NOVEMBRE-DÉCEMBRE 3 Editorial Jean Lavanchy 4 La résurrection des morts Raymond Beach 6 Si les morts ne ressuscitent pas... Jean Lafon 11 Lazare et le mauvais riche Antoine Mathy 13 Regard sur le spiritisme Charles Gerber 16 Alors leurs yeux s'ouvrirent Yvan Bourquin 19 L'agressivité (2) Bernard Casalis 23 Le don de soi Norbert Hugedé 24 Le salut et l'échelle de la perfection Françoise Juret 26 Mourir... et après ? Georges Vandenvelde 27 La prière et la drogue Jean-Marie Thomasseau 29 David Livingstone Jean-Paul Cosendai 31 Le règne de l'Esprit Maurice Mathy 34 Le doute, une vertu chrétienne ? Philippe de Largillière AGENCES: Revue bimestrielle fondée en 1876 NOVEMBRE-DÉCEMBRE REDACTION ET ADMINISTRATION : 60, avenue Emile-Zola 77190 Dammarie les Lys, France Tél. (1) 439 38 26 C.C.P. 425-28 Paris Rédacteur responsable : Jean LAVANCHY Europe BELGIQUE, 11, rue Ernest Allard, 1000 Bruxelles FRANCE, « Le Soc», 60, avenue Emile-Zola, 77190 Dammarie les Lys SUISSE, 8, avenue de l'Eglise-Anglaise, 1006 Lausanne Autres continents ALGÉRIE, 3, rue du Sacré-Cœur, Alger BURUNDI, Boîte Postale 1710, Bujumbura CAMBODGE, Boîte Postale 376, Phnom- Penh CAMEROUN, Boîte Postale 401, Yaoundé CANADA, 79, rue St Charles Est, Longueuil, P.Q. 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Copyright by Editions et Imprimerie S.D.T. Directeur. A. GARSIN. Dépôt légal 1974, n° 415 LA PEUR DE VIVRE Il y a quelques jours, «le Figaro» titrait sur sept colonnes: «Cent vingt six nations face à l'angoisse économique». Le 18 octobre, l'éditorialiste de «l'Aurore» constatait: «Aujourd'hui, l'anxiété gagne. Demain ce sera l'angoisse. Et après ?» N'est-il pas surprenant de retrouver dans les quotidiens d'information les termes d'une prophétie datant de deux mille ans ? Dans sa description de l'humanité parvenue au terme de son histoire, Jésus déclare en parlant des Nations qu'elles seront dans /'angoisse de ce qui surviendra sur /a terre. La peur n'est pas une exclusivité de notre époque. L'approche de l'an mil, les grandes épidémies etc... ont suscité des paniques collectives. Il s'agissait alors d'événements limités dans le temps et dans l'espace. Aujourd'hui, il semble que chacune de nos actions engendre ses propres dangers. Peur de manquer de nourriture, alors que déjà plus d'un tiers de l'humanité est sous-alimenté. Peur de consommer des aliments rendus dangereux à force de traitements chimiques. Peur du chômage ou d'accepter sous la contrainte une activité professionnelle mal adaptée à nos actions. Peur de l'escalade de la violence sous toutes ses formes et dans tous les lieux (attentats aveugles — prises d'otages — banditisme etc...). Nous avions pris l'habitude de nous endormir sur un oreiller d'armes nucléaires, prêtes à l'emploi. Le 18 octobre 1974, le ministre de la Défense des Etats-Unis avertissait son gouvernement que L'U.R.S.S. entreprendrait l'an prochain un renforcement de sa puissance offensive promettant d'être la plus spectaculaire de toute l'histoire des armes nucléaires stratégiques. Même dans son emploi pacifique, «l'atome» est un péril : plusieurs piles nucléaires ont dû être arrêtées ces derniers mois. Peu à peu, la société s'installe à l'ombre des spectres de l'inflation, de la pollution, de la surpopulation, de la pénurie. Malgré leur actualité, leur précision, les prophéties bibliques, véritables calendriers de notre histoire, semblent se désagréger dans une acceptation passive, résignée, pessimiste et dangereuse d'un état de fait. Pour Jésus-Christ, l'angoisse n'est pas l'aboutissement de «l'aventure humaine». Ce n'est qu'un signe. Dans sa vision, il nous parle d'espérance: Quand vous verrez ces choses, redressez-vous et levez vos têtes... L'avènement du Fils de /'Homme est proche. Seul, l'esprit est capable maintenant de nous permettre de surmonter cette peur de vivre. Jean lavanchy 3 la résurrection des morts La lumineuse espérance du chrétien. Il y aura deux résurrections, l'une pour la vie éternelle et l'autre pour la condamnation. Quand auront-elles lieu ? La délivrance du péché aboutit finalement au rétablissement de la vie, à la plénitude de l'être et de la personnalité après la mort. Une fois que la mort a eu lieu, il faut une résurrection pour que celui qui a été affranchi du péché par Jésus-Christ puisse entrer dans la vie éternelle. Etant donné la nature de l'homme, la résurrection est l'unique moyen. L'homme n'est pas seulement esprit ; il est un être à trois dimensions: esprit, âme et corps. Quand il a été créé au commencement, Dieu souffla dans le corps de l'homme un souffle de vie et il devint un être vivant (1 ). Le temps viendra où ceux que retient le sommeil de la mort se réveilleront pour la vie éternelle. Tes morts vivront, a déclaré le prophète, mes cadavres ressusciteront, réveillez-vous et chantez, les domiciliés de la poussière, car... la terre fera renaître les ombres (2). Ce sera un jour de glorieuse satisfaction. Pour moi, dans mon innocence, je verrai ta face : ce fut la prophétie de David ; dès le réveil, je me rassasierai de ton image (3). Saint Paul a écrit, au sujet des chrétiens qui étaient morts: Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l'ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres «hommes» qui n'ont point d'espérance (4). Les chrétiens peuvent s'affliger mais non sans espérance. Ils savent que ceux qui dorment se réveilleront. Dans l'état de sommeil le temps ne compte pas. Toute activité mentale est suspendue. Ceux qui se sont endormis en Christ ont fermé les yeux sur ce monde; ils les rouvriront au matin glorieux du retour du Christ, le matin de la résurrection. La résurrection des morts, affirmée par le Credo apostolique, ouvre la porte sur une vie sans fin. Les saintes Ecritures s'expriment avec clarté au sujet de la condition de ceux qui dorment du sommeil de la mort. Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront; mais les morts ne savent rien (5). Ce même jour, ses desseins périssent (6). Les saints hommes des temps anciens ne sont pas montés au ciel à leur mort; ils attendent le jour de la résurrection. Nous lisons, en effet: David n'est point monté au ciel (7). Le fait que son sépulcre demeurait à Jérusalem, toujours fermé, était donné comme preuve qu'il n'était pas encore monté au ciel (8). S7 un homme meurt, revivra-t-H ? demandait Job, et il ajoutait: Tous les jours de ma détresse, j'attendrais jusqu'à ce que mon état vînt à changer (9). Selon l'affirmation de saint Paul, H faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. ... Alors s'accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire (10). Ceux qui sont dans les sépulcres en sortiront. Oui, l'apôtre Paul l'a dit, la victoire dépend de la résurrection des morts. Mais quand aura lieu la résurrection des justes ? Ici aussi, l'apôtre Paul nous donne une réponse claire: Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement (11). C'est donc à la seconde venue du Christ que les morts en Christ ressusciteront glorifiés pour aller à la rencontre du Seigneur dans les airs. L'Ecriture ajoute: Ainsi nous serons toujours avec le Seigneur (1 2). C'est cette expérience glorieuse réservée à tous les saints de Dieu endormis qui était le sujet constant des écrits et des discours de l'apôtre Paul. Traduit en justice devant le sanhédrin, il déclarait que c'est à cause de l'espérance en la résurrection des morts qu'il était mis en jugement par les conducteurs d'Israël (13). Le même apôtre écrivait aux Romains que Jésus-Christ a été déclaré F Us de Dieu avec puissance, ... par sa résurrection d'entre les morts (14). C'est saint Paul, on le sait, qui a écrit le beau traité du Nouveau Testament sur la résurrection. Dans sa première lettre aux Corinthiens (15), il s'étend longuement sur la certitude de la résurrection des morts et sur son importance vitale au point de vue de la foi chrétienne. Il indique également le moment de la résurrection et la manière dont elle aura lieu. Il déclare que l'Evangile de Jésus-Christ est chose entièrement vaine, et la foi chrétienne également, si Christ n'est pas ressuscité, et s'il n'y a point de résurrection des morts (16). Il fonde la résurrection des justes sur celle du Christ, l'une étant aussi certaine que l'autre. Ceux qui appartiennent au Christ, dit-il, reprendront vie... Lors de son avènement (17). Il déclare que le corps ressuscité sera un corps spirituel, essentiellement différent du corps actuel, réel néanmoins (18). Il dit en outre que le changement de la mortalité à l'immortalité qui se produira à la résurrection sera instantané (1 9). Il va sans dire que l'enseignement des apôtres est basé sur celui de Jésus-Christ. Quand les sadducéens, qui niaient la résurrection, crurent apporter au Maître un argument irréfutable contre la résurrection, notre Sauveur leur dit: Que les morts ressuscitent, c'est ce que Moïse a fait connaître quand, à propos du buisson, 7/ appelle le Seigneur le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob. Or, Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants (20). L'apôtre Paul emploie un langage analogue quand il dit que Dieu appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient (21 ). Vous savez que le Maître a enseigné ceci : tous les hommes, bons et méchants, revivront au temps fixé. Il a dit: Ne vous étonnez pas de cela; car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix, et en sortiront. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement (22). Ici le Maître mentionne d'une manière précise deux résurrections: une pour la vie, l'autre pour la condamnation. La résurrection pour la vie est appelée la résurrection des justes (23). Saint Paul se réfère à la pensée du Sauveur quand il dit: Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang, Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement (24). Au moment où le Seigneur Jésus descendra du ciel au signal donné, à la voix de l'archange, ceux qui sont morts en Christ ressusciteront premièrement. C'est la première résurrection. Ensuite le Maître nous fait dire par Jean le révélateur: Les autres morts ne revinrent point à la vie jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis (25). Nous avons par conséquent deux résurrections: la première, celle des justes, à la seconde venue du Christ, résurrection de vie; et la seconde, celle de condamnation, du reste des morts, les méchants, mille ans plus tard. Il est donc clair, d'après la parole du Maître, que tous revivront. Combien le Christ notre Seigneur a changé l'attitude de l'homme à l'égard de la mort ! Pour quiconque croit en lui la mort change d'aspect. Pour beaucoup de penseurs de l'époque du Christ, la mort était la fin de tout. Elle était définitive. Le sépulcre était une impasse. Les épitaphes trouvées dans beaucoup de cimetières romains de ce temps-là montrent que ceux qui pleuraient leurs bien-aimés disparus n'avaient aucun espoir de les revoir. Quelqu'un a dit: «On jettera un peu de terre sur nous et ce sera la fin pour toujours.» Notre Sauveur a changé tout cela. Par l'enseignement et par l'exemple il a montré que la mort est un sommeil qui sera suivi d'un réveil. La mort cesse d'être le point final. Désormais la mort est un repos, un moment de silence et d'obscurité sur la route conduisant à la vie éternelle. La vie du juste est cachée avec le Christ en Dieu, et quand Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire (26). Jésus notre Seigneur s'est attribué le pouvoir de ressusciter les morts. Ecoutons-le: Comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui H veut (27). Jésus a reçu de Dieu le pouvoir de ramener à la vie qui il veut. La vie des siens est en sûreté, cachée dans sa main. H.M.S. Richards a raconté naguère, lors d'une émission internationale de radio, qu'un voyageur roulant sur la seule bonne route d'un pays s'était égaré. Le soleil était chaud, la poussière épaisse, et le conducteur frisa le désespoir quand il s'aperçut qu'il ne retrouvait pas sa route. Après de vaines recherches il se rendit à une ferme isolée et demanda comment il pourrait trouver la bonne route. On lui dit: «Descendez jusqu'au bout du sentier, tournez à gauche, et vous atteindrez le cimetière. Quand vous aurez traversé le cimetière qui borde le chemin, tournez à droite et vous ne tarderez pas à arriver à une route principale bien pavée. Vos difficultés auront pris fin.» Ceci fait penser à la destinée des saints de Dieu qui se sont endormis. Ils sont assiégés par bien des épreuves. Il leur faut cheminer par de nombreux chemins poussiéreux et rocailleux. La route de l'affliction passe par le cimetière: on le traverse en Jésus-Christ. Les saints tournent à droite et leurs difficultés prennent fin. Ils verront alors celui qu'ils aiment sans l'avoir vu (28). Mon problème, par conséquent, c'est de me réconcilier avec Jésus-Christ. Il donne une réponse réconfortante à la question de Job: Si un homme meurt, revivra-t-H (29) ? Personne n'a jamais pu dire comme lui : Celui qui croit en moi vivra, quand même H serait mort (30). Quand nous parvenons à un accord avec Jésus-Christ qui domine le champ de bataille de la vie et de la mort, nous parvenons en même temps à un accord avec la vie et la mort et nous trouvons une voie ouverte à travers la résurrection des morts. Point n'est besoin, donc, de languir dans la douleur avec un sentiment de frustration. Notre foi trouvera son expression dans la neuvième symphonie de Beethoven, dans l'Alléluia du chœur de Haydn, ou dans ces simples mots d'un croyant : «Quand l'âme accablée s'enfonce dans le sommeil, Ses yeux sur le point de se fermer se tournent vers toi pour la prière ; Doux repos à l'ombre de tes ailes. Mais ce sera encore plus doux de se réveiller et de te trouver là. Ainsi en sera-t-il enfin en ce brillant matin, Où l'âme s'éveille et les ombres s'évanouissent; En ce jour plus beau que la plus magnifique aurore, Surgira cette glorieuse pensée : Je suis avec toi. » Raymond BEACH (1 ) Genèse 2 : 7. (2) Esaïe 26 :1 9, version Crampon. (3) Psaume 17:15. (4) 1 Thessaloniciens 4:13. (5) Ecclésiaste 9:5. (6) Psaume 146:4, version Crampon. (7) Actes des Apôtres 2:34. (8) Voir Actes des Apôtre 2:29. (9) Job 14:14, version Darby. (10) 1 Corinthiens 15:53, 54. (11) 1 Thessaloniciens 4:16. (12) 1 Thessaloniciens 4:17. (13) Actes des Apôtres 23:6; 24:21, version Crampon. (14) Romains 1 :4. (15) Voir 1 Corinthiens 15. (16) 1 Corinthiens 15:14, 13. (17) 1 Corinthiens 15:22, 23. (18) 1 Corinthiens 15:35-44. (19) Voir 1 Corinthiens 15:51-54. (20) Luc 20:37, 38. (21) Romains 4:17. (22) Jean 5:28, 29. (23) Luc 14:14. (24) 1 Corinthiens 15:22, 23. (25) Apocalypse 20:5. (26) Jean 8:51, 52; 1 Colossiens 3:4. (27) Jean 5:21. (28) 1 Pierre 1 :8. (29) Job 14:14, version Darby. (30) Jean 11 :25. Voilà une parole étrange, qui vous cause peut-être un certain malaise «manger et boire», autrement dit se contenter de la vie matérielle, se ravaler au rang de l'animal, tout simplement parce qu'il n'y aurait pas de résurrection, parce que nous n'aurions pas de corps dans la vie future, n'est-ce pas attribuer une importance excessive à une doctrine discutable et couper les ailes à l'idéalisme terrestre au profit de je ne sais quel matérialisme de l'au-delà ? Le corps supprimé, l'âme reste, direz-vous à l'apôtre; et alors que faites-vous de l'immortalité ? Si l'âme survit, est-ce que cela ne suffit pas pour que les réalités morales conservent une valeur incalculable et se prolongent à travers l'horizon borné de la terre, jusqu'aux régions illimitées du monde éternel ? Toutes les responsabilités subsistent; il reste un compte à rendre et, si nous nous contentons de manger et de boire, que ferons-nous quand la mort viendra nous surprendre et nous dire: prépare-toi à la rencontre de ton Dieu ? Ne croyez pas triompher si facilement de l'apôtre; en réalité votre raisonnement ne l'atteint pas, vous portez des prémisses (prémisses = arguments) qui lui sont absolument étrangères; pour lui, vie éternelle et résurrection ne font qu'un, il n'a aucune idée de cette âme dont vous parlez, de cet esprit pur dégagé de toute enveloppe extérieure, et qui entrerait, souffle impalpable, dans l'éternité. Cette conception de l'immortalité est une théorie d'origine païenne qui s'est infiltrée dans le Christianisme postérieur grâce à l'influence de Platon. Chez les écrivains sacrés, vous ne trouvez rien d'analogue, ces grands et sobres réalistes ne se repaissent pas d'abstractions. Pour eux, la matière, fille de Dieu, elle aussi, n'est point l'ennemie, la source empoisonnée d'où sortent l'erreur et le mal ; et l'âme, privée de tout organisme, est une chimère qui n'a jamais effleuré leur imagination. Vous auriez raison, si la phrase de mon texte émanait de quelque philosophe grec mais, chez saint Paul, elle est absolument logique, il n'y a pas de contradiction: Si les morts ne ressuscitent pas, c'est-à-dire s'il n'y a pas pour nous de vie éternelle, l'horizon s'abaisse et se ferme, à quoi bon nous bercer d'un idéal purement illusoire? Etres d'un jour destinés à disparaître sans espoir, nous sortons de la terre, nous retournons à la terre, nous n'avons qu'à vivre pour la terre : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. Pour nous, la question qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir si nous donnerons la préférence à la résurrec tion concrète de saint Paul ou à l'immortalité abstraite de Platon. Il se peut que votre esprit, longtemps façonné par les idées grecques, qui ont envahi la littérature et la prédication chrétiennes, rejette de prime abord la conception paulinienne qui paraît moins poétique et moins éthérée. Mais je crois qu'après avoir réfléchi, vous sentirez que cette théorie de la résurrection corporelle est plus vraisemblable, plus humaine, plus scientifique et plus conforme à nos conceptions modernes que la doctrine de cette immortalité pure et simple qu'on lui oppose, ou qu'on essaie de combiner avec elle sans logique et sans souci de la réalité. Quoi qu'il en soit, sans chercher à expliquer ou à décrire ce qui nous dépasse, nous affirmons avec saint Paul que l'homme n'est pas un pur esprit, qu'il a besoin d'un organisme pour vivre dans le temps et dans l'espace, et s'il y a, s'il peut y avoir des corps dont la nature varie à l'infini, il n'en est pas moins vrai que dans l'univers créé, la créature ne peut exister, se manifester, entrer en rapport avec les réalités extérieures qu'au moyen d'un corps approprié au milieu où elle vit. La résurrection du Christ est l'application glorieuse de cette loi générale de la création. Le ressuscité du jour de Pâques, en apparaissant sur la terre, nous a révélé ce qui nous attend : H est les SI LES MORTS NE RESSUSCITENT R4S. 6 prémices de ceux qui sont morts. Qui dit: éternité pour l'homme, dit par là même, résurrection. La conception de saint Paul, que nous avons essayé de résumer, a sur les idées courantes plusieurs avantages qu'il me semble impossible de contester. L'esprit et la matière En premier lieu, elle est logique: elle prolonge, à travers la mort, les lignes de la réalité, telle que nous la connaissons; elle respecte les lois de notre être, elle les transporte dans l'éternité. Parmi nos contemporains qui croient à la vie future, nous pouvons distinguer deux écoles principales qui ne semblent pas plus l'une que l'autre sauvegarder la continuité de l'être humain. L'une, qui est la plus récente, en revient tout simplement aux idées de Platon ; elle admet une âme immortelle qui se dégage de la matière et flotte, invisible, impondérable, dans l'espace éthéré; et je me demande alors ce qu'il reste de l'être humain, de sa constitution primitive après cette rupture complète avec les conditions essentielles de la vie. L'autre école, qui se croit plus conservatrice, combine en un étrange amalgame, les idées platoniciennes avec le dogme chrétien déformé. Elle parle, elle aussi, d'une âme qui s'échappe de son enveloppe corporelle pour mener une existence indépendante pendant des siècles peut-être, en attendant le grand jour où elle retrouvera son corps enfin ressuscité. Et je ne puis m'empêcher de me demander ce que vient faire cette résurrection tardive, si l'âme a pu continuer une existence consciente, épanouie et glorieuse, sans cette enveloppe qui n'est plus qu'une inutile limitation. Saint Paul est autrement logique: il prend l'être humain tel qu'il est, il n'en fait pas un dieu,pur esprit, qui plane au-dessus du temps et de l'espace, et, pour lui, la vie future reste une vie humaine, transfigurée et glorifiée. Logique, respectueuse des lois naturelles qui sont la manifestation permanente de la volonté créatrice, la conception de saint Paul est aussi plus moderne, plus scientifique que les rêves philosophiques qu'on essaie de lui substituer. Nous qui n'admettons pas de théories bâties en l'air et sans analogie avec la réalité, nous sommes heureux de constater que nos croyances chrétiennes se soudent à merveille aux résultats les plus certains de nos recherches et de nos observations. Aujourd'hui nous ne pouvons plus établir de distinction absolue et méprisante entre la matière et l'esprit: la matière ? nul ne la connaît... dans son essence ultime et ne peut la définir, mais plus nous essayons de la pénétrer, de l'analyser, plus elle échappe à nos prises, plus elle nous éblouit de ses merveilles, plus elle nous apparaît comme un réservoir inépuisable d'énergies latentes, de forces accumulées, plus elle se spiritualise, pour ainsi dire, et semble receler de puissance et de vie. Et, d'autre part, plus nous étudions l'esprit de l'homme, plus la science expérimentale met ses méthodes et ses moyens d'investigation au service de la psychologie, plus aussi nous constatons l'union intime, indissoluble, le fonctionnement parallèle et l'influence réciproque du corps et de l'esprit. Non seulement notre organisme est l'intermédiaire indispensable avec les objets et les êtres, à tel point que la paralysie d'un de nos sens nous masque et nous supprime tout un pan de la réalité et que la paralysie de tous nosorganes serait pour nous l'anéantissement DU MONDE EXTÉRIEUR; mais encore on peut dire sans aucune exagération que si l'esprit meut l'organisme, l'organisme est indispensable au fonctionnement de l'esprit. Certes, nous ne confondons pas la pensée avec le cerveau ; mais nous ne pouvons pas imaginer aujourd'hui une pensée humaine qui s'élabore sans entraîner ou sans répercuter une modification du cerveau. Nous savons, par exemple, comment nos facultés intellectuelles se localisent dans telle ou telle partie de notre substance cérébrale; un habile praticien, en touchant à notre encéphale, pourrait faire disparaître à son gré telle classe de mots dont nous nous servons, et personne n'ignore qu'un trouble mental est l'indice d'une lésion. Il n'est pas jusqu'à notre caractère, jusqu'à nos dispositions morales qui ne subissent lecontre-coupdenotre état physique, de notre tension nerveuse ou de notre tempérament, si bien qu'au-jourd'hui on nous parle d'une cure d'âmes que le pasteur ne pourrait entreprendre en connaissance de cause sans être doublé d'un médecin. Ce qui est certain, c'est qu'on ne peut séparer le corps et l'âme, c'est qu'une âme humaine sans aucun organisme est une chimère qui ne peut plus hanter notre imagination, et si vous voulez que l'homme, tel que Dieu l'a créé, revive, il faut admettre une résurrection. Cette conception de la vie future pour la race humaine est la seule qui s'adapte sans aucune violence aux connaissances scientifiques du vingtième siècle et nous le disons avec une joie sereine, avec une fierté légitime, nous qui avons voulu conserver la doctrine chrétienne dans son intégrité, nous qui avons été longtemps traités de retardataires, nous avons conscience d'être les hommes du progrès, les hommes de notre temps. Comme il avait raison le grand apôtre, lui qui ne pouvait pas deviner la confirmation éclatante que la science apporterait un jour à sa foi, de s'écrier dans son langage énergique: Si /es morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons. Oui, s'il n'y a pas de résurrection, ou, ce qui revient au même, pas de vie future, je vous abandonne le présent. Morale et foi Je sais bien, et je suis heureux de le reconnaître, qu'il y a de nobles âmes qui, n'ayant plus d'échappée sur le monde éternel, ne se résignent pourtant pas à rabaisser le présent. Elles n'ont plus la foi; elles veulent du moins conserver la morale et leur conscience leur tient un langage qu'elles ne consentent pas à traiter d'illusion. Si le «tu dois» qui retentit dans les profondeurs de leur être, ne leur apparaît plus comme un écho de la voix divine, elles y voient encore un appel à leur dignité. Elles s'efforcent de bâtir une morale qui les élève au-dessus de l'animal et elles parlent encore d'altruisme, de dévouement, de sacrifice et de solidarité. Et si leur fragile édifice ressemble à la maison bâtie sur le sable, il conserve cependant une pureté de lignes, une noblesse d'allure qui commande le respect. 7 Nous nous inclinons très bas devant ces consciences qui ne consentent pas à déchoir; mais nous sommes bien obligés de reconnaître que leur noblesse est une survivance dont les générations suivantes ne tarderont pas à sentir l'inconséquence et à proclamer: si l'obligation morale n'est pas la projection des réalités éternelles sur les réalités d'ici-bas, si le Dieu qui me parle aujourd'hui ne s'est pas réservé de lendemain, si je puis tout me permettre sans avoir de compte à rendre, il n'y a plus de frein assez puissant pour contenir mon égoïsme, et la seule loi qui s'impose, c'est celle de mes appétits et de mes passions. Les faits sont là pour démontrer que la morale s'écroule quand la foi ne lui fournit plus de base solide qui légitime ses exigences et maintienne son autorité, et vous aurez beau répéter les grands mots, désormais vides, de devoir et de dignité, vous n'empêcherez pas les générations nouvelles, sevrées de tout idéal, avides de réalités tangibles, pressées de vivre et de jouir, de s'écrier avec une logique intrépide: Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. Mais vous rougiriez de répéter ce mot cynique; vous croyez à la vie éternelle et vous attendez une résurrection. Vous n'admettez pas que Dieu vous ait trompés en déposant dans vos cœurs les pierres d'attente de l'édifice éternel : ces aspirations invincibles vers le bien, la vérité, la justice, la perfection dans tous les domaines, toujours inassouvies sur cette terre, vous croyez qu'un jour viendra où elles obtiendront satisfaction, et depuis que vous avez contemplé le Saint et le Juste, depuis que le Ressuscité du jour de Pâques a fait resplendir à vos yeux la vie et l'immortalité, vous savez que l'humanité n'est pas enfermée dans une impasse: à travers la porte sombre qui vous barre la route, vous voyez filtrer la lumière, et vous vous apprêtez à saluer l'aurore du jour éternel, de la glorieuse résurrection ... La mort en face Eh bien, laissez-moi vous le dire, si vous avez cette foi, si vous nourrissez cette espérance, il faut dès aujourd'hui vous orienter vers l'éternité. Il faut attacher vos regards sur le but à atteindre et marcher vers ce but d'un pas délibéré. Il ne s'agit pas de vous installer ici-bas comme si la terre était votre demeure définitive et de fermer les yeux, comme des condamnés à mort qui veulent ignorer, jusqu'à la dernière minute, quand brillera l'éclair du glaive qui doit les précipiter dans l'inconnu. Un chrétien ne marche pas à l'aventure en comptant sur son étoile pour ajourner le malheur: il sait ce qui l'attend, l'avenir n'a rien qui l'épouvante; il est prêt à vivre et prêt à mourir, c'est-à-dire à vivre encore, d'une vie plus haute et plus belle: il a pris possession de l'éternité. Un chrétien est un soldat qui a regardé la mort en face et qui, prêt à l'affronter à toute heure, se donne sans réserve à la cause sainte dont le triomphe est l'objet suprême de ses ambitions. Si vous n'êtes pas prêts, si vous n'avez pas une fois pour toutes jeté l'ancre dans l'éternité, vous serez des agités, des affolés, vous chercherez les distractions, vous vous laisserez entraîner par tous les courants du monde, vous fléchirez sous le poids des responsabilités dont vous essaierez d'éluder le plus grand nombre, et, tout tremblants, dès que la mort viendra vous frôler de son aile, vous direz avec une amère tristesse: «J'ai perdu ma vie, tout ce que j'ai fait n'a rien valu.» Mais si, au contraire, embrassant notre glorieux avenir d'un regard plein d'espérance, saluant d'avance avec des transports de joie cette résurrection intégrale et totale par laquelle Dieu se réserve de prolonger, de rajeunir, de transfigurer toutes les réalitésd'ici-bas, confiants en l'amour du Père qui ne consent ni à l'échec de son œuvre ni à la perte de ses enfants ; unis au Sauveur, au frère aîné, au divin réparateur des brèches qui nous a montré dans sa personne ressuscitée et glorifiée la destinée splendide qui est offerte au genre humain, vous vous campez dans le présent comme des candidats à l'éternité, alors, la vie terrestre prend un relief, une signification, une importance que vous n'auriez jamais soupçonnée. Il n'y a plus entre la vie du corps et celle de l'âme cette distinction absolue dont nous faisions un prétexte pour offrir au monde notre activité extérieure et à Dieu le culte irréel et vague d'un esprit désincarné, ce n'est pas seulement notre âme, c'est notre corps que nous devons offrir en sacrifice vivant et saint et conserver irrépréhensible pour l'avènement de Jésus-Christ. Il n'y a plus entre la vie de la terre et la vie du ciel cet abîme qui semblait nous autoriser à diviser notre existence en deux parties absolument différentes: d'un côté le monde de la matière et, de l'autre, le monde de l'esprit. Désormais l'éternité se reflète dans les réalités actuelles et le présent se transfigure à la lumière de l'éternité. La mort n'est plus cette opération incompréhensible et brutale qui nous ampute de la moitié de notre être et qui nous jette dans une existence à laquelle rien ne nous préparait: c'est l'enfantement suprême, et douloureux comme toute naissance, par lequel nous entrons dans un monde nouveau, transformés sans doute, adaptés à de nouvelles conditions d'existence, mais toujours identiques dans le fond de notre être, toujours construits sur le même plan, toujours soumis aux mêmes lois divines qui font de nous, non pas des esprits purs ou des anges, mais des hommes, des représentants authentiques du genre humain. Citoyens du ciel Et dès lors, vivants d'aujourd'hui et ressuscités de demain, nous traverserons cette terre, avec le sentiment de notre valeur impérissable, avec la vision de l'avenir glorieux qui nous attend, avec la ferme volonté de vivre ici-bas comme des citoyens du ciel, et nous attendrons la mort sans crainte, sachant, comme dit saint Paul, qu'au lieu de nous dépouiller elle va nous revêtir, que nous retrouverons dans le monde éternel, ressuscités et glorifiés mais toujours reconnaissables, ceux dont les traits bien-aimés sont restés gravés dans notre mémoire, et que nous entourerons avec eux Celui que nous appelons notre Sauveur et notre Maître. Celui qui, après avoir traversé la mort, est apparu à ses disciples, dans la réalité intégrale de sa- personne humaine, et dans toute la gloire d'un habitant des cieux. Extrait de : « Etudes et portraits évangéliques, 15 sermons.» 8 L'homme est une âme vivante. Il ne faut pas interpréter la notion hébraïque d'âme à partir du dualisme platonicien. Ignorant la dichotomie âme-corps, l'hébreu ne fait pas de l'âme cette réalité désincarnée qu'elle est pour nous, précisément parce que nous l'opposons au «corps». En hébreu, l'âme c'est l'homme. On ne doit pas dire que l'homme a une âme, mais qu'il est une âme. Ignorant la dichotomie âme-corps, l'hébreu appelle cette réalité tangible, sensible, expressive et vivante qu'est l'homme une âme. Je ne perçois pas un «corps» lequel contiendrait une «âme»; je perçois immédiatement une âme vivante avec toute la richesse de son intelligibilité que je déchiffre dans le sensible qui m'est donné. Cette âme est pour moi visible et sensible parce qu'elle est au monde, qu'elle a assimilé des éléments dont elle s'est nourrie, qu'elle a intégrés et qui font qu'elle est chair. L'essence de cette chair qu'est l'homme, c'est l'âme. Si on enlève l'âme, il ne reste pas un «corps». Il ne reste rien, sinon de la poussière du monde. Il est aussi vrai de dire : nous sommes des corps, que de dire : nous sommes des âmes. Aussi l'hébreu emploie-t-il indifféremment, pour désigner l'homme vivant, les termes « âme », ou « chair », qui visent une seule et même réalité, l'homme vivant dans ce monde. Claude TRESMONTANT, Essai sur la pensée hébraïque Le premier homme, nous dit la Genèse, a été créé «une âme vivante». Mais, selon la Bible hébraïque, les animaux aussi sont des âmes vivantes. L'ensemble du règne animal, de l'ordre biologique, c'est ce que la Bible appelle «la chair». L'hébreu emploie d'une manière équivalente les expressions «toute âme vivante», ou «toute chair» pour signifier cet ordre biologique du monde animal. «Toute chair», c'est l'ensemble des vivants, aussi bien hommes que bêtes (cf. Genèse 6 : 13, 17; 7 : 15; Psaume 136 : 25). Puis plus spécialement, l'ensemble des hommes (Genèse 6 :1 2 ; Esaïe40 : 6 ; Jérémie 12 : 12 ; 25 : 31 ; Zacharie 2:17). La chair, au sens biblique, c'est cet ordre biologique, animé, vivant et conscient. Si, comme le pensent plusieurs biologistes, la conscience est coextensive à la vie, la Bible a une position très moderne : le biologique, c'est aussi le psychologique. ... Il faut prendre garde soigneusement que, dans la Bible, « la chair» ne signifie pas une partie du «composé humain», comme dans l'anthropologie dualiste, où l'on distingue «le corps» et «l'âme». La notion biblique de chair n'équivaut pas à la notion occidentale de «corps». La chair, dans la pensée biblique, c'est l'humanité, l'homme tout entier, le règne animal ou le monde humain vivant, animés, conscients. ... Notre culture occidentale comporte des héritages de pensée et de terminologie dont il importe à l'occasion de savoir reconnaître les origines hétérogènes, malgré les analogies apparentes de vocabulaire, sous peine de confondre ce qui est absolument différent. En fait, ce sont les gnostiques chrétiens qui ont fait dévier le sens des termes pauliniens, et ont interprété la notion biblique de chair dans la perspective d'une métaphysique de type platonicien. Claude TRESMONTANT, Théologien catholique Saint Paul et le mystère du Christ 9 Posez à un chrétien, protestant ou catholique, intellectuel ou non, la question suivante : qu'enseigne le Nouveau Testament sur le sort individuel de l'homme après la mort, à très peu d'exceptions près vous aurez toujours la même réponse : l'immortalité de l'âme. Et pourtant cette opinion, quelque répandue qu'elle soit, est un des plus graves malentendus concernant le christianisme. Il est inutile de vouloir passer ce fait sous silence ou de le voiler par des interprétations arbitraires qui font violence au texte. On devrait plutôt en parler très ouvertement. La conception de la mort et de la résurrection, telle qu'elle va être exposée dans ces pages, est enracinée dans l'histoire du salut. Entièrement déterminée par cette histoire, elle est incompatible avec la croyance grecque à l'immortalité de l'âme. Elle est choquante pour la pensée moderne et cependant elle se présente à nous comme un élément constitutif de la prédication des premiers chrétiens qu'on ne saurait abandonner ou éluder par une interprétation modernisante, sans que le Nouveau Testament soit privé de sa substance. ... Toute la pensée de l'Eglise primitive est orientée dans le sens de l'histoire du salut. Tout ce qui est affirmé sur la mort et la vie éternelle dépend entièrement de la foi en un fait réel, en des événements réels qui se sont déroulés dans le temps. C'est là que réside la différence radicale avec la pensée grecque. Comme nous avons voulu le montrer dans notre livre CHRIST ET LE TEMPS, cette conception appartient à la substance même de la foi des premiers chrétiens, à son essence qu'on ne peut pas abandonner ni changer par une interprétation modernisante. Dans le Nouveau Testament, la mort et la vie éternelle sont liées à l'histoire du Christ. Il est donc clair que pour les premiers chrétiens l'âme n'est pas immortelle en soi, mais qu'elle l'est devenue uniquement par la résurrection de Jésus-Christ, le premier-né d'entre les morts, et par la foi en lui. O. CULLMANN Théologien protestant Immortalité de l'âme ou Résurrection des morts En somme, le corps et l'âme sont des vues prises du même objet à l'aide de méthodes différentes, des abstractions faites par notre esprit d'un être unique. L'antithèse de la matière et de l'esprit n'est que l'opposition de deux ordres de techniques. L'erreur de Descartes a été de croire à la réalité de ces abstractions et de regarder le physique et le moral comme hétérogènes. Ce dualisme a pesé lourdement surtoute l'histoirede la connaissance de l'homme. Il a créé le faux problème des relations de l'âme et du corps. Il n'y a pas lieu d'examiner la nature de ces relations, car nous n'observons ni âme, ni corps, mais seulement un être composite dont nous avons divisé arbitrairement les activités en physiologiques et mentales. Certes, on continuera toujours à parler de l'âme comme d'une entité, de même qu'on parle du coucher et du lever du soleil, bien que l'humanité sache, depuis Galilée, que le soleil est immobile. L'âme est cet aspect de nous-mêmes qui est spécifique de notre nature et nous distingue de tous les autres êtres vivants. Alexis CARREL, L'homme, cet inconnu 10 Le récit du pauvre Lazare et du mauvais riche, que nous lisons dans l'évangile selon saint Luc (chap. 16), est une page précieuse pour ceux qui croient qu'au moment de la mort, l'âme s'échappe du corps pour aller vivre dans la gloire éternelle. N'y a-t-il pas ici, en effet, une scène qui se passe dans l'au-delà ? Examinons avec soin ce récit, mais sans oublier un seul instant qu'il s'agit d'une parabole. Il y avait, dit Jésus, un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin Un, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères, et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. C'est la vie courante, hélas ! Ce qui se passait du temps du Seigneur se voit également aujourd'hui. La richesse s'étale d'une manière provocante devant la misère. C'est à peine si, souvent, le riche laisse de temps en temps tomber de sa table une miette dont s'empare avec empressement celui qui est démuni des biens de ce monde. L'état spirituel du riche laisse beaucoup à désirer. Il pense davantage à ses plaisirs qu'à servir Dieu. Il semble n'avoir qu'un seul souci : mener joyeuse et brillante vie. Le pauvre était dans une meilleure condition spirituelle, puisqu'il est sauvé. Mais tout ce que nous savons de lui, c'est qu'il était pauvre et malade: deux malheurs qui vont souvent de pair. Après un certain nombre d'années de cette existence miséreuse, le pauvre mourut, et H fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Que signifie cette expression: « le sein d'Abraham» que nous trouvons seulement dans ce passage des Ecritures ? De toute évidence c'est le séjour des élus, et cette appellation vient sans doute du fait que le suprême bonheur, pour un Juif, c'était d'être auprès du père de la race. Il n'est pas dit que c'est son âme seule qui fut emportée par les anges. C'est lui-même tout simplement. Le riche arriva lui aussi au terme de sa vie fastueuse. H mourut aussi, Usons-nous, et fut enseveli. Ses héritiers — contrairement à ce qui se passa pour Lazare — lui firent de magnifiques funérailles. lazare le • mauvais» rielie La richesse s'étale d'une manière provocante... ... devant la misère Et le voici dans le séjour des morts. Là, dans le Hadès, le riche leva les yeux, ce qui semble indiquer que l'endroit où il se trouve est dans les lieux inférieurs. Et tandis qu'il était en proie aux tourments, H vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Nous sommes ici en plein terrain parabolique. Car il est bien évident que le paradis et le lieu de tourments ne peuvent communiquer l'un avec l'autre d'aucune façon. Que serait le bonheur des élus s'ils voyaient les méchants se tordre dans les flammes éternelles? Comment pourraient-ils être témoins de ces souffrances inimaginables, entendre les gémissements d'êtres chers peut-être qui seraient au nombre des réprouvés ? Il en faudrait beaucoup moins, nous semble-t-il, pour troubler la quiétude des rachetés. Au milieu des flammes, le riche s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu'il trempe le bout de son doigt et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme. Pourquoi le riche s'adresse-t-il au père Abraham? N'est-ce pas vers Dieu que doivent monter toutes les prières ? Le vénérable patriarche serait-il devenu un médiateur? Saint Paul nous assure, pourtant, qu'il n'en existe qu'un seul, savoir Jésus-Christ. Est-ce son âme seule qui brûle sans se consumer? D'après le récit, il ne semble pas que l'âme et le corps soient séparés. D'un autre côté, conçoit-on une âme avec un doigt, une langue, etc. Ce n'est pas à ce langage que nous ont habitués ceux qui croient à l'immortalité de l'âme. Voyons maintenant la raison du bonheur de l'un et des souffrances de l'autre. Le Père Abraham va nous les donner. En parlant du pauvre Lazare, il dit au riche: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant cette vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé et toi tu souffres. C'est un sérieux avertissement pour les riches. Mais la richesse serait-elle un motif suffisant pour exclure du ciel ? Et la pauvreté suffirait-elle pour gagner les faveurs divines? Certainement pas. C'est l'amour de la richesse, lisons-nous dans ('Ecriture, qui éloigne de Dieu, non la richesse elle-même. La pauvreté, si elle nous rend humbles et mieux disposés pour recevoir les 11 enseignements divins, n'est pas précisément une vertu en elle-même. Mais le riche s'inquiète. Il a l'air de se plaindre de n'avoir pas été suffisamment instruit des choses finales. Il se souvient qu'il a cinq frères. Il voudrait leur épargner son sort cruel. Les sentiments d'humanité ne l'ont pas complètement abandonné, et si le père Abraham ne peut rien faire pour lui, peut-être voudra-t-il intervenir auprès de ses frères. Il dit à Abraham : Je te prie, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq frères. C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes ; qu'Hs les écoutent. Et H dit : Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham termine par cette déclaration solennelle: S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait. C'est là sans aucun doute le point le plus important de la parabole: lire la Parole de Dieu qu'on appelait du temps du Christ: la loi et les prophètes. Puiser dans ces pages sacrées les lumières nécessaires au salut, n'est-ce pas l'essentiel ? Si les hommes ne se laissent pas convaincre par ces écrits merveilleux, aucune parole humaine, aucun miracle, aucune résurrection des morts ne peuvent avoir le moindre effet sur eux. Notez aussi que le Seigneur s'adressait à des Juifs et que ceux-ci se vantaient à chaque instant d'être les enfants d'Abraham. Jésus le leur conteste à certaine occasion. Si vous étiez enfants d'Abraham, leur dit-H, vous feriez les œuvres d'Abraham. ... Le père dont vous êtes issus c'est le diable, et vous faites les œuvres du diable. Jean 8 :39, 44. Mais puisqu'ils se réclament avec tant d'ostentation du «père Abraham», le Sauveur va leur faire donner une leçon magistrale par le vénérable patriarche. Et cette leçon, c'est la suivante qui termine la belle parabole : Us ont Moïse et les prophètes, qu'Hs les écoutent. Ainsi, ils reconnaîtront immédiatement la messia-nité du Christ, visible dans toutes les Ecritures. D'après l'examen que nous avons fait de la parabole, on se rendra facilement compte que le Sauveur ne donne pas des fins dernières, une doctrine différente de celle que nous trouvons constamment dans la loi et les prophètes, à savoir : lesommeildes morts et leur résurrection au dernier jour. La parabole de Lazare et du mauvais riche s'applique particulièrement à la nation juive du temps du Christ. «Le Seigneur l'avait établie dépositaire de sa vérité sacrée. Les Juifs étaient les économes de sa grâce. Il leur avait donné tous les avantages temporels et spirituels, et il les invitait à communiquer à d'autres ces bénédictions. Des instructions spéciales leur avaient été données touchant la manière de traiter leurs frères qui étaient tombés dans le malheur. ... Mais de même que l'homme riche, ils ne tendaient pas une main secou-rable à l'humanité souffrante. Remplis d'orgueil, ils se considéraient comme le peuple élu et favorisé de Dieu; toutefois, ils ne le servaient ni ne l'adoraient. Ils se reposaient sur leur filiation d'Abraham. Nous sommes de la postérité d'Abraham, disaient-ils avec orgueil. Le moment de la crise venu, il fut évident qu'ils s'étaient séparés de Dieu et avaient mis leur confiance en Abraham, tout comme s'il avait été Dieu. »Le Christ désirait faire pénétrer les rayons de la lumière divine dans les intelligences enténébrées des Juifs. Il leur dit donc: Si vous étiez enfants d'Abraham, vous feriez les œuvres d'Abraham. »Le Christ ne reconnaît aucune vertu dans le fait de la descendance. Il enseigne que la parenté spirituelle remplace toute parenté naturelle. Les Juifs se réclamaient du père des croyants; mais en ne faisant pas les œuvres d'Abraham, ils démontraient qu'ils n'étaient pas ses véritables enfants. Ceux-là seulement qui témoignaient de leur parenté spirituelle avec l'ami de Dieu en obéissant à la volonté divine sont reconnus comme ses véritables enfants. Bien que Lazare fît partie d'une classe de gens que les hommes considèrent comme inférieure, le Christ le reconnaît comme un de ceux que le patriarche Abraham prendra dans sa plus grande intimité. »Le riche, bien qu'entouré de tout le confort que peut procurer la fortune, était tellement ignorant des choses de Dieu qu'il mettait Abraham à la place que le Seigneur eût dû occuper. ... »Si les Juifs avaient répondu à l'appel divin, leur avenir eût été bien différent. Ils eussent possédé le véritable discernement spirituel. Ils avaient des biens que le Seigneur eût multipliés pour l'enrichissement et l'illumination du monde entier. ... Mais ils n'avaient pas fait entrer l'éternité dans leurs calculs; aussi les conséquences de leur infidélité furent-elles la ruine de toute la nation. ... » Lorsque la calamité s'abattit sur Jérusalem, que la faim et les souffrances de tout genre fondirent sur ce malheureux peuple, les Juifs se souvinrent du Christ et comprirent la parabole. » Ils s'étaient attiré ces souffrances en méconnaissant la lumière que le Seigneur leur avait accordée pour qu'ils la fissent briller sur le monde.» (Ellen G. White.) Antoine MATHY vous appréciez Signes des temps. vous désirez aller plus loin dans la connaissance de la Bible dont s'inspirent nos rédacteurs, suivez le nouveau Cours biblique « La Bible parle », qui, en 26 courtes leçons, vous permettra d'avoir une vue générale des enseignements du Livre sacré. Pour étudier chez soi, en toute liberté, aux heures et au rythme qui vous conviennent, sans rien payer, sauf un exemplaire de la Bible, si vous n'en avez pas. 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Il voudrait vivre toujours et, prenant facilement ses désirs pour des réalités, il s'imagine volontiers qu'il est immortel. Seuls les matérialistes font exception, du fait qu'ils considèrent la mort comme une fin, comme le terme de la destinée de l'homme. Les non matérialistes, très nombreux, et dont nous sommes, rassemblent : — les traditionalistes, fidèles à la notion platonicienne du corps (élément transitoire, destiné à recevoir l'âme) et de l'âme (substance simple, indivisible, immatérielle, donc spirituelle et impérissable) ; - les conditionalistes, qui affirment que l'âme n'est pas immortelle par nature, mais qu'elle le devient en s'emparant des mérites que Jésus-Christ a acquis aux pécheurs sur la croix, que la mort est un sommeil précédant soit la première résurrection (introduisant le juste dans la vie éternelle), soit la seconde résurrection (livrant le méchant à la totale destruction). Il faut noter d'emblée que seule la thèse des conditionalistes est entièrement conforme à l'enseignement de la Bible, et qu'elle satisfait à la fois la raison et le cœur, offrant au croyant des consolations réelles et durables ; — les spirites, qui croient que l'homme est un composé de trois éléments : le corps matériel, l'âme spirituelle, et, entre les deux, une troisième réalité appelée périsprit, corps fluidique ou corps astral. Nous schématisons à l'extrême en limitant les non matérialistes à ces trois catégories de personnes, car il y a place pour de nombreuses autres solutions, en particulier en Orient. Si notre époque semble invinciblement attirée par la science et ses réalisations, elle l'est tout autant par l'occultisme et tous les mouvements qui s'y apparentent plus ou moins, notamment le spiritisme. L'incapacité de la science à résoudre le problème de la vie et de ses origines, de même que celui de l'au-delà, c'est-à-direde la destinée de l'homme dans ses divers éléments, a orienté les hommes vers des systèmes spiritualistes qui se croient capables précisément d'offrir les explications souhaitées. Leur ambition n'est pas condamnable en soi, elle est pourtant dangereuse du fait qu'ils puisent à la fois aux sources de l'erreur et de l'imagination — sources exclusivement humaines — et aux sources divines de la certitude, à savoir la Bible. Ils aboutissent ainsi à un mélange subtil d'erreurs et de vérités dans leurs théories et leurs pratiques, où les superstitions d'un passé lointain ont laissé de nombreuses traces. Pour accepter tout cela, une forte dose de crédulité est nécessaire. Une croyance, une pratique Depuis quelques décennies, le spiritisme connaît un certain succès dans nos pays, en particulier dans les milieux qui se sont détournés de la religion chrétienne sous prétexte qu'elle ne leur apportait plus la nourriture substantielle souhaitée. Mais la faveur que rencontre le spiritisme tient surtout au fait que l'homme, naturellement attiré vers le mystère, et particulièrement désireux de maintenir des relations avec ses chers disparus, se porte volontiers vers les systèmes qui prétendent entretenir ses rêves et ses espoirs. Les deux guerres mondiales, en raison des séparations multiples qu'elles ont provoquées, ont valu une très nette recrudescence au spiritisme, les mères ou les veuves désemparées ayant cherché à rétablir le contact avec les fils ou les maris brutalement arrachés à leur affection. 13 Une dernière raison à cette faveur est que le spiritisme, dès son apparition au siècle dernier sous sa forme moderne, apportait avec lui des idées très nettes sur l'immortalité de l'âme (ce qui n'était pas le cas de la chrétienté en général), un idéal spiritualiste alléchant, qui faisait échec au matérialisme désespérant, et aussi une riche phénoménologie, ajoutant à l'attrait occulte de cette prétendue innovation l'attrait scientifique en la faisant reposer apparemment sur des certitudes inébranlables. Mais qu'est-ce, au juste, que le spiritisme ? Le spiritisme est une croyance et une pratique : la croyance à l'existence d'esprits - qui sont les morts désincarnés - lesquels peuvent entrer en communication avec les vivants, et la pratique des gestes nécessaires pour que cette communication devienne une réalité. Ces communications avec les morts ne peuvent s'établir que dans certaines conditions et à l'aide de certains moyens. De là une conception particulière de l'être humain : entre le corps matériel et l'âme spirituelle vient s'intégrer une troisième réalité, le périsprit (ou corps astral). Léon Denis (qui fut le continuateur d'Allan Kardec en qui il faut voir le théoricien du spiritisme moderne), en parlant du périsprit, affirme qu'il «enveloppe l'âme, l'accompagne après la mort dans ses pérégrinations infinies, s'épurant, progressant avec elle, lui constituant une corporéité diaphane, vaporeuse». Il participe à la fois de l'esprit et de la matière, étant fait d'une substance éthérée, c'est-à-dire d'une matière réduite à un degré incommensurable de ténuité. L'âme et le périsprit sont inséparables, c'est donc par le périsprit, aidé en l'occurrence par le fluide vital d'un médium, que l'âme (l'esprit) des morts se manifeste aux humains. Cette manifestation est accompagnée de phénomènes, plus ou moins compliqués suivant les circonstances. On peut y distinguer : 1 ) un ensemble de phénomènes physiques (tables tournantes, lévitation, phénomènes lumineux, magnétiques, électriques, déplacements d'objets, bruits, cris, regard surle spiritisme etc.) ; 2) un ensemble de phénomènes physiologiques (sommeil magnétique, insensibilité, matérialisations et dématérialisations etc.) ; 3) un ensemble de phénomènes psychologiques ou physiologico-psychologiques (clairvoyance, lucidité, monitions et prémonitions, apparitions, fantômes, langage et écriture automatiques,etc.). Que faut-il en penser, et comment les expliquer ? Les morts ne savent rien Il faut d'abord noter qu'il entre dans les manifestations spirites beaucoup de fraudes. D'aucuns parlent de 90 à 95 % ; d'autres, plus modestes, se contentent de 50 %. Il est certain que la plupart des médiums, sinon tous, placés dans la nécessité d'obtenir à tout coup des résultats, ont recours accidentellement ou régulièrement à la supercherie. Camille Flammarion a lui-même avoué : «Je puis dire que, depuis quarante ans, presque tous les médiums célèbres sont passés par mon salon de l'avenue de l'Observatoire et que je les ai à peu près tous surpris trichant. » On pourrait rappeler les truquages d'Ebred, de Craddock, de Sambor, de Slade, de Florence Cook, de Lucia Sordi, de Muller, de Firman, d'Anna Rohn, de Bayley, d'Eusapia Paladino, de Nielsen, de Marthe Berraud, de Miss Goligher, etc., et jusqu'à celui de Biaise, le jardinier, qui tenta, en chair et en os, de simuler, à Mantes, chez Mme Alexandre, la matérialisation d'une fillette... Ses bretelles, mal dissimulées, révélèrent sa véritable identité. Les médiums sont le plus souvent d'habiles prestidigitateurs. Nino Pecoraro, l'un des plus fameux d'entre eux, prétendait que la séance qui détermina le romancier anglais Conan Doyle à s'engager dans le spiritisme n'était que pures supercheries, et il ajoutait, confidentiellement: «Je n'ai de ma vie aperçu un esprit, ni reçu d'assistance d'aucune force occulte.» En dehors des supercheries proprement dites, il y a un faisceau de phénomènes surprenants, extraordinaires, que la science n'explique pas d'une façon satisfaisante, mais qu'elle considère néanmoins comme naturels, résultant probablement de facultés ou de lois encore mal déterminées. Pour inexplicables qu'ils soient, ces faits n'ont cependant rien de surnaturel. On est parvenu, d'ailleurs, en dehors des cercles spirites, à obtenir des phénomènes de télépathie, de monition et prémonition, de clairvoyance et clairaudience, de raps, de lévitation, d'apports et même de matérialisation et de dématérialisation. Par le magnétisme, l'hypnotisme, la simple suggestion, l'autosuggestion, l'hallucination individuelle et collective, on obtient souvent des résultats surprenants. Il reste pourtant, bien qu'en petit nombre, des phénomènes réels de provenance surnaturelle. Des observateurs savants en conviennent : Maxwell, Myers, Flournoy, Lodge, etc. Quelle pourrait bien en être la cause ? Les spirites les attribuent aux esprits des «désincarnés», c'est-à-dire aux morts. Les esprits eux-mêmes se présenteraient comme tels. Mais la difficulté commence au moment où il faut essayer d'identifier les esprits qui se communiquent. C'est pratiquement impossible. Les spirites eux-mêmes le reconnaissent. De l'autre côté, comme de ce côté-ci, il y a des fraudeurs, il y a des esprits menteurs qui cherchent à tromper, des parasites. Le spirite Gabriel Delanne esquive le problème en déclarant : « L'intervention des morts est, au contraire, extrêmement rare, surtout expérimentalement.» C'est un aveu. Non seulement on ne peut obtenir la preuve expérimentale que la communication des morts avec les vivants soit possible, mais on ne démontre même pas la certitude de l'immatérialité et de l'indestructibilité de l'âme humaine. Non, la thèse spirite ne repose sur aucune certitude : on ne saurait prouver que les morts communiquent avec les vivants. 14 D'ailleurs, comment communiqueraient-ils puisqu'ils sont inconscients ? Et ici, ce n'est pas le spiritisme qui nous indique une certitude, c'est la Bible, et entre ces deux sources il n'est pas difficile de choisir. Or, la Bible déclare nettement que les morts sont inconscients : Ce ne sont pas /es morts qui célèbrent T Eternel, ce n'est aucun de ceux qui descendent dans le Heu du silence. ... Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront ; mais les morts ne savent rien, et il n'y a pour eux plus de salaire, puisque leur mémoire est oubliée. Et leur amour, et leur haine, et leur envie, ont déjà péri ; et ils n'auront plus jamais aucune part sous le soleil. ... Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le ; car H n'y a ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse dans le séjour des morts, où tu vas (2). A ces déclarations, on pourrait en ajouter beaucoup d'autres. Les phénomènes spirites d'ordre surnaturel ne sont donc pas provoqués par des morts, mais doivent être attribués à une autre cause, une cause intelligente qui échappe à notre juridiction. Allan Kardec et Léon Denis ont raison lorsqu'ils disent qu'il existe d'autres esprits que ceux des morts. Pour une fois ils sont d'accord avec la Bible, laquelle parle de deux sortes d'esprits : les bons anges, d'une part, et les mauvais anges, c'est-à-dire les anges déchus ou les démons, d'autre part. Les bons anges sont des esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent recevoir en héritage le salut (3), les mauvais anges sont des esprits méchants (4) placés sous la domination de Satan qui les a entraînés avec lui sur la terre lorsqu'il fut chassé du ciel (5) ; leur rôle est de tromper les hommes par tous les moyens imaginables, même en se faisant passer pour les esprits désincarnés, les esprits des morts que nous pleurons... Du moment que les morts ne reviennent pas, et qu'on ne peut, sans déraisonner, attribuer aux bons anges des manifestations mensongères, la seule hypothèse plausible est celle-ci : les mauvais esprits sont les auteurs des phénomènes spirites d'ordre surnaturel, c'est-à-dire des regard sur^ spiritisme phénomènes auxquels on ne trouve pas de cause naturelle. Il ne faut pas s'abandonner à des conclusions prématurées et attribuer à une cause diabolique tout phénomène apparemment inexplicable, mais il est des cas où il n'y a pas à hésiter. Satan, qui est le père du mensonge, peut se déguiser en ange de lumière et apparaître sous des dehors séduisants (6). D'ailleurs, Oliver Lodge, un spirite convaincu, a déclaré : « La seule explication qu'on pourrait donner des preuves les plus évidentes serait d'imaginer une malice supranormale et diabolique qui travaillerait à faire le mal et à nous tromper. » Du reste, il y a deux autres raisons qui militent en faveur de la thèse de l'origine maléfique des phénomènes spirites : la première, c'est que le spiritisme s'oppose formellement à l'enseignement de la Bible; la seconde, c'est que la Bible interdit sous peine de mort la pratique de l'invocation des morts. Il faut savoir que le spiritisme rejette la doctrine de la chute originelle de l'homme, celle du péché, celle de l'expiation par Jésus-Christ et qu'il fait de l'homme un véritable dieu. En somme, il s'oppose à l'essentiel de la Révélation en lui substituant une révélation spirite. Or, Dieu a sévèrement interdit la pratique de la magie, de la sorcellerie et celle qui consiste à interroger les morts : Ne vous tournez point vers ceux qui évoquent les esprits, ni vers les devins; ne les recherchez point, de peur de vous souiller avec eux. ... Si quelqu'un s'adresse aux morts ou aux esprits, pour se prostituer après eux, je tournerai ma face contre cet homme, je le retrancherai du milieu de son peuple. ... Qu'on ne trouve chez toi... personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à I'Eternel (7). Le mouvement spirite doit être considéré comme un signe des temps caractéristique des derniers jours. Le Christ en parle, l'apôtre Paul aussi, de même que l'apôtre Jean dans l'Apocalypse. Le Christ, dans son grand discours prophétique sur Jérusalem et la fin du monde présent déclare : Si quelqu'un vous dit alors : Le Christ est ici, ou : H est là, ne le croyez pas. Car il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes ; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus (8).» De son côté, l'apôtre Paul annonce : Mais /'Esprit dit expressément que, dans /es derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons (9)- Une séduction dangereuse Enfin, l'apôtre Jean révèle des détails curieux sur l'activité des spirites dans les derniers temps. Il parle d'esprits impurs et d'esprits de démons, qui font des prodiges, et qui vont vers les rois de toute la terre, afin de les rassembler pour le combat du grand jour du Dieu tout-puissant (10). Cette prédiction se réalise sous nos yeux. Sait-on que pendant les deux guerres mondiales, de nombreux chefs d'Etat ont régulièrement consulté les médiums ? L'influence néfaste du spiritisme ne cessera de s'accroître, et elle interviendra d'une façon décisive dans le déclenchement de la conflagration finale qui anéantira la civilisation humaine. Dans son enseignement et par ses pratiques, le spiritisme porte donc la marque de l'esprit du mal dont il est en quelque sorte le dernier chef-d'œuvre. Il s'adapte remarquablement à notre époque déséquilibrée. Le chrétien ne doit pas se laisser prendre à ses appâts, mais s'en tenir tout simplement et fermement aux déclarations de la Bible. Charles GERBER (1 ) Ecclésiaste 3 : 11. (2) Psaume 115 : 17 ; Ecclé-siaste 9 : 5, 6, 10. (3) Hébreux 1:14. (4) Ephé-siens 6:12. (5) Apocalypse 12 : 7-9. (6) 2 Corinthiens 11 : 14. (7) Lévitique 19 : 31 ; 20 : 6 ; Deutéronome 18 : 10, 11. (8) Matthieu 24 : 23, 24. (9) 1 Timothée 4 : 1. (10) Apocalypse 16 : 13, 14. 15 16 tous les autres. Pire que tous les autres. Interminable, comme ces jours où de brusques sautes d'espoir provoquent des désillusions d'autant plus accablantes. Les allées et venues des derniers instants, les bains de foule, les pressentiments, la fatigue accumulée, et puis... Et puis voilà: depuis vendredi, un mot, un seul, qu'on n'arrive pas à effacer: MORT. L'horizon s'était bouché, le temps s'était arrêté. Finies les grandes aventures ! Commedevait l'écrire Pascal, beaucoup plus tard : « Ledernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.» Alors vous comprenez: pour eux, la vie continuait, désespérément terne. Ce n'était pas le tout de se lamenter ! La mort, c'est la mort. On n'y peut rien et ce ne sont pas les racontars de quelques femmes qui vont y changer quelque chose. Ces «pèlerins d'Emmaüs», comme on les appelle, je les imagine les yeux baissés, faisant route sans hâte vers des lendemains redoutés. Je vous laisse le soin d'apprécier: leurs doutes, ce sont un peu les vôtres. «C'aurait été si beau...» Ce Jésus, on en avait trop vite fait le Messie. Un homme doit bien finir par affronter la mort. Et de là, personne n'est jamais revenu, comme on se plaît à le souligner. Oui, bien sûr, il y aura toujours certains exaltés pour prétendre le contraire. Ne les détrompez pas, ils ne font de mal à personne ! Mais entre gens sérieux, on s'en gausse gentiment, d'un air entendu. Evidemment, si c'était vrai, il vaudrait la peine d'en causer, peut-être même de s'en faire l'avocat. Mais allez vérifier ! On préfère, en attendant, pécher par excès de méfiance; et si par hasard on s'était trompé, ce serait toujours assez tôt pour revenir sur son jugement. Tout à fait entre nous: vous y croyez réellement, vous, à ces anges qui sont apparus aux femmes pour les mettre au courant de la Résurrection ? C'est tout de même un peu gros pour être admissans autres, devaient-ils se dire. Il leur suffisait d'annoncer à leur famille que leurs déplacements avaient été vains, qu'ils s'étaient trompés. Pourquoi y ajouter encore une autre illusion ? On finirait par rire de leur crédulité. Et puis, quels témoins: une poignée de femmes... Si vraiment Dieu avait voulu faire un si grand miracle, n'aurait-il pas pu convoquer Ponce-Pilate au tombeau ? On y gagne à tenir en main des attestations «officielles». De cette façon, l'événement serait entré dans l'Histoire par la grande porte ! Sans compter ce troisième compagnon qui s'était maintenant joint à eux dans leur marche. Lui n'était même pas au courant. Vous voyez bien: dans quelque temps, on n'en parlerait plus; tout serait oublié. Valait-il la peine de lui expliquer? Leur yeux étaient empêchés de le reconnaître. Evidemment: la Croix retenait leurs regards, ils ne pouvaient plus s'en sortir. Ils étaient plongés dans les ténèbres de ce vendredi meurtrier. Leurs espérances avaient sombré dans la tourmente. Une fin si triste et si révoltante à la fois, on s'en souvient. Ça marque son homme ! On aurait bien voulu vous y voir... Notez qu'il était intéressant, ce troisième personnage. Quelle érudition, quelle maîtrise dans ses développements sur les promesses faites autrefois par Dieu à son peuple. Un peu plus, et on s'emballerait. Cependant, si les cœurs se réchauffaient, l'arrière-goût de la déception était encore trop amer... Le Christ n'était pas dans le tombeau vide. Il se trouvait là, attablé avec ces hommes qui l'avaient retenu. Vous rendez-vous compte, s'ils l'avaient laissé continuer son chemin ? Il se trouve avec tous ceux qui le retiennent, avec tous ceux qui le recherchent — peut-être sans s'en douter. Il se trouve avec vous dans votre quête personnelle. Il est toujours au milieu de ceux qui parlent de lui. Supposez que vos amis vous croient mort: votre premier souci ne serait-il pas de les détromper, pour vous réjouir ensemble ? Ensemble : voilà le problème. La joie doit se partager. Le Christ a tenu à se révéler lors d'un repas, au moment où l'on se retrouve. Pas de découverte sans communion. Pas de lumière sans échange. Ressentez-vous tout cela ? 17 n dimanche comme Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent. Moi, ce qui me captive, c'est le moment du déclic, l'instant précis où dans leur tête, quelque chose a fait «tilt». Il n'y a pas de raison que ce déclic ne se reproduise pas pour vous, même si vos yeux sont encore appesantis. Pour vous, et pour moi. Nous avons tous à découvrir la présence de Dieu là où nous ne la soupçonnions pas. J'ajouterai même que des années de pratique religieuse ou d'exercices spirituels ne modifieront pas la situation de base. Nous sommes tous aussi aveugles que Jacob: il gesticule, il combat, il y met toute son énergie, comme un jeune lion — lui qui est presque centenaire; et à l'aube, il reconnaît son adversaire et lui demande sa bénédiction. Cela en dit long sur notre condition devant Dieu : notre esprit humain se révèle désespérément obtus. Quelle leçon d'humilité ! Ne perdons pas le fil: nous en étions à l'éclair qui a jailli dans la tête des disciples quand le Christ a rompu le pain. Oui, j'avais omis de signaler ce détail : c'est au moment de la fraction du pain que la reconnaissance a eu lieu. Un hasard ? Je ne le crois pas. D'autant moins que le récit insiste sur ce point : Pendant qu'il était à table avec eux, 7/ prit le pain ; après avoir rendu grâces, 7/ le rompit et le leur donna. Ces termes techniques sont sans équivoque pour un lecteur averti: ils désignent l'Eu-charistie, la Sainte-Cène. En d'autres termes, pour saisir la présence du Ressuscité, il faut s'interroger, mais pas n'importe comment. Il faut lire ensemble la prophétie et partager le pain. Reste à savoir où et comment ces conditions peuvent être réunies. Ne faites pas semblant de ne pas m'avoir compris. La conclusion s'impose. La Communauté chrétienne en adoration, voilà le lieu par excellence où se révèle le Christ. C'est là qu'on dégage le sens des prophéties. C'est là qu'on célèbre la Cène. Pas moyen de s'esquiver. Le récit offre des prises soWes : ALOPS LEUPS YEUXS'OU-VPIPENT... Le Ressuscité est visible dans et par l'Eglise, la Communauté qui le proclame. C'est noté ? Non, rassurez-vous, je ne vous en donnerai pas l'adresse ! D'ailleurs, qui oserait prétendre qu'il n'y en a qu'une? Il faudrait une singulière audace. Si le Christ est un, les assemblées de croyants peuvent être multiples: ce ce ne sera jamais qu'une apparence. Dans la réalité la plus profonde, elles participeront toutes à la même unité de foi. Si du moins elles sont fidèles à leur mission... Si... Un tout petit mot. Mais la condition reste là, opérant un tri décisif. Une Eglise dans laquelle le Christ ressuscité n'est pas visible ni exalté est une Eglise déchue. Allez ici et là, voyez ce qui s'y fait, écoutez surtout ce qui s'y dit. L'homme a toujours tendance à glorifier quelqu'un ou quelque chose. Si ce n'est pas Dieu, ce sera lui-même ! N'avez-vous jamais assisté à des services «religieux» où l'on se plaisait à s'exalter (soi-même ou son Eglise) ? C'est une malformation congénitale des groupements humains. Ils le reconnurent. On aurait vite lu : ils se reconnurent. Le Christ ne serait plus qu'une ombre bien vite renvoyée au sépulcre, un prétexte à l'auto-contemplation. Très élégant, le petit détour, vous ne trouvez pas ? Non ! les regards sont centrés sur Lui; maintenant, il constitue le point de mire. Mais il connaît nos tendances à dresser des statues, à fabriquer des idoles. Il ne veut pas se laisser embrigader dans nos projets si terrestres. L'homme ne peut en aucun cas disposer de Dieu. Le Ressuscité ne reste là que le temps d'une rencontre, d'une reconnaissance: 7/ disparut de devant eux. D'accord, le papier se laisse écrire. Evidemment, il n'y a pas de preuve. Bien sûr, il n'existe aucun témoignage «impartial» et «objectif». Qu'en ferait-on, d'ailleurs, si ce n'est un objet d'étude, un document réservé aux spécialistes, un mort parmi les morts ? Cela sentirait la poussière ! Pour des récits relatifs à une résurrection, ce serait une fâcheuse contradiction. Mais dites-moi: ces doutes qui mijotent, ces objections qui surgissent dans votre esprit ne proviendraient-ils pas d'un curieux compromis ? Vous voulez bien croire à certaines choses, mais pas à d'autres. L'existence de Dieu ? Oui, certaine ment. Jésus-Christ? Passe encore. Sa Résurrection ? Déjà plus douteux. Notre résurrection ? Ah ! non, là vous vous contentez de sourire. Vous tenez néanmoins à votre nom de «chrétiens». Si c'est le cas, vous faites partie d'une des races les pires qu'on puisse trouver. L'Ecriture vous relègue parmi les vomissures de Dieu. Votre pseudofoi se nourrit de statistiques: jamais personne n'en est revenu - degré de probabilité: infiniment petit; conclusion : vous attendez pour voir (c'est la forme la plus lâche de la négation). Et dire que vous vous prenez pour un « esprit fort » des temps modernes... Un petit rappel, vous permettez? Du temps de Jésus, des gens bien pensants s'étaient donné rendez-vous, question d'embarrasser ce soi-disant «Rabbi». Il fallait bien se distraire, de temps à autre. Et hop ! on lui glisse une petite colle sur la résurrection. La réponse est souveraine : Dieu n'est pas Dieu des morts, mais des vivants. Voilà le nœud du problème. Il s'agit de s'en souvenir. A moi de vous attaquer, maintenant: en quel Dieu croyez-vous ? C'est au choix. Le Dieu des vivants n'est autre que celui qui ressuscite les morts. Niez-en la possibilité, et vous ne croirez qu'au Dieu des morts. N'en avez-vous pas bientôt assez de traîner derrière vous ce Pluton moderne, ce collectionneur de cadavres ? Proclamez tout haut votre incroyance, votre athéisme. Ou alors secouez vos doutes quant à la résurrection (celle du Christ et celle des croyants), faites le «saut de la foi». Soit l'un, soit l'autre. Mais ne restez pas là au milieu, c'est trop dangereux. Ne jouez pas perdant d'avance. L'enjeu est trop important. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent. Dites-moi: et si les vôtres étaient tout près de s'ouvrir ?... Yvan BOURQUIN 18 L'AGRESSIVITE En 1974, 22 millions d’hommes vivent en état de guerres et de révolutions. Aux entretiens médicaux de Rueil, une centaine de neurologues, psychiatres, sociologues, pharmacologues et théologiens ont établi le bilan des causes et des conséquences de l'agressivité. Les manifestations de la violence sont aussi nuisibles à notre société que le cancer ou les accidents de la circulation. Après avoir posé les bases scientifiques de l'agressivité, le Docteur Bernard Casalis nous propose aujourd'hui une prise de conscience individuelle et morale du problème. Peut-on «prévenir» l'agressivité chez l'enfant? Peut-on atténuer ou corriger l'agressivité déjà agissante de l'adolescent ou de l'adulte ? Etant bien entendu qu'il est question de l'agressivité telle que nous venons de l'étudier, de l'agressivité violente et méchante de l'homme, conséquence des sentiments de peur, de culpabilité et d'angoisse qui se sont greffés sur son élan vital, nous répondons par l'affirmative, persuadé qu'il est temps que l'homme songe à se «conditionner» sérieusement, à inventer des automatismes qui soient valables pour la survie de l'espèce et non pour des ensembles dominateurs. Pour prévenir ou guérir la nature violente de l'agressivité il faut mettre en jeu des mécanismes ad hoc, et ces mécanismes nous pouvons en trouver de nombreux exemples dans la Nature. Ne voyons-nous pas les petits des animaux, dès leur naissance installés dans des nids confortables et douillets, entourés de soins attentifs jusqu'à leur totale émancipation ? Peut-être les naissances de nos enfants sont-elles trop «hygiéniques», dépourvues de la «chaleur du sein», du contact chaud et réconfortant de la Mère, au sortir de cet univers parfaitement sécurisant du ventre maternel ? Des pédiatres ne conseillent-ils pas de nourrir au sein plus longtemps... d'employer le berceau et son balancement apaisant ? Dès qu'ils sont sevrés, les enfants des animaux sont instruits du «code social» engrammé dans le cerveau de leurs parents: respect de la hiérarchie-obéissance-cérémonial de la toilette-rites des comportements adversifs et notions de délimitation du territoire. Que font les hommes de leurs enfants ? Des éducateurs n'ont-ils pas conseillé fermement la liberté totale de l'enfant, afin de laisser sa personnalité se développer à son aise ? Ces éducateurs ont oublié de regarder la Nature, ils ont oublié que les enfants des hommes, pendant les toutes premières années de leur vie, sont, comme les petits des animaux, animés principalement par leur hypothalamus et leur système limbique et ont un impérieux besoin d'être «programmés» d'un code social correspondant à leur âge. En laissant la «bride sur le cou» de leurs enfants, éducateurs et parents font naître l'angoisse dans leur cœur et préparent ainsi un terrain propice à l'éclosion de l'agressivité. Le «code social» des animaux nous enseigne la nécessité du contact entre êtres vivants. La «toilette commune» ou «pecking order» des Anglais traduit le besoin que ressentent les primates de s'atteindre les uns les autres par ce contact. Ainsi l'enfant de l'homme a-t-il un besoin intense de caresses, de baisers, de soins attentionnés, de l'amour maternel qui le fortifie pour la vie. Plus tard, le salut, l'amabilité, la politesse, tous les usages de la civilité seront autant de liens qui favorisent l'entendement entre les hommes. La «hiérarchie» à l'âge de l'enfant, c'est l'apprentissage des notions d'obéissance aux parents et aux maîtres. Il ne faut pas que ce soit un acte de «soumission» mais un enseignement dont l'enfant gardera l'usage tout en développant sa personnalité. La notion de territorialité inculquée aux petits des animaux correspond, pour l'enfant de l'homme, à la connaissance de son «foyer», de sa maison qui l'accueille, de sa chambre et de ses affaires personnelles. Il apprend ainsi à connaître et à respecter le bien d'autrui. Aux petits des animaux leurs géniteurs enseignent les règles de l'alimentation, la façon de faire leurs besoins naturels. Autant de règles de vie engrangées dans leur cerveau, règles auxquelles, pour les petits des hommes, seront ajoutées celles de l'hygiène du corps, du respect du sommeil, du repos, de l'utilité des exercices physiques, du temps réservé pour les jeux, bref de tout un «code social» et «personnel». A l'école maternelle, l'éducation et l'instruction sont étroitement unies. Malheureusement, bien des écoles délaissent l'esprit de développement 19 des capacités de chaque enfant, au profit d'un asservissement au programme, aux horaires, aux classements individuels, à la sélection avec élimination. Elles forment ainsi des groupes d'enfants très «structurés». Il faudrait développer les écoles maternelles qui ont trouvé des solutions à tous les problèmes de petite enfance: la joie supplante la contrainte, l'émulation, la coopération, la curiosité, l'imagination, la créativité, le sens de l'effort et de la découverte se donnent libre cours dans ces écoles et font de ce petit monde une image assez convaincante de ce que pourrait devenir une société dont le but ultime serait l'épanouissement complet de chacun. Vient l'adolescence. Si elle a été précédée d'une enfance «programmée» et progressivement «développée» selon les indications données, l'adolescence sera favorisée, au départ, d'un bon équilibre. Cet équilibre permettra à l'adolescent de résister à ses peurs, ses idées de culpabilité et ses angoisses, face aux problèmes qui se poseront à lui. Dans les cas contraires, l'adolescent, avec son cortex d'adulte, a déjà été sollicité par les stimulations de la vie de société et a réagi par de l'angoisse. Les moyens d'atténuer ou de corriger son angoisse et son corollaire, l'agressivité, sont d'un emploi plus ardu, parce que infiniment plus délicats. Les professeurs de lycée ou d'université ne devraient pas se contenter d'instruire en requérant l'ordre, le calme et l'obéissance. Il faut que les élèves, dans les classes, puissent «dialoguer» afin de libérer leurs inquiétudes, leurs préoccupations, les questions embarrassantes. Il est indispensable qu'ils puissent «défouler» leur trop-plein d'énergie vitale. Les parents ne devraient plus redouter les sports présentant des risques pour leur fils, les garçons ont un besoin latent de se prouver à eux-mêmes l'audace et le courage. Il est primordial de leur enseigner l'esprit sportif, le «fair-play», l'esprit de coopération et même les «rites» tels que ceux pratiqués dans les exercices du judoka et de l'escrime. Au goût du risque s'ajoutent les envies, souvent impératives, de déplacement, de recherche de la nouveauté. Voyages, musique, connaissance du Monde, bref tout ce qui mobilise l'élan vital de l'adolescent est extrêmement valable. Il est aussi des élans intérieurs qui réclament pour être satisfaits la discussion, la concertation, la critique ou le libre cours de l'imagination. Confrontation, séminaires de jeunes, ou séances de relaxation par groupe, autant de moyens indispensables pour assouvir les turbulences intérieures. L'adulte, c'est-à-dire l'homme qui a hérité de son adolescence, laquelle a déjà hérité de son enfance, cet adulte est souvent et déjà enfoui, engoncé jusqu'au cou dans ces sociétés qu'il a créées, ces villes tentaculaires, énormes, impossibles à diriger et dans lesquelles il paraît se plaire. Rappelez-vous l'expérience des rats, de ces rats femelles, en particulier, qui se laissaient gagner aux délices des enclos intermédiaires ne sachant plus résister à la frénésie collective. Rappelez-vous ces jeunes rats mâles formant bientôt, dans cette ambiance, une nouvelle couche sociale, dont les membres se déplaçaient en bande, manifestant un comportement, non plus «adversif» mais bien agressif et violent. Peut-être est-il risqué de comparer des rats aux hommes... et, cependant, n'est-ce pas ce que nous venons de faire en cherchant dans la Nature animale des exemples qui puissent nous être profitables ? En observant les comportements de ces rats pourquoi ne pas conclure que la promiscuité alliée à la pullulation est nocive à l'équilibre humain. N'est-ce pas là tout le problème immense de la régulation des naissances et de la contraception ? Ce problème est déjà posé. Il a ses solutions. Il faut les faire connaître afin de les faire admettre. Si la «vie en société» est indispensable à l'équilibre de l'homme, n'oublions pas qu'il s'agit d'un instinct dénommé instinct grégaire et, comme tous les instincts, il devient vite insatiable et exigeant 20 s'il n'est pas contrôlé. Les générations actuelles se sont laissé envahir par le ciment, l'asphalte, les murs et le béton de nos grands ensembles. Sachons, au moins, donner à nos enfants, dès leur âge tendre, le goût de la Nature, des plaines, des montagnes, des forêts, des champs et des mers. Il est vital pour les générations à venir, qu'elles puissent, en leur âge adulte, choisir en connaissance de cause, les horizons de vie qui se présentent à elles. Derrière les grandes villes sont les grands Etats. Or, l'Etat n'est pas du tout la somme des désirs de la collectivité. Il est trop vaste et impersonnel pour connaître tous ses besoins. C'est un corps autonome qui impose aux individus qui le composent leurs propres besoins, leurs contraintes et leurs désirs. Ce sont là des pressions que l'homme supporte de moins en moins et qui déclenchent ses révoltes. Le désir de «régionalisation» dans notre pays répond à ce désir profond d'échapper aux contraintes, anonymes par la démesure de l'Etat. Il n'y a pas que l'extension des villes qui soit cause de l'agressivité de l'homme, il y a aussi l'étendue exagérée des besoins des pays développés en main-d'œuvre et l'accroissement des moyens de transport (qui favorise le mixage des hommes) qui exaltent, malheureusement, le «racisme». Or, le «rejet» de l'étranger est un acte à peu près commun à toutes les espèces animales qui vivent en société. Quand les membres d'une collectivité de singes ou de fauves se connaissent et savent ce qu'ils peuvent attendre les uns des autres, s'établit ce «contrat social» qui permet la cohabitation. Arrive un étranger sur le territoire et qui tend à s'incruster, il sera expulsé par la force. Tout se passe, en effet, dans le monde animal, comme si chacune de ses activités s'entourait de frontières invisibles. Rejeter l'étranger fait probablement partie de notre héritage génétique. Il vaut mieux l'admettre et en tenir compte, que de le nier ou l'ignorer, afin de s'en accommoder le plus possible. Il faut apprendre à «négocier» cet instinct avec prudence et savoir-faire. D'autant plus que nous «créons» nous- mêmes des étrangers en notre sein. Dans notre société, les rapports, non seulement entre noirs et blancs, entre patrons et ouvriers, mais entre patents et enfants, et entre étudiants et professeurs, ont montré la dangereuse puissance de l'absence de «communication», cause de haine du type racial. Cette incompréhension réciproque est génératrice de l'agressivité à l'intérieur même des groupes humains. Qui parle d'agressivité l'attribue uniquement au mâle, humain ou animal, pourquoi ? probablement parce que le mâle, échappant aux contraintes des grossesses et de l'enfantement, a toujours été le défenseur de la tribu, puis le chasseur et enfin, en l'homme, le guerrier. La force primant le droit, nos sociétés modernes ont été faites par l'homme et à son usage. La femme ne devrait plus se laisser subjuguer par l'ambiance sociale créée par l'homme (se rappeler l'expérience des rats femelles dans les enclos intermédiaires) mais «engendrer» une nouvelle sphère biologique et psychologique qui soit l'expression de son propre tempérament. Il y a, en la femme, une énergie considérable, tenue «sous le boisseau», qui n'a jamais été utilisée dans toute sa plénitude. Son énergie, en effet, a été dirigée pour «donner la Vie» (et les hommes, les Etats, en ont abusé et en abusent encore sous prétexte d'assurer leur puissance). Est restée dans l'ombre, une capacité tout aussi importante, de notre compagne, la «préservation de la Vie». Le rôle immédiat de la femme, pour préserver nos sociétés de l'agressivité, est au sein de sa famille. Dès la petite enfance, développer les forces affectives en ses fils, forces qui leur permettront de surmonter les «stress» qu'ils rencontreront au cours de leur existence. Avec le Père, « programmer» et «développer» le psychisme, principalement des enfants mâles, en sorte qu'ils soient à l'abri de la peur, de la culpabilité, donc de l'angoisse. Socialement parlant, la femme a une potentialité nettement supérieure à celle de son compagnon. Il est probable que celui-ci s'en méfie et refoule, plus ou moins consciemment, la femme, afin de conserver 21 certaines valences telles que sa virilité, son courage, son esprit de décision. Que la femme réagisse en conséquence, si elle veut aider l'humanité à se guérir de son agressivité méchante. Des psychologues et des psychanalystes ont vivement critiqué les sermons du Christ dans le Nouveau Testament. Ils reprochent au Christ de ne pas avoir traité l'agressivité de l'homme en tant que telle. Effectivement, le mot «agressivité» ne paraît nulle part dans le Nouveau Testament, car ce terme n'était pas employé dans le langage des hommes de cette époque. Mais la méchanceté, le caractère belliqueux, la combativité provocante, expressions même de l'agressivité, n'en existaient pas moins. Dieu, qui avait jeté son dévolu sur les tribus des Hébreux, les a fait sortir d'Egypte. Désirant, de ces tribus, faire un peuple uni, «son peuple», Dieu, qui connaissait fort bien sa créature, leur a offert quarante années de vie au désert pour les éprouver et les assembler. En plus, il leur a donné les Tables de la Loi dont la plupart des commandements ressemblent étrangement aux «lois» du «code social» engrangé dans les zones hypothalamiques et limbiques des animaux supérieurs : Honore ton père et ta mère n'est-ce pas la «hiérarchie» ? Tu ne tueras point n'est-ce pas la sauvegarde du clan ? Tu ne déroberas point et ne commettras pas d'adultère n'est-ce pas le respect des biens d'autrui ? Jésus, 1500 ans plus tard, en s'adressant aux Juifs, ne les considère probablement plus comme un peuple d'enfants mais comme un peuple d'adultes. Il dit : Je ne suis pas venu pour détruire les lois de Moïse, mais pour leur donner leur véritable sens, et élevant le débat, laissant les interdits, il encourage et exalte les juifs, dans son sermon sur la montagne avec, dirions-nous main tenant, une sympathie, un amour immense pour eux et l'humanité entière : Heureux les doux ; Heureux ceux qui ont pitié des autres; Heureux ceux qui créent la paix pour autrui ; Heureux ceux qui souffrent pour défendre les justes et bonnes causes. Œil pour œil ? Dent pour dent ? Je dis, moi, tends ta joue à celui qui t'a frappé. Aie de l'amour pour tes ennemis. Ne juge pas autrui et ne te mets pas en colère. Peut-on imaginer sermon plus nettement dirigé contre l'agressivité dans ses conseils de paix, d'amour du prochain, de compréhension de la douleur de ceux qui souffrent pour les justes causes (objecteurs de conscience, bataillon de la paix, etc.), de suggestion pour répondre à la violence, la guerre ? L'Evangile est une Bonne Nouvelle qui libère l'homme de la fatalité de la violence. La profession de foi du Christ était, et est encore, d'une audace inouïe. Malheureusement, son énergie s'est enlisée dans la timidité de nos Eglises. C'est un dynamisme de l'Amour qui peut, seul, vaincre l'agressivité de l'homme et changer le tu ne tueras point en tu aimeras ton prochain. Cessons donc de rejeter nos critiques, tantôt sur la Nature qui serait seule cause de tous nos maux, en la jugeant méchante et cruelle, tantôt sur notre Civilisation, en l'estimant pervertie et mauvaise. Pensons de plus en plus à la «petite chose» qui règne entre Nature et Civilisation, au «psychisme humain». Lui seul est en cause, et nous commençons à peine à entrevoir et connaître les «lois» de notre psychisme. Sachons les diffuser largement, avec persévérance, autour de nous, afin que nous soyons assez nombreux pour éviter à temps le péril. Bernard CASALIS 22 hésée était assis à l'intérieur de ce chef-d'œuvre de l'architecture florentine, qui eût pu être mausolée ou mosquée, dôme de bouddha ou d'un pharaon, temple rond à Minerve, tout offert au culte, au recueillement, au silence, à la foi, sans appartenance précise, sinon à l'art qui est peut-être la vraie et seule visite que de temps en temps un dieu fait à l'homme. Il était là, au pied d'un Jean-Baptiste de bronze aux airs de vieille femme dépenaillée, indifférent aux allants et venants, aux chuchotis d'instruits ou de curieux, seul comme on l'est quand on contemple avec les yeux de l'âme, et se disant que le geste du baptême est le seul, à tout prendre, que l'homme puisse faire de bon dans sa vie pour commencer le dialogue divin ; qu'après, tout devient plus facile dès lors que l'on a d'abord capitulé. Qu'importe alors les merveilles de la porte d'or, et que les hauts-reliefs qui s'y trouvent représentent, comme l'expliquent les cartes postales, telle scène de la vie de Jésus ou de Josué; qu'importe la signification de l'histoire et les intentions de l'artiste, qui ne parlent qu'aux intelligences ou à ceux qui, insensibles à l'art, s'extasient encore sur le prix de revient des matériaux : il semblait à Thésée que le seul vrai sens de sa vie était dans cette décision intérieure, d'appartenir à fond, et que la vraie façon de se posséder était de commencer par se donner, sans réserve, dans un geste fou, irréfléchi, irrationnel, fou et flou, fluide comme l'était l'eau, tombeau visible à toutes les choses que l'on quitte, et qui s'ouvrira sans résistance à toute vie nouvelle. Il lui sembla que tout baptême ne pouvait être que voulu, en geste d'adulte, et fait d'immersion, comme le lui révéla soudain la pierre, dès qu'il s'aperçut que le centre de ce déambulatoire tout empli d'ombre avait été comblé de béton comme pour faire oublier aux touristes d'aujourd'hui que l'on descendait alors dans sa propre mort, au fur et à mesure des marches qui vous entraînaient jusqu'à la dalle du fond, d'où l'on remontait pourtant par d'autres seuils, au moment de perdre pied, de nouveau vivant mais de vie nouvelle, comme autrefois Orphée au travers des miroirs de Cocteau. Il resta là sans compter l'heure, jusqu'au moment où le dérangea le geste du gardien qui s'en allait souper et il lui avait semblé qu'au travers du temps étaient passés devant lui, et disparus pour renaître tous ceux qui, gens de foi, s'étaient engagés à n'être rien que pour Dieu. Norbert HUGEDÉ Dieu a laissé l'homme libre de choisir entre la vie et la mort. Mais, quand un peuple tout entier s'est écarté de la voie sainte et a opté pour le chemin de la destruction, alors la rigueur de Dieu se déchaîne sur lui. Cependant, pour sauver le monde du Feu éternel, il peut suffire de la disposition spirituelle de quelques hommes dont la Foi agissante est capable de faire basculer la rigueur de Dieu en clémence. Ces quelques hommes dont nous parle la Bible ne sont pas tous au même niveau spirituel et forment une échelle dont ils sont les barreaux. Alors, Dieu dit à Noé (Genèse 6 : 13, 14): la fin de toute chair est arrêtée par devers moi ; car ils ont rempli la terre de violence; voici, je vais les détruire avec la terre. Fais-toi une arche de bois de gopher. ... Voici comment tu la feras... prends de tous les aliments que l'on mange. ...Et Noé exécuta tout ce que F Eternel Dieu avait ordonné (Genèse 6:22). Ainsi, à la veille d'une catastrophe mondiale, Noé trouva grâce aux yeux de /'Eternel (Genèse 6:8), car, l'attitude de Noé est caractérisée par l'obéissance. Et c'est parce qu'il obéit aux commandements de Dieu qu'il sauve sa vie et celle de sa maison. Cependant Noé a gardé le silence et n'a pas demandé grâce pour les hommes. Différente est l'attitude d'Abraham. La Bible nous fait le récit de la façon joyeuse dont il s'est acquitté de l'hospitalité sainte envers les trois «hommes» qui lui sont apparus près des chênes de Mamré. Ceux-ci, en guise de reconnaissance, non seulement lui apprennent qu'il aura un fils mais ils l'informent du grand cataclysme qui pèse sur Sodome et Gomorrhe. Et /'Eternel dit: le cri contre Sodome et Gomorrhe s'est accru et leur péché est énorme. C'est pourquoi je vais descendre et je verrai. Genèse 18:20. Aussitôt Abraham s'écria: Feras-tu périr le juste avec l'impie ? Le juste, pour Abraham, c'est non seulement celui qui obéit à Dieu mais encore celui qui quitte tout pour le servir et le faire connaître aux nations : En lui (Abraham) seront bénies toutes les nations de la terre. Genèse 18:18. Il supplie Dieu et commence par demander que, s'il y avait cinquante justes, ceux-ci ne meurent pas avec les impies... enfin, il requiert la même justice au cas où il n'y en aurait que dix. Cependant, jamais il ne demande grâce pour les coupables. Il ne s'est occupé que du salut des justes mais n'a pas su défendre la cause de ses contemporains. Sur l'échelle de la perfection, Moïse s'élève plus haut. Lui aussi est confronté à l'angoisse de la destruction par Dieu de tout un peuple. C'est au Sinaï que l'Eternel le prévient : Va, descends car ton peuple, que tu as fait sortir du pays d'Egypte, s'est corrompu. ... Exode 32:7. «Ton» peuple et non « Mon» peuple, car : ils se sont promptement écartés de la voie que je leur avais prescrite, ils se sont fait un veau en fonte, ils se sont prosternés devant lui et lui ont offert des sacrifices et ils ont dit: Israël, voici ton dieu qui t'a fait sortir du pays d'Egypte. Le péché d'idolâtrie, péché par excellence, attire la rigueur de Dieu: Maintenant, laisse-moi, ma colère va s'enflammer contre eux et je les consumerai, mais je ferai de toi une grande nation. Cependant Moïse ose opposer à la justice la clémence en rendant à Dieu la paternité de ce peuple: Pourquoi, ô Eternel, ta colère s'enflammerait-elle contre TON peuple que tu as fait sortir du pays d'Egypte par une 24 grande puissance et une main forte ? Exode 32:11. Rempli de crainte, Moïse descend du Sinaï et, lorsque, dans la plaine, il mesure l'étendue de la faute, frémissant de colère et de pitié, il remonte au Sinaï vers l'Eternel. Il le supplie et va jusqu'à dire: Ah ! ce peuple a commis un grand péché... (mais) pardonne leur péché, sinon efface-moi de ton livre que tu as écrit. Exode 32:31, 32. Plus tard (Nombres 14), lorsqu'après le rapport défavorable des espions, le peuple murmura contre Dieu et se refusa à entrer en Terre-Sainte, l'Eternel dit à Moïse: Jusques à quand ce peuple me méprisera-t-H ? Je le frapperai par la peste et je le détruirai, mais je ferai de toi une nation plus grande et plus puissante que lui. Mais Moïse continua à implorer la clémence de Dieu: Pardonne l'iniquité de ce peuple selon la grandeur de ta miséricorde comme tu as pardonné à ce peuple depuis l'Egypte jusqu'ici. Et il ne cessa de réitérer sa supplique jusqu'à ce que Dieu lui ait répondu : J'ai pardonné selon ta demande. Moïse, homme de Dieu, serviteur des hommes, est un témoignage qui nous permet d'accéder au plus haut échelon de l'échelle, à savoir la compréhension du message et du rôle de Jésus: Quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le F Us de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir de rançon à plusieurs. Matthieu 20:27, 28. La rançon, c'est le prix payé pour délivrer un prisonnier de la captivité, c'est la vie de Jésus donnée pour nous délivrer du péché. Cependant, cet esprit de sacrifice, de maîtrise de soi, de générosité et d'amour est loin de nous être accessible. Même les compagnons de Jésus les plus fidèles en étaient éloignés. En effet, dans un bourg des Samaritains où l'on ne les reçut pas, Jacques et Jean réclament la rigueur de Dieu : Veux-tu que nous commandions que le feu du ciel descende et les consume ? Luc 9:54. Jésus se tourna vers eux, les réprimanda, disant: Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés, car le Fils de l'homme est venu non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver. A travers Jésus jaillit la plénitude de l'Esprit-Saint, et quand celui-ci pénètre en nous, il nous éclaire et nous convainc de péché. Nous prenons conscience alors de notre impiété. Et, si dans un sentiment de repentance et d'humilité nous nous tournons vers celui qui veut nous sauver, Jésus étend alors sur nous son manteau de justice: Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. Jean 3:16. Donc, à l'heure où notre monde est menacé comme au temps de Noé, soyons obéissants et fidèles comme lui; à l'heure où l'impiété grandit comme au temps de Sodome et Gomorrhe, répandons notre Foi et notre message, comme Abraham; à l'heure où nous ne savons plus bien distinguer le juste de l'impie, implorons la clémence de Dieu dans une prière humble mais dynamique comme Moïse. Et surtout attachons-nous à la figure du Christ qui, par l'osmose de l'amour, transformera nos vies en nous faisant renaître réconciliés avec Dieu jusqu'à devenir ses enfants d'adoption... car Dieu nous demande d'être parfaits, comme lui-même est parfait. Françoise JURET 25 mourir... après? Toussaint ! Hier encore, l'été, solidement accroché à des positions établies depuis des mois, donnait satisfaction à notre faim jamais apaisée de soleil, de ciel bleu et de paysages diaphanes. Ce matin de premier novembre, la tradition est sauve. Une chape grise — couleur d'automne, de brouillard matinal, couleur de Toussaint couvre la ville et semble avoir porté un rude coup, un coup mortel, à toute velléité de vivre. Vides les maisons, vides les bureaux, vides les rues et les places, toute vie paraît avoir été drainée vers quelques lieux situés hors les murs de la cité, comme si les mesures frappant les lépreux lui avait été appliquées. Les cimetières préparés pour la circonstance par les jardiniers de la mort connaissent aujourd'hui leur grande fête annuelle. Ceux que les jours de congé conduisent généralement vers les théâtres et les expositions, aux guichets des cinémas et devant les tables des cafés, frappent aujourd'hui aux portes du séjour des morts. Un voyageur non averti aurait tôt fait de discerner une sorte de cérémonial auquel ils se soumettent d'un commun accord. Dans les rues avoisinantes, des fleurs aux coloris délavés ont jailli comme par génération spontanée du pavé même des trottoirs. Aucun visiteur ne se dérobe à son devoir. Se pourrait-il que cette offrande florale accompagnée d'une formule sacramentelle donne accès à la tombe, si ce n'est à celui ou à celle qui y repose ? Quelques heures plus tard, des dizaines, des milliers de bouquets, des dizaines, des centaines de milliers de chrysanthèmes commenceront, avec le soir qui tombe, leur trop rapide processus de destruction, rejoignant ainsi dans leur néant ceux à qui ils étaient dédiés. Qu'il est doux de se promener dans les cimetières des grandes villes. Ce sont les rares endroits où l'on puisse encore goûter une paix sereine. Mais je ne connais pas de vision plus désolante, de vision qui puisse mieux faire comprendre le désespoir de l'homme devant la mort qu'un cimetière où le vent pénétrant d'automne vient de terrasser les fleurs de la Toussaint ; qu'un cimetière où les chrysanthèmes renversés pêle-mêle, dressent lamentablement vers le ciel leurs bras dénudés comme s'ils cherchaient encore, et sans trop y croire, un espoir auquel s'accrocher. Ainsi des milliers d'affamés, affamés de l'amour et de l'affection d'un être cher, toujours trop tôt disparu, tendent vers le ciel des mains ouvertes, prêtes à recevoir l'Espoir. Il y a quelques mois, je rencontrais l'un de mes vieux professeurs. Toujours aussi vert qu'il y a vingt-cinq ans, il continue ses recherches à Rome, à Londres, à Paris, à Washington. A plus de quatre-vingts ans, sa lucidité le maintient au premier rang des autorités dans sa spécialité. Comme je l'en félicitais, il tourna vers moi des yeux un peu tristes et sa voix, pourtant habituellement assaisonnée d'une pointe d'humour, revêtit une certaine gravité. «C'est vrai, dit-il, mais... mon épouse s'est endormie, mes amis sont tombés l'un après l'autre. C'était par eux que je vivais. Je reste seul... » Ainsi s'exprime Saint-Exupéry dans «Terre des Hommes» (p. 41, 42) : « Rien, jamais, en effet, ne remplacera le compagnon perdu. On ne se crée pas de vieux camarades. Rien ne vaut le trésor de tant de souvenirs communs, de tant de mauvaises heures vécues ensemble, de tant de brouilles, de réconciliations, de mouvements de cœur. On ne reconstruit pas ces amitiés-là. Il est vain, si l'on plante un chêne, d'espérer s'abriter bientôt sous son feuillage. » Ainsi va la vie, nous nous sommes enrichis d'abord, nous avons planté pendant des années, mais viennent les années où le temps défait ce travail et déboise. Les camarades, un à un, nous retirent leur ombre. Et à nos deuils se mêle désormais le regret secret de vieillir. » Vieillir et être seul sont donc synonymes. Etre seul après avoir perdu tous ceux qui donnaient un sens à la vie, c'est, déjà, une sorte de mort. Mais si ces proches, ces amis, ces parents pouvaient un jour revenir à la vie ; si nous-mêmes, nous pouvions être présents pour les accueillir, ne serait-ce pas la reconstitution de notre raison de vivre ? Si cette rencontre devait durer toujours, ne serait-ce pas un renouveau éternel, un printemps sans fin qui n'aboutirait plus sur la Toussaint ? Georges VANDENVELDE 26 Jean-Claude BARREAU LA PRIÈRE ET LA DROGUE Stock, 119 pages, 22 F Jean-Claude Barreau est souvent soupçonné du pire ; il pourrait l'être aussi du meilleur. Ce livre bref, incisif, court droit au but. Les flèches de Barreau manquent rarement leur cible. Sa pensée procède par affirmations nerveuses, tranchantes ; peu de lieux communs résistent à ce laminoir. « Bien pensants et marginaux» seront scandalisés. Tant mieux. C'est un signe de vitalité. L'originalité de ce petit ouvrage tient toute dans une démonstration hardie cherchant à montrer que l'itinéraire de départ de l'homme de prière et du drogué est le même. Mais tandis que le drogué se perdra dans les sables d'un nirvâna angoissé, l'homme de prière trouvera l'illumination sur son chemin de Damas. L'attitude de départ est cependant la même : la prise de conscience d'un «manque». L'homo demens et les métaphysiques de contrebande Il faut être gavé de pain pour savoir qu'on ne vit pas de pain seulement. La grande Bouffe de la consommation a au moins ceci de bon ; elle nous conduit à la prise de conscience de la nécessité d'un ailleurs. A ce moment de sa réflexion, Barreau partage le monde en trois types d'humanité : Le consommateur, tout d'abord qui éructe sa bonne conscience dans un univers peuplé d'objets, de gadgets et de bonnes intentions ; Le savant qui entretient l'illusion trompeuse (le pléonasme n'est pas de trop) d'une connaissance scientifique qui donnera un jour les clefs de l'univers ; Enfin l'homme d'action à la Malraux qui s'étourdit du vacarme de ses idées en marche et qui finit, lui aussi, par se trouver les mains vides devant la mort. Barreau nomme ces trois attitudes des métaphysiques de contrebande et leur oppose la nature profonde de l'homme qu'il baptise homo demens ; homme fou (sans que cette nuance soit péjorative). L'homme, dit-il, a des racines irrationnelles et ne trouve un certain contentement qu'en leur abandonnant la meilleure part de lui-même. C'est par la prière que l'homme exprimerait donc le mieux sa nature à la fois poétique et mystique. Barreau s'insurge alors contre ce qu'il appelle les «cucuteries sulpiciennes» qui ont fait de la prière un exercice de dévotion et de macération ennuyeux et dérisoire alors, qu'en réalité, la prière recèle tout ce qu'une jeunesse d'aujourd'hui réclame aux religions orientales : le silence, le recueillement, l'amour, la communion avec les autres et avec le monde. La prière et la drogue La prière, aujourd'hui, semble avoir aussi mauvaise réputation que la drogue. Elle apparaît comme un refuge pour « les planqués de la vie», les bigots et les irresponsables (c'est un peu la même famille). Mais qu'y a-t-il de commun alors entre le goût de la drogue et le besoin d'une prière authentique ? Le goût de l'absolu : tout et tout de suite comme déjà le réclamait Antigone. C'est un prétexte pour Barreau de fustiger un christianisme qui promet monts et merveilles, mais pour demain, si l'on a été bien sage. La prière, c'est un peu le Paradise Now de la jeunesse en marge. La prière, c'est le bonheur ici-bas. Et ce paradoxe veut qu'être heureux ici-bas paraisse un acte de provocation. Pour ce deuxième point de rencontre entre prière et drogue, je me contenterai de citer Barreau : - « Chercher une nouvelle manière d'être et non la vertu»... - « Ce qu'on appelle la morale chrétienne n'est rien d'autre, en effet, qu'un stoïcisme dégradé. La voie de la sainteté n'est pas d'abord la voie de la vertu. » Cette antinomie que Barreau dresse entre moralisme et authenticité ne manque pas de surprendre. A la réflexion elle cherche surtout à condamner dans le christianisme les attitudes au profit de la sincérité ; une prière sans élan n'est qu'un stérile exercice de style, un marmonnement abusif et dérisoire, une contrefaçon de l'homme et de Dieu. Une caricature. 27 Jean-Claude Barreau La prière et la drogue Stock Enfin, la prière, comme la drogue, accorde à l'homme un regard neuf. Elle donne à voir des territoires nouveaux. Elle aiguise la vision et élargit le champ de conscience. La prière affirme ainsi notre présence au monde. Le bateau ivre et le vaisseau de Dieu C'est à ce carrefour que la prière se sépare de la drogue. Alors que celle-ci est une fuite passive, rembarquement sur un bateau ivre qui coulera vers nulle part, la prière est le seul voyage qui mène à la découverte de soi-même. Mais on ne prie pas impunément. Alors que la drogue conduit à l'engourdissement, la prière réveille l'âme. Et tous les réveils sont difficiles. Prendre conscience de soi, être présent au monde sont des exigences qui demandent que l'on refuse tout compromis avec la paresse et la peur. La prière, attitude constructive résout ainsi définitivement la contradiction entre action et pensée : elle est à la fois l'une et l'autre. Pour Barreau, c'est à l'homme réveillé qu'il appartient d'être vigilant ; ce sont les saints qui sont tentés et non pas les eunuques. Le christianisme dit Barreau n'est pas une religion de consolation mais un défi qui demande de regarder le monde en face. Ainsi, placé face au monde, l'homme de prière s'émerveillera de l'existence même plutôt que du néant. La prière est poésie, elle ordonne à nouveau le monde selon de nouvelles lignes de forces qui ont l'harmonie du visage divin. La prière devient ainsi l'art par excellence. Alors que l'art, malgré nous, nous fige dans la solitude, la prière conserve l'allégresse et la communion propres à la vie authentique. Mais prier, c'est aussi se reconnaître insuffisant. C'est manquer de quelque chose et ne pas en avoir honte. Prier c'est quémander. Pour Barreau, l'homme de prière est un poète mais aussi un mendiant qui prend conscience de l'amour total, exclusif et jaloux de Dieu. Le christianisme serait pour lui la religion de l'insatisfaction, du désir sans mesure. Heureux ceux qui ont faim et soif dit l'Evangile... Le lieu du cœur La dernière grandeur de la prière est de délimiter dans notre vie «un espace où l'espoir puisse agir» et découvrir cette toute puissance de l'amour qui est sa nature même. Dieu, amant jaloux, ne peut agir en nous que si nous l'acceptons. Enfin, la prière «nous réconcilie avec le temps». Prier c'est aussi vivre à plein les temps forts de la vie en donnant aux heures plus de profondeur. L'éternité est moins une succession de minutes qu'une manière de bien les vivre, en faisant de chacune d'elles une découverte et un émerveillement. En conclusion, Barreau insiste sur la notion d'amour et de pardon, seules conditions rendant la prière possible. Pour lui, il y a plus de bonheur à demander qu'à recevoir. La prière change la vie et il pense qu'il n'y a plus d'issue aujourd'hui qu'entre la prière et la drogue (il entend ainsi tous les biens de consommation). La deuxième édition du livre Evolution ou création ? de Jean Flori et Henri Rasolofomasoandro, paraîtra au début de l'année 1975. Pour commandes, souscriptions ou renseignements, s'adresser aux agences S.D.T. (adresses page 2) On pourrait dans ce livre discuter la raideur de telle ou telle affirmation, regretter une formulation souvent à l'emporte-pièce, mais ce pamphlet acéré contre l'engourdissement des fausses valeurs chrétiennes était bien nécessaire. Jean-Marie THOMASSEAU 28 ILYA CENT ANS, LIVINGSTONE Alors que colonialisme et œuvre missionnaire sont faussement associés, David Livingstone apparaît comme un précurseur dans le domaine des relations sociales et spirituelles entre les peuples. Dès ses débuts de missionnaire, Livingstone est obsédé par l'immensité de la tâche. Son imagination fertile va élaborer des méthodes d'approche et d'évangélisation qui, pratiquées par des âmes aussi dévouées et désintéressées que lui, permettent d'obtenir des résultats excellents. A peine arrivé, en été 1840, dans la station du grand missionnaire Moffat à Kuruman, Livingstone se pénètre d'une idée nouvelle: vouloir obtenir des conversions individuelles à la foi chrétienne. Mais elles restent malgré tout peu nombreuses. « Il faut d'abord pénétrer de cette station d'avant-garde, la plus avancée vers le Nord, jusqu'au cœur même du paganisme africain, déclarera Livingstone. Nous dépensons trop à entretenir des postes coûteux dans une population clairsemée, relativement proche des villes de la côte. ... Notre rôle est de prêcher d'abord l'Evangile, d'exhorter, d'instruire les jeunes. Mais nous avons aussi, me semble-t-il, à améliorer les mœurs, à introduire dans ce pays les bienfaits de notre commerce et transformer aussi le mode de vie.» En 1850, il écrira à quelques amis : «Je pense que la cause du Christ gagnerait beaucoup plus par l'immigration en Afrique d'un nombre important de familles chrétiennes venant gagner leur vie au milieu de ces peuplades, que par l'envoi de quelques trop rares missionnaires.» Cette conviction s'implanta dans son esprit à mesure que les années passèrent. Dans son livre Voyages missionnaires, il insista sur le fait que le développement du commerce en Afrique rendrait plus de service que l'envoi d'un missionnaire «avec une Bible sous le bras». Il est indispensable de nous arrêter quelques instants sur ces déclarations sans quoi nous risquons de nous fourvoyer complètement sur les intentions réelles de Livingstone. D'une part, il faut se souvenir du contexte philosophique et politique dans lequel il vivait. D'autre part, Livingstone lui-même ne donnait pas au mot «civilisation» le sens assez limité et matérialiste «à l'occidentale» qu'il a malheureusement pris par la force des choses. Livingstone songeait à un certain mode de vie, acceptation de principes de conduite (loyauté, liberté, tenue, propreté personnelle) fondés directement sur la foi en Christ. Car le Christ est le Seigneur de tout homme, mais aussi de l'homme tout entier, ce que nous perdons volontiers de vue. La foi chrétienne englobe toute la vie, celle du corps comme celle de l'âme. En ce sens, la position de Livingstoneestirréprochable. L'échec flagrant de notre civilisation, c'est l'abandon de ses fondements chrétiens, plus précisément évangéliques, donc universels. Pour Livingstone, la question ne se posait même pas. Il se trouva souvent dans l'état visionnaire de l'enfant qui, ne soupçonnant pas le mal, veut refaire le monde tel que Dieu l'a créé. Ceci dit, rejoignons Livingstone au moment où un événement inattendu va marquer sa carrière, éclairage nouveau sur cette personnalité complexe. Célibataire déclaré, disant à ses amis «qu'il ne voyait pas comment il arriverait à se marier, à moins d'attendre la vieillesse et de faire paraître une annonce dans un journal évangélique, demandant pour lui une veuve honnête», cette détermination va fondre comme par enchantement lors de la rencontre de la fille aînée du missionnaire Moffat, à son retour de congé. Fiançailles et mariage ne tardent pas. C'est un mariage d'amour qui n'est pas désavoué par la raison. Et à ce propos, Livingstone écrit : «Je ne regrette pas d'être venu seul ici. Il me paraît avantageux, pour beaucoup de nos jeunes missionnaires, de passer ici, avant de se marier, un temps suffisant pour apprendre la langue du pays et s'habituer au climat. Et même lorsque des jeunes hommes peuvent trouver une vraie famille, auprès de ménages plus âgés, un délai plus long serait tout avantage pour leur ministère. Pourtant, si l'on se trouve seul, totalement privé de toute société européenne, attendre trop me paraît mauvais.» 29 Malheureusement la destinée de Livingstone ne devait pas lui permettre de jouir de son foyer bien longtemps. En 1852, huit ans après leur mariage, son épouse, Mary, ainsi que ses quatre enfants, sont obligés de regagner l'Angleterre pour raisons de santé et d'éducation, de malveillance aussi. En effet, cet homme, aussi pénétré de sa mission et consacré à son ministère, ne pouvait que gêner des personnes aux motivations moins nobles que les siennes. Eprouvé par l'incompréhension de certains collègues, les Moffat mis à part, et même par certains dirigeants de la L. M.S., Livingstone écrira à un ami : « Parfois, je me flatte d'avoir pardonné comme j'espère l'être, mais le souvenir de la calomnie remonte trop souvent tout bouillonnant à mon esprit, quoique j'aie horreur d'y penser. Priez, priez, cher ami, pour que l'Esprit de Jésus-Christ me soit donné en plus abondante mesure. » C'est à partir de cette époque que vont commencer les grandes expéditions exploratrices de Livingstone. Il nous est impossible de nous étendre longuement sur cette dernière partie de sa vie. A ce sujet, nous ne saurions trop vous recommander la lecture de deux ouvrages qui relatent avec vivacité et intérêt une partie des péripéties et des difficultés que dut endurer Livingstone au cours de ses diverses expéditions : David Livingstone, de Jean-Paul Benoit, éd. Oberlin, Strasbourg, puis une biographie plus complète, David Livingstone, de Th.-D. Pache, éd. La Concorde, Lausanne. Deux problèmes essentiels vont hanter Livingstone jusqu'à la fin de sa vie. D'une part, la découverte de nouveaux territoires pour les ouvrir à l'Evangile. D'autre part, une fois arrivé sur le terrain, la découverte d'un marché très florissant d'esclaves à la libération desquels il va travailler. Très brièvement, nous allons relater maintenant ses trois principales expéditions sans nous étendre sur les détails. La première expédition de Livingstone commence effectivement en juin 1852. Pour «ouvrir l'intérieur de l'Afrique», ses armes vont être la non-violence et l'amitié. Parti du Cap, il arrive chez les Makololo du moyen Zambèze, dont le roi est son ami ; grâce à eux, il remonte le fleuve encore inconnu, puis il rejoint Loanda, capitale de l'Angola, en traversant les affluents gauches du Congo. Les Portugais l'accueillent fort bien, même l'archevêque. Il rétablit sa santé, puis repart vers l'est et retourne chez les Makololo. La terre, les hommes En septembre 1855, il en repart pour longer à pied le Zambèze vers l'aval. Immédiatement, il découvre «la fumée tonnante», c'est-à-dire les chutes Victoria ; puis il poursuit sa route le long d'une vallée fertile que les guerres et la mouche tsé-tsé ont rendue déserte. A bout de ressources, il arrive enfin au poste de Tété où les Portugais l'hébergent. Il entend parler de la «Nyanza» plus au nord. Il descend le fleuve, voit au passage le confluent du Chiré et arrive à la côte, en mai 1856, «dans le dernier degré d'épuisement». De retour en Angleterre, il dépeint sa traversée de l'Afrique dans un gros volume illustré comme le seront désormais tous les récits d'explorateurs. Les renseignements y abondent sur la faune, la végétation, les fleuves et les peuplades. De nombreuses positions ont été fixées et la première grande carte de l'intérieur établie. La deuxième exploration de Livingstone, financée cette fois par le gouvernement britannique, va se dérouler de 1858 à 1864. Cette seconde expédition va viser plus particulièrement les moyens de lutter contre la traite des Noirs et d'installer des missions religieuses. Livingstone remonte le bas Zambèze et le Chiré avec un petit vapeur construit sur ses indications. Mais arrivant à des rapides infranchissables, il part à pied et découvre le lac Nyassa. Il remonte ensuite le moyen Zambèze pour rendre visite à ses amis Makololo. Le lac Nyassa est ensuite reconnu en canot. Poussant une pointe dans le Nord-Ouest, Livingstone apprend qu'il y a dans cette direction deux autres lacs. Dans l'ouvrage qui relate cette expédition, la traite des Noirs occupe une place essentielle. Livingstone estime que les 19 000 esclaves arrivant chaque année du Nyassa à la côte ne représentent en fait que le cinquième de la population réduite à l'esclavage, le reste étant décimé avant de parvenir à destination. Il évoque les squelettes trouvés sur le chemin, les cadavres flottant sur le lac, et il accuse les Portugais de favoriser cette traite. Son livre et l'installation des Missions britanniques devaient préparer, bien involontairement de sa part, la marche de l'impérialisme de Cecil Rhodes et la création du Nyassaland (Malawi). Au sujet de la traite des esclaves, je ne puis m'empêcher de vous livrer un extrait de son Last Journal'. «Quand j'ai rendu compte de la traite de l'homme dans l'est de l'Afrique, je me suis tenu très loin de la vérité, ce qui était nécessaire pour ne pas être taxé d'exagération. Mais à parler franchement, le sujet ne permet pas qu'on exagère: amplifier les maux de l'affreux commerce est tout simplement impossible. Le spectacle que j'ai eu sous les yeux, incidents communs de ce trafic, est d'une telle horreur que je m'efforce sans cesse de le chasser de ma mémoire, mais en vain. Les souvenirs les plus pénibles s'effacent avec le temps, mais les scènes atroces que j'ai vues se représentent à mon esprit, et, la nuit, me font bondir, horrifié par la véracité du tableau.» La troisième expédition de Livingstone commence en janvier 1866. Il débarque à l'embouchure de la Rovouma (frontière actuelle du Mozambique et de la Tanzanie), heureux de retrouver l'Afrique et le plaisir de la marche. Il atteint le sud du lac Nyassa, se dirige vers le nord-ouest, parvient au sud du lac Tan-ganyika, puis part vers l'ouest avec une bande de trafiquants arabes. En novembre, il découvre le lac Moéro, d'où sort un fleuve, le Loualaba, coulant vers lé nord. Près du lac se trouve la ville de Cazembé, dont le palais royal est orné d'oreilles, de mains et de têtes coupées. Des porteurs dérobent au missionnaire sa caisse de médicaments. Il ne cesse plus guère d'avoir la fièvre. Errant un peu au hasard, il entend parler du Katanga, le pays du cuivre, puis il découvre le lac Bangouéolo, d'où sort un fleuve qu'il pense être le Loualaba, et croit qu'il s'agit de la véritable source du Nil. De plus en plus malade, il est transporté au Tanganyika. A Oujiji, sa santé s'améliore. Il n'a que cinquante-six ans et déjà, sous sa casquette galonnée d'or, ses cheveux sont blancs. C'est un vieillard. (à suivre) Jean-Paul COSENDAI 30 Il est évident que ce règne n'est pas universel, dans ce sens que tous les hommes n'y sont pas soumis. Mais Jésus disait déjà: Voici le royaume de Dieu est au milieu de vous. Et cela dans un sens également restreint. On pourrait dire aussi «dispensation de l'Esprit», mais moins bien. Le règne de Dieu est aujourd'hui celui de l'Esprit; l'Eternel règne, mais par l'Esprit. Tous les rapports entre Dieu et l'homme sont actuellement régis par l'Esprit: c'est la religion en Esprit, dans l'Esprit, à travers l'Esprit (2 Corinthiens 3 :6-8 ; Philip-piens 3:3). Comment ce règne s'affirme-t-il ? Dans l'homme d'abord, dans l'Eglise ensuite. 1. Le Saint-Esprit et l’homme Nous étudierons l'œuvre de l'Esprit dans l'homme, en commençant avant même la conversion. . L œuvre de conviction C'est par là qu'il faut évidemment commencer, car seul l'Esprit peut convaincre. En promettant le Consolateur aux disciples, Jésus leur a prédit qu'il convaincrait le monde de péché, de justice et de jugement. Jean 16:8, 9. a) De péché. C'est une œuvre que seule l'Esprit peut opérer. L'homme se rebelle aux accusations de son semblable. b) De jugement. La présence même du Juste était convaincante. L'Esprit renouvelle en chaque homme la conviction que seule la justice du Christ est la vraie, et que seule elle sauve. c) De jugement. Oeuvre complémentaire. Etant donné: 1) que tout homme est pécheur, 2) que Jésus 31 est juste, 3) tout homme sera jugé, et... condamné s'il ne met son espoir en Jésus seul. De cette prédication de conversion, nous trouvons un bel exemple dans le discours de Pierre à la Pentecôte, qu'on peut qualifier de discours de l'Esprit. 1 ) Péché : Actes 2 :23. 2) Justice : versets 22, 24, 36. 3) Jugement -, versets 19, 20, 40. 3. La nouvelle naissance Si nous pouvons comparer ce qui précède à la conception, ce qui suit sera évidemment une naissance, et, comme celle de Jésus, une naissance selon l'Esprit. Nous avons déjà rappelé l'entretien essentiel de Jésus et de Nicodème. Il faut naître d'eau et d'Esprit. Jean 3:5. Convaincus de notre néant, nous aspirons à la vie: Dieu nous la donne (Romains 6:23b). Nous l'acceptons par la foi (Ephésiens 2: 8). Cette naissance s'effectue au baptême. Baptême d'eau et baptême d'Esprit doivent pratiquement se confondre, comme nous l'avons vu précédemment. (Baptême de Jésus. Paroles de Pierre dans son discours de Pentecôte. Actes 2 : 38.) «Aucune forme extérieure ne peut nous purifier; aucune cérémonie présidée par le plus saint des hommes ne peut remplacer le baptême du Saint-Esprit. L'Esprit de Dieu doit faire son œuvre dans les cœurs. Tous ceux qui n'ont pas été régénérés par sa puissance ne sont que de la balle au milieu du grain.»— Ellen G. White, Testimonies, vol. 5, p. 227. Baptême d'eau, d'Esprit, régénération ou nouvelle naissance, cela s'opère au même moment. Donnons-en encore une preuve: Jamais les apôtres n'engagent les croyants déjà baptisés d'eau à rechercher le baptême du Saint-Esprit, sauf justement pour les cas où l'enseignement à propos du baptême n'a pas été donné correctement (voir plus haut). Voir 1 Corinthiens 12:13; Colos-siens 2 :12 ; Galates 3 :27. «La vie chrétienne n'est pas seulement une modification ou une amélioration de la vie ancienne: c'est une transformation de nature. Il doit etude biblique y avoir une mort au moi et au péché, et une vie entièrement nouvelle. Seule l'action efficace du Saint-Esprit peut produire un tel changement.» — Ellen G. White, Jésus-Christ, p. 84. Ainsi donc, c'est bien par le baptême de l'Esprit que l'on entre dans la vie chrétienne. La conséquence de cette naissance, c'est inéluctablement: 4. La vie de l'Esprit (2 Corinthiens 5:17) Sur ce point, il faut étudier attentivement Romains 8:2-11 : En effet, la loi de l'esprit de vie en Jésus-Christ m'a affranchi de la loi du péché et de la mort. Car - chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force - Dieu a condamné le péché dans la chair, en envoyant, à cause du péché, son propre F Us dans une chair semblable à celle du péché, et cela afin que la justice de la loi fût accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l'esprit. Ceux, en effet, qui vivent selon la chair s'affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l'esprit s'affectionnent aux choses de l'esprit. Et l'affection de la chair, c'est la mort, tandis que l'affection de l'esprit, c'est la vie et la paix; car l'affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle ne le peut même pas. Or, ceux qui vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu. Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'esprit, si du moins /'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, H ne lui appartient pas. Et si Christ est en vous, le corps, H est vrai, est mort à cause du péché, mais l'esprit est vie à cause de la justice. Et si /'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Corporellement, nous ne naissons pas parfaits, spirituellement non plus. L'œuvre de la vie de l'Esprit sera la sanctification. La sanctification, c'est l'anéantissement total de la chair qui souvent se rebelle, et la progression jusqu'au but de la vie de l'Esprit, que l'on peut apercevoir: Je dis donc: Marchez selon /'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair. Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'Esprit, et /'Esprit en a de contraires à ceux de /a chair; i/s sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez. Si vous êtes conduits par /'Esprit, vous n'êtes point sous /a loi. Or, les œuvres de la chair sont manifestes, ce sont l'impudicité, l'impureté, la dissolution, l'idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, l'envie, l'ivrognerie, les excès de table, et les choses semblables. Je vous dis d'avance, comme je l'ai déjà dit, que ceux qui commettent de telles choses n'hériteront point le royaume de Dieu. Mais le fruit de /'Esprit, c'est /'amour, /a joie, /a paix, /a patience, /a bonté, /a bénignité, /a fidélité, /a 32 douceur, la tempérance ; la loi n'est pas contre ces choses. Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Si nous vivons par l'Esprit, marchons aussi selon l'Esprit. Ne cherchons pas une vaine gloire, en nous provoquant les uns les autres, en nous portant envie les uns aux autres. Galates 5 :16-26. Que la sanctification soit l'œuvre de l'Esprit, cela est prouvé par Romains 15 :16 et 2 Thessaloniciens 2 :1 3 : A cause de la grâce que Dieu m'a faite d'être ministre de Jésus-Christ parmi les païens, m'acquittant du divin service de l'Evangile de Dieu, afin que les païens lui soient une offrande agréable, étant sanctifiée par l'Esprit-Saint. ... Pour nous, frères bien-aimés du Seigneur, nous devons à votre sujet rendre continuellement grâces à Dieu, parce que Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut, par la sanctification de /'Esprit et par la foi en la vérité. (Notons que les deux autres personnes de la Trinité s'associent à cette œuvre: 1 Corinthiens 1:2; 1 Thessaloniciens 5 : 23.) Avant d'aller plus loin, remarquons que chaque croyant est baptisé de l'Esprit, s'il a reçu le vrai baptême, et qu'il vit la vie de l'Esprit, à moins qu'il ne soit mort-né. Remarquons aussi que le croyant ne reçoit pas forcément les manifestations éclatantes de la présence de l'Esprit dès son baptême, parce qu'il ne faut pas confondre baptême de l'Esprit et dons de l'Esprit, comme nous le verrons plus loin. A cet égard, le baptême de Paul est significatif (Actes 9:17-19). Objection — N'est-il pas possible à un chrétien de vivre selon la chair? Pour moi, frères, ce n'est pas comme à des hommes spirituels que j'ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. 1 Corinthiens 3:1. Frères, vous avez été appelés à la liberté; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair; mais rendez-vous, par la charité, serviteurs les uns des autres. Galates 5:13. On peut aussi marcher la tête en bas, ou se conduire de telle sorte que la vie soit un suicide continuel. Les chrétiens «selon la chair» dont parle Paul dans les textes invoqués ne reçoivent pas précisément ses félicitations. Question 1 - Peut-on avoir été baptisé, être même prédicateur de l'Evangile et ne pas avoir reçu le baptême d'Esprit en même temps que le baptême d'eau ? Cela peut en effet se produire: toutes les anomalies sont possibles, mais n'en restent pas moins des anomalies. Toutefois, dans le texte précédent, le baptême recherché est comparé à l'effusion de l'Esprit lors de la Pentecôte, ce qui est de nature à entraîner une confusion sur le sens exact du mot baptême. Il s'agirait plutôt de la pluie de l'arrière-saison, que nous devons souhaiter ardemment. Question 2 — Si le baptême de l'Esprit n'est pas accompagné de manifestations évidentes, comment savoir que l'on est vraiment baptisé par l'Esprit ? D'abord la Parole de Dieu - autrement dit l'Esprit - nous l'assure dans les textes précédemment cités. Ensuite, il y a le «témoignage intérieur» : Et vous n'avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions: Abba ! Père! L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Romains 8:15, 16. Ce texte s'éclaire singulièrement à l'aide d'Ephésiens 1:13, 14: En lui vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, l'Evangile de votre salut, en lui vous avez cru et vous avez été scellés du Saint-Esprit qui avait été promis, lequel est un gage de notre héritage, pour la rédemption de ceux que Dieu s'est acquis, à la louange de sa gloire. Il y a aussi le sentiment de la présence de Dieu et de son Christ (Jean 14 :1 5 ; Jean 16:7, 12-1 5). Enfin, la production des fruits de l'Esprit déjà cités dans Galates 5 :22, 23. Ajoutons ce texte de Vers Jésus (p. 61): «L'amour vient de Dieu. Le cœur irrégénéré ne saurait le produire. L'amour ne se trouve que dans le cœur où Jésus règne. Nous l'aimons parce qu'il nous a aimés le premier (1 Jean 4:19). L'amour est à la base de tous les actes du cœur régénéré par la grâce divine.» Or comment être régénéré, sinon par le baptême de l'Esprit ? Le sera-t-on par le baptême d'eau ? 5. Les manifestations de l'Esprit Si la manifestation de l'Esprit peut se produire en même temps que le baptême du Saint-Esprit (Actes 2: 4 ; 10 :44-46, etc.), elle peut aussi se faire plus tard, chez des chrétiens déjà baptisés, comme on le voit d'après Actes 4 :29-31. D'autre part, un homme peut continuer à vivre la vie de l'Esprit sans avoir toujours en lui les mêmes manifestations de la puissance de l'Esprit. Ainsi Paul n'a pas toujours exercé le don de guérison (puisqu'il n'a pas toujours guéri ses collaborateurs malades), bien que n'ait jamais cessé la profondeur de son expérience religieuse. (à suivre) Maurice MATHY 33 «J'ai perdu la foi » entendons-nous dire parfois autour de nous, sur le même ton que «j'ai perdu mon porte-monnaie». A la différence que dans le dernier cas on ne se contente pas de constater la perte avec un air désabusé, mais on fait tout pour le retrouver. On rebrousse chemin, on récapitule son emploi du temps, on interroge les commerçants. LE DOUTE UNE Pourquoi tant de fatalisme quand il s'agit de la foi ? Elle aussi se retrouve, encore faut-il déployer autant d'effort de lucidité. Mais faisons-nous cet effort ? Quel âge a notre foi ? La foi a une histoire, elle n'est pas statique. De l'enfance à l'âge adulte, les conceptions, les habitudes changent. Que devient la foi pendant cette maturation de l'homme ? d'entériner un pareil état de fait, le croyant en proie au doute devrait examiner la situation avec objectivité et tenter de voir ce qu'elle a de réparable. Il lui faudra revenir en arrière, reprendre l'étude de la Bible, être assidu à la prière, renouer avec la fidélité à Dieu. Rappelons-nous l'histoire du figuier. Pourquoi devenir adulte si c'est pour offrir à Dieu du bois sec ? Les racines du doute Le doute est comme un oiseau, on ne peut pas l'empêcher de se poser sur notre tête, mais on peut l'empêcher d'y faire son nid. Une des qualités du chrétien sera donc la vigilance car, s'il se laisse faire, le doute aura raison de lui, son influence le flétrira et le paralysera. VERTU CHRETIENNE? «Le doute est un hommage rendu à l’espoir» Comte de Lautréamont La foi de l'enfant prend racine dans la confiance qu'il porte à ses parents (n'oublions pas cette vérité importante, la confiance dans les parents conditionne la confiance en Dieu) : Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, H vaudrait mieux pour lui qu'on lui suspendît à son cou une meule de moulin et qu'on le jetât à la mer. Luc 17:2. L'adolescence c'est l'âge où l'on s'emballe, c'est l'heure des contradictions et des passions. Enfin l'adulte, dont la maturité devrait assurer une foi solide, est prêt pour les combats. Le drame de celui qui perd la foi, c'est qu'il est devenu adulte en gardant la foi de son enfance. Cette foi naïve propre aux enfants, pleine de couleur et de simplicité mais qui ne répond plus aux problèmes qui se posent à l'homme dans la société moderne. Sa foi aurait dû grandir, mûrir en même temps que lui, au contraire le divorce entre la réalité du monde et la religion n'a fait que s'accentuer. C'est ainsi que beaucoup pensent que la religion n'est plus bonne que pour les femmes et les enfants, soulignant ce qu'elle a de déplacé dans un monde en pleine évolution. Renouer avec Dieu Il n'y a pas de situation désespérée, celle-ci l'est encore moins si l'on considère qu'il y a un Dieu prêt à intervenir pour ses enfants. Au lieu Et quand on ne croit rien fortement, on est incapable de grande chose. Le doute prend son origine dans l'esprit (j'entends par là la faculté de raisonner) tandis que la foi vient du cœur (les raisons du cœur de Pascal). Le cœur est la source unique de toute conviction intime, de toute véritable foi. L'esprit, lui, procède par induction, il est conditionné par le rapport qui existe entre les idées. C'est aussi le siège de l'orgueil, du calcul et de l'ambition, alors que le cœur est le domaine de la spontanéité, de l'activité, de la vie et de la personnalité. S'il veut croire et chasser le doute, il faut que l'homme connaisse bien ce que le raisonnement peut rendre et ce qu'il refuse; il faut qu'il rentre dans sa conscience et qu'il vive avec son propre cœur. Un tel effort exige une vie intérieure soutenue. Il faut bannir toute superficialité qui finirait par faire de la religion une habitude stérile. Néanmoins, j'ai la conviction que le doute est un signe de bonne santé spirituelle. La tranquillité signifie bien trop souvent la fadeur, et quand un corps vivant ne réagit plus aux impulsions qu'on lui donne c'est qu'il est mort. Douter, rejeter, pleurer, mais finalement vaincre, voici le programme du chrétien. C'est dans la dialectique de la certitude et du doute que s'écoule la véritable foi. Philippe de LARGILLIÈRE 34 TABLE DES MATIÈRES 1974 JÉSUS-CHRIST Jésus-Christ et le monde à venir 3 27 Un enseignement révolutionnaire Vrai et faux socialisme 4 4 1. Vous serez réellement libres 1 12 Le jour qui manquait (Mise au 2. « Mais moi, je vous dis... » 2 12 point) 4 34 L'amour d'un Père 3 4 L'influence remarquable de la Face à Face 3 13 Bible 5 4 Le procès de Jésus 3 15 Il reviendra 5 8 Connaître Jésus-Christ 3 23 Mourir... et après 6 26 1 O Jésus, fils de Dieu 4 21 Regard sur le spiritisme Le doute, une vertu chrétienne 6 6 34 ÉTUDES BIBLIQUES L'ART AU SERVICE DE L'ÉVANGILE Le Saint-Esprit 1. Je mettrai en vous un esprit La Cène 2 28 nouveau 1 15 Le Calvaire 5 26 2. La venue de l'Esprit 3. L'œuvre de l'Esprit dans 2 30 l'église 4. Le règne de l'Esprit 4 6 30 31 MIEUX VIVRE La grande espérance Alors leurs yeux s'ouvrirent 3 6 33 16 L'agressivité Nous et nos enfants 5 5 20 30 SCIENCE ET BIBLE A propos de l'évolution L'agressivité POÉSIE 6 19 1. Le texte de la création 2. L'évolution est-elle un fait ? 3. Evolution et biologie 1 2 4 8 8 12 Le Calvaire Ciel étoilé 4 5 20 9 4. Evolution ou création ? 5 16 BIBLE EN MAIN DES LIVRES La loi de Dieu 1 4 Lettre ouverte à Jésus-Christ Les Evangiles 2 18 1 22 Une institution divine 2 22 Questions sur l'homme 4 28 Jette ton pain à la surface des La prière et la drogue 6 27 eaux 2 33 L'Evangile de Jésus-Christ 3 10 Les témoins de Jésus 3 17 MÉDITATION Mon âme, bénis l'Eternel 4 10 Qui est prophète ? 4 26 Retour aux sources 1 19 Jésus et le sabbat 4 32 Quand Jésus nous interroge 1 26 A l'heure où vous n'y penserez 12 Pour ceux qui ne pleurent plus 1 31 pas 5 Prendre le temps d'écouter Dieu 2 16 La résurrection des morts 6 4 Le règne, la puissance et la Si les morts ne ressuscitent pas 6 6 gloire 4 16 Lazare et le mauvais riche 6 11 Propos sur la prière 5 24 Le salut à l'échelle de la Le don de soi 6 23 perfection 6 24 BIBLE ET ARCHÉOLOGIE LA VOIX DES JEUNES 30 Jésus-Christ 3 8 Toi... suis-moi 3 Sodome et Gomorrhe 5 34 Il y a cent ans, Livingstone 5 32 Il y a cent ans, Livingstone 6 29 DEVENIR CHRÉTIEN NOTRE TEMPS A chacun sa blessure 1 20 Les méchants comme les bons 2 20 Dieu vous aime 1 17 Le charpentier et son royaume 3 20 La liberté religieuse 1 24 Les intérêts passifs 4 18 Pourquoi ? 1 28 Les religions et la religion Le temps de la violence 1 1 32 34 ÉDITORIAL Les droits de l'homme 2 4 Rachetez le temps 2 3 Dans la tempête 2 15 Qui dites-vous que je suis ? 3 3 La foi aujourd'hui 2 26 Un monde nouveau 4 3 Volcans 2 32 Au nom de la vertu 5 3 Il n'osa pas... 3 24 La peur 6 3 France : 22 F. Suisse : 21 FS ; autres pays : 26 F. Prix du numéro : France : 4 F ; Suisse : 3,70 FS ; autres pays : 4,50 F. Pour commandes, souscriptions ou renseignements, s'adresser aux agences S.D.T. (adresses page 2) Parution imminente delà nouvelle édition du "best seller” dEUenG.White