collège. Et je lui propose de lui faire visiter Damas. Nous voilà partis tous les deux. Et c’est là, sur la route de Damas, que Diéu a décidé de m’arrêter. Qui sait, j’aurais pu me tromper longtemps ainsi à vouloir faire ma volonté ! Nous avions arrêté la voiture dans les montagnes du Liban. Qu’elles sont belles ces mon tagnes ! Si belles que nous n’avons pas vu arriver trois hommes qui, tout à coup, braquent un revolver sur nous et nous obligent à monter avec eux dans leur voiture. L’un d’eux prend le volant ; et nous suivons un petit chemin de montagne, étroit. Arrivés à un endroit qui paraît assez éloigné de toute habitation, ils me font descendre de la voiture et, sous la menace de leur revolver, deux de ces hommes me tiennent à distance du véhicule tandis que le troisième s’y engouffre avec l’intention visible d’y violenter ma fiancée. Dans de telles situations, ne pourrait-on pas se défendre par la lutte ? Car, enfin, je ne suis pas particulièrement chétif ; c’est vrai qu’ils sont trois, et armés, mais en s’y prenant bien... Car il faut absolument faire quelque chose ! A vrai dire je ne peux rien faire, et c’est là que Dieu m’attend, pour m’apprendre que je ne peux rien. C’est Lui qui trouve la réponse : je me retrouve à genoux. Je ne me suis pas mis à genoux, Dieu m’y a jeté, et là, prosterné dans la neige, je ne prie pas, non, je crie à Dieu. Aussitôt, l’un des deux hommes restés avec moi se précipite à la voiture et en fait sortir son compagnon qui n’a pas pu mettre son projet à exécution. Ils sont tous les trois devant moi. Je me relève et parlemente avec eux dans un langage mi-anglais mi-arabe. Il n’y a pas d’autre solution que de leur donner de l’argent : je vide mon portefeuille et leur abandonne billets et chèques de voyage. La discussion s’achève ainsi. Nous avons la vie sauve et nous la devons à Dieu. L’argent ne compte plus mais, pour moi, cela signifie l’abandon de mon rêve, le sacrifice de ma volonté. Je n’ai plus qu’une chose à faire : rentrer en France et accepter de servir Dieu comme II le voulait, et non pas comme je le voulais. Dans cette petite pièce où j’étais entré pour prier, à genoux, je viens de faire un pacte avec Dieu. J’ai promis de lui laisser toujours la liberté de se manifester en moi pour qu’Il m’apprenne à vouloir ce qu’Il veut et à aimer ce qu’Il aime. Gilbert Carayon 24 ROME,LE SANG DES MARTYRS... Comment l’Empire romain en est arrivé à persécuter les premiers chrétiens. Nous ne savons pas qui apporta l'Evangile dans la ville des Césars. Une communauté chrétienne y exista très tôt. A la fin de son troisième voyage missionnaire, en l'an 58, depuis Corinthe, Paul écrit aux chrétiens de Rome pour leur annoncer son passage. Il pense ensuite continuer sa route jusqu'en Espagne (Romains 1 : 13-15 ; 15 : 24, 28). L'apôtre n'imagine certainement pas dans quelles conditions il ira à Rome ! Au printemps 58, Paul est arrêté alors qu'il prie dans le temple de Jérusalem et échappe de peu à la mort (Actes 21 : 27-40; 22 : 15). Il est ensuite incarcéré pendant deux années à Césarée. En 60, le nouveau gouverneur, Portius Festus, embarrassé de ce prisonnier peu commun, l'envoie au tribunal impérial à Rome. Commence alors, en automne 60, une périlleuse traversée. Une tempête au large de la Crête, un naufrage, et l'hiver 60-61 passé à Malte. Au printemps 61, le prisonnier arrive en vue des côtes de l'Italie. Le débarquement a lieu à Pouz-zoles, l'antique Puteoli, au fond d'une admirable baie au nord-ouest de Naples. Le port romain et ses anneaux de bronze sont toujours là, sous quelques mètres d'eau, le sol s'étant affaissé au cours des siècles. A Pouzzoles, Paul séjourne pendant une semaine chez ses frères chrétiens (Actes 28 : 14). Car il y a dans cette cité une église vivante. Paul se dirige maintenant sur Rome, au nord, en empruntant la Via Appia Antica que l'on peut suivre encore de nos jours, et dont les larges dalles de basalte noir existent toujours sous l'asphalte actuel. Julius, le centenier responsable de Paul (Actes 27 : 1) le conduit à la caserne de la garde prétorienne dont le préfet est alors Burrus, ministre et favori de Néron. Une rue de Rome, près de la gare centrale, porte encore le nom de Via Castro Pretorio et les vieilles murailles que l'on y trouve sont les restes de ce que Paul connut. Le centenier Julius fait un rapport si élogieux de son prisonnier que Paul est autorisé à demeurer en liberté surveillée dans une maison louée (Actes 28 : 30, 31). Il met à profit cette faveur pour prêcher librement l'Evangile durant deux années. Finalement, le procès a lieu et Néron acquitte Paul. Nous sommes en 63. Sitôt libre l'apôtre reprend ses voyages dont ne fait pas mention, malheureusement, le livre des Actes. Ce silence du texte biblique couvre 25 Intérieur du Colisée de Rome. Prochaines conférences Bible et Archéologie GENÈVE : Salle centrale, 10 rue de la Madeleine, chaque mardi à 17 h 30 et à 20 h du 4 au 25 mars 1980. Au programme : « De Baby-lone à Golgotha avec le prophète Daniel », « Quand s'assemblent lesaigles... ou la fin de Jérusalem », « Israël ou le défi de Dieu », « Harmaguedon et la nouvelle droite ». Renseignements : tél. 93 01 04 Genève. Participation aux frais : 5 F.S. une période de trois ou quatre années, de 63 à 67. Grâce aux épîtres écrites par Paul pendant cette période, il est possible de suivre approximativement ses déplacements. Il est passé certainement en Crête, sûrement en Grèce, peut-être en Espagne. C'est probablement en Asie, à Troas, qu'il est de nouveau arrêté en 67. Nous ignorons dans quelles circonstances, et pourquoi il est ramené à Rome. Voyage pénible pour le vieillard qu'est devenu Paul ! A Rome, entre-temps, les choses avaient bien changé. En 64, soit un an après la libération de Paul, Rome était la proie des flammes. Sur les quatorze quartiers de Rome, trois furent complètement réduits en cendres, sept gravement endommagés; cet incendie fit des milliers de victimes. La rumeur publique avait accusé Néron, l'empereur dément, d'avoir lui-même fait mettre le feu à la ville afin de pouvoir la rebâtir à son goût. Pour détourner la vindicte populaire, l'empereur jeta la faute sur les chrétiens. Ceux-ci furent, en très grand nombre, martyrisés au cirque de Néron, dont les ruines gisent sous le Vatican. Lorsque Paul arrive à Rome, trois ans après ces atrocités, beaucoup de ses amis sont morts en martyrs, tel l'illustre Sénèque, philosophe aus- Martyre de Pierre tère, précepteur et premier ministre de Néron, celui qui avait très certainement instruit le procès de Paul en 63 et l'avait fait relaxer. Sénèque avait été lâchement exécuté par Néron. Considéré comme le chef de la secte haïe des chrétiens, Paul seul et sans appuis n'a que peu de chances de sauver sa vie. Il avoue à son ami Timothée : Tous ceux qui sont en Asie m'ont abandonné. (2 Timothée 1 : 15.) Dans ma première défense, personne ne m'a assisté, mais tous m'ont abandonné. (2 Timothée 4 : 16.) Sombre perspective, l'ombre de la mort pèse sur le cachot romain : Car pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche. (2 Timothée 4 : 6, 7.) Un matin de l'an 68, à l'aube, Paul est conduit hors de la ville le long de la Via Ostiensis, la route d'Ostie, jusqu'à une source nommée Aqua Salviae et décapité là. L'endroit s'appelle de nos jours Tre Fontana ; une vieille abbaye est construite sur les ruines d'une villa romaine. C'est à peu près à cette époque que Pierre subit aussi le martyre à Rome. Paul jouissant du statut de citoyen romain ne pouvait — en principe — être torturé. Pierre par contre sera crucifié la tête en bas dans le cirque de Néron. Ce fait n'est pas mentionné dans les Ecritures, à part l'allusion rapportée dans l'évangile de Jean : Mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas. Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. (21 : 18.) Les auteurs anciens confirment l'événement : Eusèbe (Histoire Ecclésiastique III, 1), Tertullien (Contre Marcion IV, 5), Irénée (Contre les Hérésies III, 3), Clément de Rome 26 Martyre de Paul (Epître aux Corinthiens \J et VI). Le presbytre romain Gaïus affirme que de son temps on pouvait encore voir le « Trophée de Pierre », mémorial qui a d'ailleurs été reconstitué. Les Constitutions Apostoliques, ouvrage composite du 5e siècle, incluant des textes très anciens, précisent que Paul, avant son exécution, « consacra Linus comme premier évêque de Rome. Ce Linus était le fils de Claudia.» Tous deux sont mentionnés dans le texte de 2 Timothée 4 : 21. Saint Irénée confirme cette donnée et associe Pierre à la cérémonie de consécràtion, ajoutant : «C'est de ce Linus dont Paul fait mention dans sa lettre à Timothée. » (Contre les Hérésies, III, 3, 9.) En l'an 68, peu de temps après le martyre des apôtres, Néron en fuite est déclaré «ennemi public» et se suicide dans une masure au bord d'une route. Il a 31 ans. Le corps de Paul est inhumé dans un cimetière bordant la route d'Ostie. Au 4e siècle, Constantin fera édifier une basilique sur la tombe, ce sera Saint-Paul-hors-les-murs. La pierre tombale, visible de nos jours, porte cette inscription incomplète et toute simple : PAVLO APOSTOLO MART... On ne possède pas autant de précisions sur la sépulture de Pierre, qui aurait été inhumé au cimetière proche du cirque de Néron, enfoui sous le Vatican. Sur un mur de cette nécropole, maintenant souterraine, des graffiti ont été découverts, parmi lesquels on peut lire deux mots : PETROS ENI Cela signif ie : Pierre est là. C'est peu, mais c'est tout ce que l'on a. Je pense qu'il est utile de se poser une question : pourquoi cet «holocauste » romain ? Abbaye de Tre Fontana, lieu traditionnel du martyre de saint Paul. Comment la cité gréco-latine du 1er siècle, si cosmopolite, si éclectique dans sa vie religieuse, chaque culte trouvant sa place avec, comme à Athènes ou à Pergame, des autels aux dieux inconnus, comment cette cité antique a-t-elle pu se dresser d'emblée contre le christianisme naissant? Le message apostolique contenait-il un élément subversif? Essayons de comprendre la situation. Une grave crise politique et économique secoue l'empire et plus particulièrement l'Italie. En devenant empereur en 41, Claude récompense la garde prétorienne qui l'a porté au trône, en offrant une prime de 15 000 sesterces* à chacun des 10 000 gardes. Il inaugurait ainsi la mise aux enchères de la dignité impériale, accroissant l'instabilité politique. A la mort de Néron, ce sera la ruée des généraux sur le trône impérial. L'empereur Claude favorise le commerce avec l'Extrême-Orient (Inde et Chine). Commerce de luxe uniquement : soieries, cotonnades, * Le sesterce romain valait 1 /6 du denier. Ce dernier représentait le prix d'une journée de travail, soit environ 100 FF d'aujourd'hui. La valeur du sesterce s'établit autour de 20 FF actuels. Prochaines conférences Bible et Archéologie VALENCE : Auditorium de la Bible, 6 rue Mirabeau, chaque samedi à 17 h et 20 h 30 du 8 au 29 mars 1980. Au programme : « Le colosse de Babylone et l'énigme de la pierre », « Le mystérieux anéantissement de Sodome et Go-morrhe», «Apocalypse et archéologie», «Du cri des pierres aux oracles des prophètes d'Israël ». ROMANS-SUR-ISÈRE Foyer du Théâtre, place Jules Nadi, chaque mardi à 20 h 30du 11 mars au 1 er avril 1980. Au programme : « Les manuscrits de la mer Morte », « Le colosse de Babylone et l'énigme de la pierre», «Apocalypse et archéologie», «Du cri des pierres aux oracles des prophètes d'Israël ». Renseignements : tél. 43 20 12 Valence. Libre participation aux frais. Temple de Serapis à Pouzzoles (en haut). La synagogue juive de Rome (en bas). épices, pierres précieuses. L'empire, n'ayant rien d'équivalent à exporter en retour, sa balance commerciale est largement déficitaire. En fait, c'est une vraie hémorragie monétaire. A la mort de Néron, le déficit du Trésor est de 40 milliards de sesterces. Des dévaluations successives, une inflation galopante font que la monnaie romaine n'est plus crédible. Parallèlement à la crise, une censure rigoureuse est appliquée. Religion de salut public Toute liberté de pensée est supprimée. La moindre critique contre le régime est punie de banissement et même de mort. L'inquiétude est générale et les complots se multiplient. L'empereur voit dans la religion un élément important de salut public. Ici, nous devons revenir en arrière, en 253 avant Jésus-Christ, en Egypte. Sous Ptolémée II avait eu lieu un premier concile, réunissant les grands prêtres des différentes religions païennes (ou polythéistes). Ceux-ci étaient arrivés à la conclusion que sous des noms différents ils adoraient en fait le même dieu, essentiellement le Soleil créateur, maître de la résurrection. Ainsi naquit le projet d'une religion universelle consacrée au dieu Sarapis ou Serapis. Le représentant du dieu sur terre était le roi. Il n'avait pas fallu longtemps à Antoine, et plus tard à Calligula, pour comprendre le parti politique que l'on pouvait tirer d'une telle théologie! Plutarque (50-125) écrivait à peu près à la période qui nous intéresse : «Nous ne croyons pas que les dieux soient différents dans les diverses nations...» Zeus, Jupiter, Apollon, Amon, Osiris, Baal, Mithra, tous étaient identifiés et confondus avec Serapis. Cette religion universelle(j'allaisdire œcuménique) devint officielle dans l'empire sous Hadrien. La religion était réquisitionnée au secours de l'empereur ! Le christianisme allait-il emboîter le pas ? Apporter son concours à l'empereur? Sauver l'Etat menacé? Que prêchaient les apôtres ? Pierre écrit : Le monde d'à présent est réservé pour le feu. 28 Ennemis du genre humain Paul annonce : Une ruine soudaine les surprendra et ils n'échapperont pas. Jean clame dans l'Apocalypse : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande. ... Sortez du milieu d'elle. Rome est désignée par Pierre et Jean par le terme significatif de Babylone, la grande ville assise sur sept collines, qui domine sur toutes les nations. On ne peut se méprendre. L'empire, c'est la « bête » diabolique et malfaisante et l'antichrist n'est pas loin. Dire, écrire cela en pleine crise, malgré la censure, n'est-ce pas de la subversion? La police impériale ne s'y est pas trompée, et c'est dans ce contexte que Tacite pouvait traiter les chrétiens d'« ennemis du genre humain ». La répression fut atroce : « Les chrétiens aux lions!» Et le sang coula... Le sang des martyrs ! Ah ! si le Christ avait «joué le jeu », et pris place au panthéon ! Plus aucun problème. Rome aurait récupéré le dynamismechrétien. Ce n'est qu'au 4e siècle, avec Constantin, que le vrai, le grand compromis historique intégra le christianisme aux puissances de ce monde. Et les églises se sont mises au service des empires de ce monde, voulant transformer Babylone en cité de Dieu. Là réside le nœud du drame chrétien, aujourd'hui comme au 1er siècle. La cité de Dieu n'est pas œuvre humaine et politique : Elle descend d'auprès de Dieu..., dit Jean. ... sans le secours d'aucune main humaine, ajoute Daniel le prophète. Notre époque ressemble étrangement au 1er siècle de notre ère : « Pour étouffer la rumeur, Néron punit, avec les plus extrêmes raffinements de cruauté, une catégorie de gens haïs pour leurs vices, et que la foule nommait Chrétiens. ... Un grand nombre d’entre eux furent arrêtés non seulement comme incendiaires, mais parce qu’ils sont des ennemis du genre humain. La dérision accompagna leur mort : enveloppés de peaux de bêtes sauvages, ils furent déchiquetés par des chiens féroces ou bien ils crises, dictature, violence, angoisse. Si les apôtres sortaient de leurs tombes et reprenaient leurs prédications aujourd'hui dans nos capitales modernes, ils seraient de nouveau et rapidement réduits au silence. Voici le message que Jésus-Christ leur a commandé de prêcher : Les deux exploseront avec un fracas terrifiant, les éléments se désintégreront dans une déflagration universelle et la terre périra dans cet incendie. (2 Pierre 3: 10, transcription de A. Kuen.) Mais Jean voit alors, immédiatement après, la cité de Dieu descendre d'auprès de Dieu : furent crucifiés et quand le jour baissait, ils furent brûlés pour illuminer la nuit. Néron avait offert ses jardins pour ce spectacle et donné une fête au Cirque, se mêlant à la foule, déguisé en cocher. ... En dépit d’une faute qui avait mérité un châtiment des plus exemplaires, un sentiment de pitié s’éleva, dû à l’impression qu’ils avaient été sacrifiés non pour le bien public, mais par la férocité d’un seul homme. » (Tacite, Annales, 15.) Reconstitution du Colisée de Rome (maquette du musée de la Civilisation romaine). 29 Ruines du Palais de Sénèque au Palatin (en haut). Le circus maximus au pied du Palatin (en bas). Et H y avait un ciel nouveau et une nouvelle terre. ... H n'y aura plus ni mort, ni tristesse, ni souffrance. (Apocalypse 21 : 1,4, transcription de A. Kuen.) Utopie ! Utopie ! Criez-vous ! Dois-je vous rappeler que les martyrs de Rome sont morts pour cette vérité précise? Ecoutez Pierre: «En effet, lorsque nous vous avons fait connaître la puissance de notre Seigneur Jésus-Christ et que nous vous avons annoncé son retour, nous ne nous sommes pas laissé berner par des histoires inventées ou des mythes ingénieusement arrangés. Non, nous avons vu de nos propres yeux sa grandeur. Nous étions avec lui lorsque Dieu le Père l'a comblé d'honneur et de gloire. (2 Pierre 1 : 16, 17, transcription de A. Kuen.) Eux savaient... Je sais en qui j'ai cru (2 Timothée 1:12), écrivait Paul la veille de son martyre. La formidable Une humanité, une religion, un chef! machine répressive romaine n'a pu venir à bout de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui, eux, savaient ! Permettez-moi d'ajouter une remarque. Nous avons vu Jean dans l'Apocalypse, représenter Rome sous les traits d'une bête monstrueuse, mais il ajoute aussitôt qu'au cours des siècles ce monstre sera blessé à mort. Ce qui s'est réalisé historiquement. Dans les derniers temps, précise l'apôtre, l'humanité se fera une image de la bête, c'est-à-dire une « nouvelle édition », modernisée, de l'impérialisme universel et totalitaire existant à l'époque apostolique. Sous la pression des crises actuelles nous glissons doucement, mais inéluctablement, vers un tel destin. Sous l'influence de cercles puissants et influents, tel le « Club de Rome » par exemple, nous arriverons à une prise de conscience universelle, une mobilisation des masses, un sursaut des nations, afin de sauver l'humanité de l'anéantissement définitif. Un des moteurs sera encore le sentiment religieux. Les diverses religions s'uniront, se tendront la main pour animer l'image de la bête et sauver la « nouvelle Baby-lone»**. Vous n'avez qu'à lire les journaux pour vous en convaincre. Le mot d'ordre sera alors: «Une humanité, une religion, un chef ! » Ce sera l'heure de Babylone, l'heure de l'antichrist, annoncée par les martyrs romains. ■ Michel Grisier ** Une Conférence mondiale des religions pour la paix a déjà eu lieu à Bruxelles en 1974. Lors de cette rencontre, on a cherché à canaliser les différentes religions pour en faire une seule qui puisse embrasser toute l'humanité. 30 Quand Dieu met son grain de sel Nous sommes dimanche matin. C’est la deuxième fois que je suis reçu dans ce foyer. Monsieur V. est assis à ma droite et tient sa Bible, toute neuve, entre ses mains. Madame V. est en face de moi, le dernier de ses quatre fils se blottit contre elle. Elle parle : Je n’y tenais pas tellement, moi. Aller ainsi plusieurs fois par semaine à des conférences religieuses... Je lui ai dit, tu vas te faire embrigader. J’ai ma religion. Je fais de mon mieux. Qu’ai-je à faire de tout ce qu’il y a dans la Bible ? Mes parents ont bien vécu comme ça, pourquoi faudrait-il que je change ? Comment se fait-il alors qu’en huit jours elle ait accepté de me rencontrer deux fois ? Eh bien voilà, me dit-elle, je suis obligée d’admettre qu’il se passe quelque chose. Mon mari était buveur... (Monsieur V. esquisse un petit sourire, mais ne bronche pas.) Il ne boit plus depuis des semaines. Il était très colérique... (Mon regard se tourne à nouveau vers Monsieur V. Pas de réaction.) Il est devenu beaucoup plus calme. Et cela depuis qu’il lit la Bible... Alors, je me suis demandé si vous, le conférencier, vous n’étiez pas un petit peu sorcier. Mais non, Madame. Monsieur V. est en train de changer. Pour reprendre une expression biblique, il devient « le sel de la terre », un « grain de sel ». La naissance et les cérémonies religieuses n’y suffisent pas. Ce n’est pas assez de connaître la formule chimique du chlorure de sodium pour être le sel de la terre. Le fait d’être roulé dans le sel, ou d’être saupoudré de sel, peut vous donner, pour un temps, le goût du sel, mais ne fait pas de vous un grain de sel. Il faut un changement de nature. Un changement miraculeux. Ce qui fait dire à Madame V. : Tout cela me gêne. J’aimerais tout autant qu’on me laisse tranquille. Mais il se passe quelque chose, quelque chose que je ne puis nier... Car on reconnaît le sel à l’action qu’il exerce. Le propre du sel est de saler. Et Monsieur V. commence à provoquer une transformation chez son épouse (oserai-je dire de « saler » son épouse ?). Avant de devenir le sel de la terre, il est déjà le sel de son propre foyer. Jésus n’a-t-il pas dit : Vous les reconnaîtrez à leurs fruits! (Matthieu 7 : 16.) Pour avoir oublié que l’on devenait chrétien à la suite d’une expérience personnelle de caractère miraculeux, les Eglises ont permis que le nom de « chrétien » soit porté par des gens totalement indifférents au christianisme. Leurs fruits ne correspondent nullement à ce que l’on peut attendre de leur religion. Ce qui caractérisait Jésus, c’était son esprit de service, sa disponibilité. Il était venu, lui le Fils de Dieu, non pour être servi mais pour servir (Matthieu 20 : 28). Pour cela, il faut admettre ce que dit l’apôtre Paul : Votre corps est le temple du Saint-Esprit. ... Vous ne vous appartenez point à vous-mêmes. ... Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu. (1 Corinthiens 6 : 19, 20.) On pourrait dire que le Saint-Esprit est le Sel de Dieu. C’est lui qui vient nous « saler ». Dès ce jour, notre corps même ne nous appartient plus. Nous n’en faisons plus ce que nous voulons. Il appartient à Dieu. Nous n’en sommes plus que les gérants. Dieu en devient propriétaire. Nous comprenons Madame V. qui laissait entendre qu’elle s’en passerait bien... N’être que gérant de son propre corps, ne plus être maître chez soi ! Mais, devenir gestionnaire d’un temple qui dépend du Dieu tout-puissant, c’est trouver une sécurité inconnue jusqu’à ce jour. Le propriétaire prend soin de ce qui est à lui. Il ne permettra pas que l’on dégrade une quelconque partie de ses biens. Il réparera ce qui doit l’être, avant qu’il ne soit trop tard. Ce que nous ne pouvions pas faire pour notre corps aussi longtemps que nous nous en prétendions les maîtres, Dieu peut le faire maintenant parce que nous lui en avons cédé le contrôle. En l’acceptant, il en a aussi assumé pleinement la responsabilité. Dès ce moment, nous ne devons plus être en souci pour notre corps, mais nous allons mettre à la première place, dans notre vie, la recherche du royaume de Dieu, sachant que le propriétaire de notre corps veillera à tous nos besoins. Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. (Matthieu 6 : 33.) Au lieu de nous croire capables de discerner mieux que quiconque, et surtout mieux que Dieu, ce qui serait indispensable à notre bonheur, et de sombrer ainsi, petit à petit, dans l’égoïsme, nous ouvrons la porte, notre porte, à la puissance divine. Les projets bienveillants de Dieu à notre égard dépassent de loin ce que nous aurions oser espérer. Mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse (Philippiens 4 : 19) qui est illimitée. La vie chrétienne considérée sous cet angle nous ouvre des perspectives inattendues et nous nous rendons rapidement compte qu’en devenant réellement dépendants de Dieu, nous n’avons rien perdu au change, puisque nous avons placé notre espérance en celui qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions (1 Timothée 6 : 17). B Georges Vandenvelde 31 (PARMI LES LIVRÉS) Norbert HUGEDÉ Ce Dieu qui nous parle (Collection : La Pensée Chrétienne), Neuchâtel, éditions Belle Rivière, 1979. Un livre broché de 237pages, format 15 cm X 21 cm. Dans cet ouvrage, le treizième de Norbert Hugedé, c'est la question de la révélation qui est abordée. Si Dieu existe, il faut qu'il parle. Or il a parlé, dit l'auteur. En seize chapitres il explique pourquoi il croit à cette révélation. Pour lui dans la Bible Dieu a parlé et parle encore à tousceuxqui veulent bien l'écouter. Les trois premiers chapitres montrent en quoi la Bible est un livre qui sort de l'ordinaire, et où la foi reconnaît la révélation divine. Cette foi ne repose pas dans le vide mais sur des faits remarquables. Les chapitres quatre et cinq expliquent comment ont été rédigés les textes qui constituent l'Ancien Testament, première partie de la Bible. L'auteur montre comment et pourquoi ces livres ont été regroupés et reconnus comme le « canon », c'est-à-dire la collection des écrits qui font autorité en matière religieuse. Les neuf chapitres suivants, qui forment le gros de l'ouvrage, traitent de l'histoire de la rédaction et de la formation du Nouveau Testament par les chrétiens. On reconnaît là le domaine dans lequel le professeur d'exégèse qu'est Norbert Hugedé est le mieux versé. Il fait sentir au lecteur l'atmosphère dans laquelle ces écrits ont vu le jour. On comprend, à travers les services qu'ils ont rendus aux communautés chrétiennes des premiers siècles, les raisons pour lesquelles leur autorité divine s'est imposée. Les deux derniers chapitres concluent l'ouvrage par des conseils pratiques pour une lecture profitable de la Bible, et par l'espérance qui s'en dégage pour nous qui vivons dans une époque troublée. Un livre écrit par un spécialiste qui ne s'adresse pas à des spécialistes, mais qui veut faire réfléchir un public cultivé tout en lui apportant le témoignage d'une foi lucide. ■ Bernard Sauvagnat André CHOURAQUI Ce que je crois. Editions Bernard Grasset, Paris, 1979. Un livre broché avec jaquette en couleur, format 13 cm X 20 cm, 345 pages. Un livre qui vous emporte. Une histoire du peuple juif racontée et vécue de l'intérieur comme un drame qui débouche sur la lumière. André Chouraqui, né et élevé dans une famille juive d'Algérie, reçoit le moule de la culture française; il récite, dès l'école primaire : « Nos pères les Gaulois étaient grands, braves, forts et querelleurs. Leurs prêtres s'appelaient les druides. » Il obtient son baccalauréat, fait une licence de droit à Paris, mais, en 1940, il se voit retirer la nationalité française, comme tous les Juifs d'Algérie, qui l'avaient pourtant obtenue en 1870. Préparé à retrouver la foi de son enfance sous l'influence d'amis chrétiens connus en France, André Chouraqui, entré dans la Résistance, prend conscience de sa liberté et de ses racines. « Il n'était pas ordinaire de voir dans les bois de Haute-Loire des maquisards barbus passer leurs nuits à étudier leur Bible hébraïque, leur Talmud, et... la Cabale. » Mais ce n'est pas l'esprit seul qui est engagé. « L'étreinte de Dieu est contraignante et terrible comme une prise d'amour... Mon déchirement n'était pas exempt de joie, celle de se sentir aimé et porté par la présence de Dieu. » Après la Libération, c'est le retour en Palestine : « Israël était l'aventure du siècle et je n'avais pas le droit de la manquer sans rater ma vie. » Là, Chouraqui hésite entre la voie politique et sa vocation d'écrivain à laquelle il est resté fidèle, ce qui nous a valu notamment son étonnante traduction de la Bible, faite à Jérusalem. Il a voulu que cette traduction soit « un retour aux sources», au sens des mots, aux harmonies des rythmes, au relief et au génie du texte. Ce que je crois, d'André Chouraqui, est un livre de réconciliation : il se réjouit de constater que l'inimitié entre chrétiens et Juifs est maintenant dépassée et il croit que celle qui peut exister entre Arabes et Juifs n'est pas radicale. Ces deux peuples ont des biens culturels communs et se sont déjà soutenus devant l'intolérance hitlérienne. En un mot, le livre d'une âme généreuse qui, par sa richesse intérieure nourrie de l'Ecriture, a assumé les crises de l'histoire de son peuple, surmonté ses propres crises et est devenu un témoin d'Elohim. Gérard Poublan 32 (PARMI LES LIVRÉS) Bob Mumford Bob MUMFORD La Direction Divine, Le Havre et Lausanne, éditions Foi et Victoire, 1978. Un livre broché de 227 pages, format 12 cm X 18 cm. Nous nous réjouissons de la parution en français de ce petit livre plein de sagesse publié aux Etats-Unis en 1971. En effet, le nombre des livres et des journaux qui traitent d'astrologie, de divination et d'occultisme ne fait que croître ainsi que le nombre de celles et de ceux qui consultent les voyants et médiums de tout acabit. C'est le signe d'un besoin profond de trouver une direction spirituelle, et d'une ignorance de la possibilité que Dieu offre de diriger la vie de ceux qui le lui demandent. Justement Bob Mumford montre que la direction individuelle de la vie par Dieu n'est ni obscure ni incertaine. Au contraire elle est lumineuse et sûre et il est possible d'en faire l'expérience continue. Dans le style simple et direct de ces quinze chapitres l'auteur montre comment discerner entre la direction de Dieu et ce fatras de désirs, d'opinions préconçues, d'impressions et de lubies enthousiastes, qui nous assaille en permanence. Comparant la vie humaine à la manœuvred'un navire pour entrer dans un port étroit, l'auteur résume la direction divine en trois balises qui ne peuvent accorder la sécurité que si elles sont en plein accord entre elles. La première de ces balises est la Bible : elle constitue un critère objectif pour connaître la volonté générale de Dieu. La seconde est le témoignage du Saint-Esprit, élément subjectif qui peut se manifester de façons très diverses et doit de toute manière conduire à une paix intérieure profonde et incomparable. La dernière est constituée par les circonstances qui permettent à celui qui y est attentif de discerner la providence divine qui ouvre et ferme des portes. Ce livre qui vient d'un milieu charismatique, nous le recommandons à nos lecteurs parce qu'il est encourageant, plein de lucidité, de bon Sens et de discernement, et surtout fidèle au message de la Bible. Bernard Sauvagnat Jacques ELLUL L'Idéologie Marxiste Chrétienne. Que fait-on de l'Evangile ? Editions Le Centurion, Paris, 1979. Un livre broché, format 13,5 cmX21 cm, 227pages. Peut-on être chrétien et être idéologiquement de droite ou de gauche ? Y a-t-il compatibilité entre la foi et la politique? La politique n'a-t-elle pas envahi le domaine religieux? N'a-t-elle pas modifié l'Evangile après avoir intenté un procès au christianisme et à l'église? L'Evangile ne récuse-t-il pas toute collaboration idéologique ? Ce sont ces questions qui sont traitées dans le dernier ouvrage de Jacques Ellul. Face aux inégalités de notre société injuste, à l'accroissement de la pauvreté alors que le christianisme se trouve plutôt du côté des nantis, et à la disparition de la foi en une religion désincarnée, le marxisme apparaît comme une nouvelle révélation capable de faire saisir le sens profond de la Bible, de susciter le militantisme, l'esprit d'engagement et communautaire qui aurait dû être celui de l'église. Jacques Ellul refuse cette tentative de faire coïncider le praxis marxiste et le christianisme. Elle soumet en effet la foi à un courant matérialiste qui modifie profondément la pensée évangélique. Pour manifester son amour en faveur du pauvre, on le défendra et on agira concrètement, mais non par la foi et l'annonce du salut. Les œuvres remplacent la foi. Le christianisme est une invitation à écouter l'enseignement du Christ qui débouche sur la connaissance et la mise en pratique de la volonté de Dieu : c'est un programme plus complexe que celui de l'idéologie marxiste. Toutefois, être chrétien ne veut pas dire se satisfaire de ses « bondieuseries ». C'est bien de se mettre au service des hommes et en particulier des pauvres, mais sans se laisser enfermer dans une idéologie qui se prétend la voie unique. Jacques Ellul montre comment le Dieu de la Bible déroute, prend le contre-pied des institutions, et peut être qualifié d'« anarchique » parce que sa liberté et son amour priment tout. Pour lui l'attitude de Jésus n'est pas seulement indifférence à l'égard du pouvoir politique, mais refus de ce pouvoir. Ce n'est donc pas en substituant le communisme au capitalisme, ou un pouvoir à un autre, que l'on se conformera à la volonté de Dieu. « Le pouvoir ne change pas de nature spirituelle quand il change de titulaire» (p. 216). Mais faut-il pour autant se créer un monde douillet et couler de beaux jours? Non. Paul (dans son épître aux Romains, chapitre 13) montre que l'amour des autorités s'inscrit dans la même perspective que l'amour de l'église, des ennemis, des faibles, etc. Seul l'amour rend tolérant. Un livre à méditer. ■ Ruben Bany 33 ... SE DEMANDE où sont les pays de mission. En effet, une enquête statistique effectuée par le Centre d'Etudes pour l'Evangélisation du Monde (U.S.A.) révèle que les gains du christianisme sont très élevés dans le Tiers monde. Par exemple 6 052 800 nouveaux chrétiens ont été ajoutés à l'ensemble des églises d'Afrique en 1978. L'accroissement est comparable en Asie du Sud et en Amérique latine. Par contre, pendant la même année, 1815 100 chrétiens d'Europe et 950 000 d'Amérique du Nord ont abandonné la foi. L'enquête portait sur 9 000 dénominations chrétiennes dans 233 pays. Elle montre que les gains et les pertes s'équilibrent à peu près. •••••••••••••••••••••••• ...REND HOMMAGE à l'apôtre du mariage chrétien, Walter Trobisch, décédé à l'âge de 55 ans, le 13 octobre 1979, dans sa maison de Lichtenberg en Autriche. Alors qu'il était missionnaire au Cameroun, ce chrétien évangélique avait été sensibilisé par les besoins très concrets des croyants dans les domaines de la vie sexuelle, conjugale et familiale. Il a donc consacré sa vie à promouvoir le message biblique du mariage. Sa femme Ingrid et lui sont les auteurs de nombreux livres et traités sur ces sujets que l'on peut se procurer aux éditions Telos. Ils ont enseigné et prêché dans de nombreux pays du monde. Leurs cinq enfants sont engagés dans la poursuite de cet apostolat. •••••••••••••••••••••••• ...ENVIE son petit frère japonnais qui devient une des revues religieuses les plus populaires du Japon, en particulier à Okinawa où un habitantsur 240 y est abonné. Son tirage mensuel a dépassé les 50 000 exemplaires. Le vieux frère français, né en 1876, ne tire, lui, qu'à 23 000 exemplaires tous les deux mois et connaît bien des problèmes financiers, qui seraient facilement résolus si chacun de ses lecteurs le faisait connaître autourde lui. •••••••••••••••••••••••• ...SIGNALE la 53e Conférence mondiale des adventistes du 7e jour qui se tiendra au Convention Center de Dallas (Texas), du 17 au 26 avril 1980. Cette rencontre, à la fois administrative et spirituelle, sera préparée par une journée de jeûne et de prière le 12 avril. Une réorganisation du travail des adventistes en Afrique, une amélioration de la gestion de leurs éditions américaines sont, entre autres, à l'ordre du jour. L'Eglise adventiste compte 3 201 592 membres adultes baptisés, dont la moitié a moins de 30 ans. 854 000 enfants de moins de 10 ans suivent son programme hebdomadaire d'instruction religieuse. Son développement le plus rapide se situe en Amérique centrale et latine ainsi qu'en Extrême-Orient (sauf 52e Conférence des adventistes à Vienne. Chine populaire). Sa prochaine Conférence mondiale pourrait avoir lieu à Manille (Philippines) en 1985, car cette ville compte plus de 10 000 adventistes. •••••••••••••••••••••••• ...DÉSAPPROUVE l'homosexualité mais se refuse de mener une campagne contre les homosexuels. La Bible dénonce ce mode de vie. Aussi, une union entre homosexuelles comme celle qui a été célébrée en décembre dernier dans un temple de Paris par le pasteur Joseph Doucé ne peut être reconnue par le croyant biblique. Cependant, le message chrétien s'adresse à tous les hommes, y compris les homosexuels, à qui est dû le même respect qu'aux autres êtres humains. Un militantisme antihomosexuel, comme celui de la chanteuse américaine Anita Bryant, ne peut apporter de réponses à leurs besoins réels. Il peut contribuer à inciter les homosexuels se sentant traqués à se regrouper et à augmenter leur influence sur les jeunes qui cherchent à se dégager de l'emprise de ce vice. •••••••••••••••••••••••• ...PREND RÉSOLUMENT PARTI contre le racisme qui empoisonne la vie d'une très grande partie des habitants de la planète. Le Conseil œcuménique des Eglises est l'une des instancesqui luttent contre ce fléau, et même si toutes ses actions dans ce sens ne sont pas les meilleures, son objectif est méritoire. Un colloque européen réunit à Sigtuna (Suède), du 2 au 9 mars 1980, les églises de ce Conseil pour faire un bilan de leurs efforts des dix dernières années et revoir leur programme en tenant compte des nouvelles formes du racisme. •••••••••••••••••••••••• ... A REMARQUÉ la faveur accordée aux femmes juives orthodoxes par la Knesset (parlement israélien), qui les exempte désormais et du service militaire et du service national requis des objecteurs de conscience. C'est ce qui ressort du nouvel amendement adopté, qui modifie la loi de 1953 selon laquelle les femmes refusant, pour des raisons religieuses, de faire leur service militaire devaient accomplir un service national civil d'une durée équivalente. D'après le ministre israélien de la Défense, Ezer Weizman, à partir d'avril 1980 l'âge limite pour que les femmes ne soient plus militaires de réserve sera abaissé de 26 à 24 ans. •••••••••••••••••••••••• ... S'OPPOSE fermement à la torture, et se sent solidaire de l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture (A.C.A.T.). Cette association fondée en 1974 a tenu à Caen les 24 et 25 novembre 1979 sa sixième Assemblée générale, qui regroupait environ 300 de ses membres, catholiques, protestants, orthodoxes et quakers. Elle 34 Uamma compte 7 000 membres et cherche à abolir la torture, principalement en faisant adopter par les gouvernements des lois permettant d'assurer le contrôle de tous les lieux de détention par une équipe d'experts internationaux. ... A LU avec intérêt le dossier sur les droits de l'homme publié dans le n° 37 (janvier 1980) de la revue trimestrielle Unité des Chrétiens. Les chrétiens en effet devraient être les premiers dans la défense des droits de l'homme. Malgré le passé peu exemplaire du christianisme en ce domaine (inquisition, guerres de religion, etc.), les préjugés et les difficultés pourraient être surmontés si chaque chrétien suivait l'exemple de Jésus, le Christ, dont il porte le nom. ...SOUHAITE que les résolutions de la Conférence Foi, Science et Avenir ne restent pas lettre morte. Cette Conférence a réuni 900 savants et croyants au M.LT. (Institut de Technologie du Massachusets) à Boston, en juillet 1979, à l'initiative du Conseil Oecuménique des Eglises. Ses résolutions portent sur les limites morales à définir en matière de manipulation génétique humaine ; sur la prudence à observer dans le développement de l'énergie nucléaire; sur l'arrêt de la course aux armements, et en particulier de la production d'armes nucléaires; sur les rapports entre la foi et la science pour l'instauration d'une société plus juste; sur les dangers de l'utilisation de la science et de la technologie au service d'intérêts militaires et économiques. ...S'INQUIÈTE des tendances inquisitoriales que semblent indiquer les récentes condamnations de théologiens catholiques par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ex Saint-Office. En effet, si le théologien suisse Hans Küng est le plus connu des condamnés, il est loin d'être le seul. Une bonne dizaine d'autres théologiens catholiques ont été sur la sellette, parmi lesquels le Français Jacques Pohier, dominicain de la faculté du Saulchoir à Paris, et le Belge Edouard Schillebeecks, aussi dominicain. Hans Kùng •••••••••••••••••••••••• ...SALUE la naissance du B.I.A., Bulletin d'Information Adventiste. Ce bulletin vient heureusement compléter les services religieux de presse de langue française. Mensuel, le B.I.A. est publié par le département des Communications des Eglises adventistes (B.P.7, 77350 Le Mée sur Seine). Parmi les autres bulletins religieux de presse, il y a le Bulletin Quotidien d'Informations Religieuses publié par l'Agence France-Presse; le S.N.O.P. (Service National de l'Opinion Publique) publié par l'Eglise catholique, le B.LP. (Bureau d'Information Protestant) publié par la Fédération protestante de France, le B.LP./S.N.O.P. publié par les Services d'Information Chrétienne en France (catholique et protestant) qui sont hebdomadaires; le S.O.P. (Service Orthodoxe de Presse) publié par l'Eglise orthodoxe, mensuel. Le Conseil œcuménique des Eglises publie aussi un bulletin de presse, le SOEPI. •••••••••••••••••••••••• Le but de cette rubrique est de créer un dialogue entre les lecteurs et la rédaction de « Signes des temps ». Toutes les remarques, critiques, appréciations, suggestions et questions sont les bienvenues. Elles contribuent grandement à la vie de notre revue. Nous répondons à toutes les questions soit par courrier personnel, soit dans les colonnes de cette rubrique, soit même par des articles. Je vous écris à propos de l’article « La mystérieuse sainteté de Jésus » paru dans le numéro 5 de votre revue de 1979. L’interprétation de la présence de Moïse et Elie et de leur supposée conversation me surprend. Moïse et Elie sont donc venus dissuader Jésus de boire la coupe... Cette attitude me rappelle celle de Pierre (Matthieu 16: 22) : « Dieu t’en garde, Seigneur, dit-il, non cela ne t’arrivera pas. » Mais Jésus se retourna et dit à Pierre : « Va-t-en loin de moi, Satan ! Tu cherches à me faire tomber dans le péché, car tu ne penses pas comme Dieu mais comme les hommes. » (Le Nouveau Testament en français courant.) Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me répondre. Peut-être ai-je mal compris ? Mme L.G. — 82130 Lafran-çaise. Le texte publié sous le titre « La mystérieuse sainteté de Jésus » n’avait pas été rédigé pour paraître comme un article. En fait, c’est le condensé d’une conférence. Cela explique peut-être le malentendu. Je n’ai jamais supposé que Moïse et Elie aient tenté de détourner Jésus de sa mission. L’eussent-ils fait qu’ils auraient effectivement mérité d’être repris comme le fut Pierre. L’hypothèse que je présentais, et qui a été développée par plusieurs auteurs et en particulier par Frédéric Godet, est très différente. Bien qu’il n’ait jamais péché, Jésus a dû croître sur tous les plans. Il a même été élevé à la perfection (Hébreux 5 : 9). La croissance, pour notre Seigneur, n’a jamais consisté à se débarrasser de quelque défaut que ce soit. Mais elle réside dans la consécration positive de toutes les ressources dont II dispose, à la fois en tant qu’homme et en tant que sauveur des hommes. Or, on peut penser qu’au moment où il est transfiguré, Jésus touche le sommet de cette élévation. Et dans sa conversation avec Moïse et Elie, tout se passe comme si les messagers du ciel venaient s’entretenir avec lui de cette victoire ; mais au lieu de s’arrêter dans la gloire, Jésus redescend vers la ville qui tue les prophètes. Moïse et Elie s’entretenaient avec Lui « de son départ qu’Il allait accomplir à Jérusalem » (Luc 9 : 31). Jésus sait que ses ennemis nourrissent envers lui une haine meurtrière. Il pourrait sans doute leur échapper. Mais il ne veut pas sauver sa vie au prix de la nôtre. « Il donne sa vie » (Jean 10 : 18). Mais en la donnant, Il nous la communique. Bref, loin d’avoir voulu détourner Jésus de sa mission, Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus de sa Mission. Je reconnais volontiers qu’il s’agit là d’une interprétation. Serait-il interdit de chercher dans le trésor des textes révélés, des choses anciennes et des choses nouvelles ? ■ Georges Stéveny □ans noire prochain numéro Rencontre avec Frank Ferree. Lire l'épître aux Ephésiens. Comprendre : Des lustres au plafond du ciel. Evangile à la carte. La Bible parle : Le péché.