Distinction entre le Createur et le cree 26 —_— — Ou bien on s'efforcera de justifier l'exactitude du récit en soulignant que pour Dieu rien n'est impossible. Que la lumiere peut provenir d'une autre source que le soleil. Que le texte se place peut-étre au point de vue «terrestre » et que le soleil (comme la lune et les étoiles) existait déja mais n’était pas visible de la terre, caché qu'il était par quelque écran... Tout cela, a notre sens, ne répond que tres partiellement et imparfaite- ment aux objections précédentes et ne résout rien. C'est la voie que nous choisissons. Car il nous faut descendre du texte vers nous, vers l'enseignement que I'auteur a voulu faire passer par lui, au lieu de tenter l'impossible ga- geure de remonter du texte vers une réalité, vraie sans doute mais nécessairement inaccessible. Et qui de plus serait probablement pour nous assez peu signifiante. Nous examinons le texte pour en saisir la lecon, et non plus pour en tirer quelque information tout juste pro- pre a satisfaire une curiosité de mauvais aloi. Quelles lecons I'auteur a-t-il voulu enseigner a partir du theme de la lumiere ? « Que la lumiere soit... et la lumiere fut» Immédiateté de la création. Dieu dit, et cela existe. L'auteur fonde des les premiers mots une nouvelle conception du monde. Une concep- tion qui démythologise. Méme par anticipation, si l'on peut dire. En effet, la plupartdes penseursde I’Antiquité se sont heurtés au diffi- cile probleme de |'un et du multiple. Comment peut-on passer de |'un au multiple sans qu'il y ait dégrada- tion ? Comment passer du Créateur au créé sans qu'il y ait émanation ou diffusion ? Ainsi, pour la philosophie platoni- cienne, la multiplicité ne peut étre ‘que degradation de |'unité originelle. C'est aussi laréponse de bon nombre de religions orientales pour les- quelles tout est sorti de |'un et devra un jour yretourner. Pour ces philoso- phies et ces religions, la lumiere est divine mais, dispersée, elle affaiblit la qualité de I'un originel. La lumiere, émanation divine... La matiere, dégradation de Dieu et principe mauvalis... Autant d'erreurs funestes éradi- quées par notre texte. Car il apporte un nouvel ordre des valeurs: la transcendance du Créateur. L'idée de création telle qu'on la trouve dans la Bible établit, face a tous les panthéismes et a toutes les gnoses passées, présentes et a venir, la dictinction fondamentale entre le Créateur et le créé. Dieu parle... et cela est. Etonnant renversement des perspectives. Dieu est le Tout Autre, mais un Tout Autre qui parle. Pour I'Hébreu il ny a pasici séparation entre la parole et |'acte. Il dit, et la chose arrive. (Psaume 33 : 9.) Ici, le Tout Autre, extérieur a sa création, mais cependant attentif a elle, reste proche et agissant. L'auteur veut dire ici que la lu- miere est bonne (comme toute la création), mais qu'elle n'est pas pour autant divine : elle est de Dieu. | veut dire que le soleil, la lune et les étoiles sont des moyens seconds par lesquels Dieu dispense sa lumiere : la preuve, c'est qu’ils ne figurent qu’au quatrieme jour. ll veut affirmer la souveraineté totale de Dieu envers tout ce qui est, méme envers cette lumiere impalpable, si souvent divi- nisée. Déemythologisation des astres En indiquant que Dieu créa «par sa parole », le texte dépouillait la ma- tiere, le monde, la «nature » de tout pouvoir, de toute puissance, de toute divinité. Face a Dieu, au commence- ment, il n'y avait rien. C'est la une démythologisation de taille : la puis- sance de Dieu est personnelle. Se trouve ainsi rejetée toute conception panthéiste, mythique ou mystique de la nature ou de l'immanentisme. Contrairement a ce qui se passait dans toutes les religions anciennes, la nature n’est pas créatrice. Elle n'est qu'un produit de Dieu. C'est