2 LES SIGNES DES TEMPS Nos angoisses, nos espoirs « Oh ! si tu déchirais les cieux, et si tu descendais ! » Esaïe 64 : 1. Après une courte période de prospérité factice, où le gaspillage s’était donné libre cours, le monde se retrouve aux carrefours des routes. Au lendemain de la dernière guerre, un ragon d’espérance avait brillé sur la terre. La paix allait g régner définitivement ! L’arbitrage serait obligatoire. L’opulente S. D. N. garantirait un ordre de choses nouveau ! Les peuples auraient enfin le droit de disposer d’eux-mêmes ; les biens de la planète seraient équitablement répartis. Dans le domaine social et religieux, un esprit large, tolérant, compréhensif, fraternel, remplacerait le vieil esprit de clocher et la lutte des classes. Chaque jour de nouveaux exploits reculaient les frontières de l’inconnu. L’homme, ivre de ses succès, escaladait les sommets les plus élevés, battait tous les records (g compris, sans s’en douter, celui de la misère) et méditait avec complaisance la déclaration du Tentateur : « Vous serez comme des dieux. » On avait cru faire du neuf. En réalité, selon la parabole de Jésus, on n’avait fait que « réparer un vieil habit ». C’est pourquoi la descente ressemble singulièrement à une chute. Tant de rêves échafaudés pendant ces années de prospérité ne sont plus qu’une poignée de poussière dans la main. L’inexorable loi du retour se fait cruellement sentir : « On ne se moque pas de Dieu ; ce que l’homme aura semé, il le moissonnera. » (Galates 6 : 7.) Georges Duhamel, de l’Académie française, disait : « Crogez-le bien, quand je parle de la civilisation, je sais ce que je dis ; et ce n’est pas la T. S. F. qui me fera devenir sur mon opinion. C’est d’autant plus triste qu’il n’g a rien à faire ; on ne remonte pas une pente comme celle sur\ laquelle roule désormais le monde. » Après la guerre, Paul Valérg écrivait : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.... nous vogons que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. » Fin d’année / Pourquoi regretter ce qui passe ? Le temps qui fuit et qui s’efface, Pourquoi vouloir le ressaisir ? s Qu’il emporte folles chimères, Vains espoirs, bonheurs éphémères, A nous est l’immense avenir. Dans l’éternité qui s’avance, Vivons déjà par l’espérance. Qu’importe ce qui doit finir ! Envolez-vous, rapides heures ! Du Père s’ouvrent les demeures, Le Seigneur est près de venir. Elvina Huguenin. 4 Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas un accident ou le fait du hasard. La voix séculaire de la prophétie, divinement inspirée, a donné des avertissements minutieux, et prédit les angoisses actuelles. (Esaïe 59 : 7-11 ; Jérémie 8 : 15 ; 9 : 8 ; 1 Thessaloniciens 5 : 1-3 ; 1 Timothée 3 : 1-5 ; Luc 21 : 25-28.) « Les hommes rendront l’âme de f rageur » a dit Jésus. Cette perspective sévère ne puise pas son origine dans un pessimisme maladif. C’est l’aveu, à coup sûr, de l’impuissance humaine à fonder la cité de justice et de paix. C’est l’effondrement des illusions, nous devons le reconnaître sans fausse honte, mais c’est aussi l’invitation bénie à regarder en haut, car la délivrance approche. Actuellement les trois quarts du monde sont en guerre, et quelle guerre ! Quelle plume pourrait décrire les souffrances inouïes engendrées par cette lutte cruelle, qui est un véritable défi jeté à la civilisation chrétienne. Après le conflit actuel, quel sera le monde de demain ? On s’en préoccupe dans certains milieux, avec le désir de faire quelque chose de stable et de meilleur. La paix et le bonheur devront régner partout et pour tous. Sur ce point-là l’unanimité des belligérants est parfaite. Hélas, si l’on juge des mogens et des méthodes mis en action, des résultats obtenus sur la planète, il n’g a pas de quoi se réjouir pour l’avenir. Pour établir la paix et la sécurité, il faut autre chose que des avions et des bombes, des canons et des chars d’assaut, des cuirassés et des sous-marins.... des discours et des programmes ! Il faut que le Christ s’en mêle ! Comme l’eau ne s’élève jamais au-dessus de son niveau, ainsi l’homme ne s’élèvera jamais au-dessus de lui-même et de ses intérêts égoïstes. Comment un être irrégénéré pourrait-il donner le bonheur ? L’humanité cherche sa voie. Dans l’angoisse du présent, elle s’écrie parfois en s’adressant à Dieu ; « Oh ! si tu ouvrais les cieux et si tu descendais ! » A cette inquiétude, le Seigneur a déjà répondu : « Dites à ceux qui ont le cœur troublé, prenez courage, ne craignez plus ! Voici votre Dieu ! » (Esaïe 35 : 3, 4.) LES SIGNES DES TEMPS 3 Si amères que soient les expériences du passé et les déceptions continuelles, nous restons pleins,de confiance. Nul ne peut établir la justice, ni aucun système donner la paix ; le monde nouveau sera l'œuvre de Dieu. Après l’effondrement des puissances actuelles, le Christ viendra établir son Royaume ; celui-là sera éternel, et ne passera jamais en d’autres mains. (Daniel 2 : 44.) L’humanité sera nouvelle parce qu’elle sera composée de ceux qui auront accepté le salut en Jésus-Christ ; elle ne sera pas faite des plus forts ou des plus aptes, mais des justes. (Esaïe 60 : 18-22.) Le Seigneur a bien désigné les siens dans ses admirables béatitudes. (Matthieu 5 : 3-10.) La « nouvelle terre où la justice habitera » (2 Pierre 3 : 13) sera la patrie éternelle des rachetés. Les douleurs physiques et morales auront disparu ; la guerre et la mort ne seront plus ; plus de lamentables cortèges de réfugiés chassés de leurs foyers, de populations parquées ou échangées comme du bétail, exposées à toutes les misères de la vie. Enfin Satan sera vaincu, lui, meurtrier depuis le commencement. Dans une magnifique vision l’apôtre Jean contemple cette gloire future. (Apoc. 21 et 22.) Les promesses de Dieu ne trompent pas ; le retour prochain du Christ, glorieux et visible, amènera le rétablissement de toutes choses. « Oh ! si tu déchirais les deux, et si tu descendais !.... » Cette émouvante supplication du prophète recevra sa réponse éclatante. Au milieu de l’orage qui gronde, de la haine qui durcit le cœur, regardons en haut avec foi et confiance vers celui qui seul peut calmer nos craintes, car il vient pour juger le monde et prendre possession de son règne. Nous entendons les craquements sinistres d’un monde qui s’écroule, mais nous voyons aussi l'aube bénie du jour qui se lève. Albert Meyer. Robert Gerber C est maintenant le jour du salut J^E temps s’écoule avec une rapidité déconcertante. Des changements profonds s’opèrent d’un jour à l’autre. Il est impossible de dire à l’avance ce qui va arriver. On est constamment sur le qui-vive. L’humanité tout entière se demande où elle va. Les paroles suivantes de Paul Vallotton, écrites il y a plus de vingt-cinq ans, s’accomplissent maintenant plus que jamais : « Tout se précipite. Les décades d’années sont, de nos jours, plus riches d’événements marquants, de changements inattendus, que ne l’étaient les siècles autrefois. Notre monde ressemble à un train lancé à toute vapeur. L’humanité se hâte et concentre ses forces, en vue de quelque mystérieuse journée qu’elle n’aperçoit pas, mais qu’elle pressent. » (La Grande Aurore, page 337.) Nous sommes tous plus ou moins pris dans ce tourbillon. Nous en avons parfois le vertige. Mais le moment de nous ressaisir est venu. Nous devons nous demander sincèrement où nous allons à ce rythme infernal. L’heure de la réflexion est arrivée. C’est d’ailleurs en harmonie avec cette parole de l’Ecriture : « Au jour du malheur, réfléchis. » (Ecclésiaste 7 : 14.) Le malheur vient de s’abattre sur le monde. Directement ou indirectement, toute l’humanité en subit les effets. Dieu nous parle par ces graves événements ; il nous invite à réfléchir. Livrés ainsi à la réflexion, nous ne nous contenterons pas d’examiner ce qui se passe autour de nous. Nous rentrerons aussi en nous-mêmes pour nous demander où nous en sommes personnellement, si le programme de notre exis- tence tient compte de nos intérêts spirituels, ou s’il les ignore. La tendance naturelle de l’homme Le Christ invite le jeune homme riche à le suivre 4 LES SIGNES DES TEMPS est de s’attacher aux biens matériels de ce monde, et de s’en occuper à l’exclusion de toute préoccupation spirituelle. Nous devrions maintenant nous apercevoir combien facilement s’écroulent toutes ces possessions temporelles, combien elles sont éphémères ! « Veux-tu poursuivre du regard ce qui va disparaître ? Car la richesse se fait des ailes, et comme l’aigle, elle prend le vol vers les cieux. » (Proverbes 23 : 5.) Par ailleurs, comprenons-nous que même en temps ordinaire, la mort nous guette à chaque pa< ? Combien plus maintenant que tant de nouveaux dangers nous environnent. Qu’avons-nous prévu à cet égard ? Nous avons peut-être pensé uniquement à notre bref séjour sur cette terre, nous efforçant d’en tirer le maximum au point de vue du bien-être matériel. L’Evangile nous dit alors : « Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme ? ou, que donnerait un homme en échange de son âme ? » (Matthieu 16 : 26.) Ces paroles désignent clairement ce qui doit occuper la première place dans notre vie. II s’agit avant tout du salut de notre âme. Nous avons la possibilité d’échanger des valeurs passagères contre des valeurs éternelles, mais si nous ne vivons que pour les choses de cette terre, nous finirons par tout perdre : les biens éphémères que nous avons cherché à amasser, et les biens éternels que nous avons ignorés ou méprisés. Soyons donc prévoyants et faisons le nécessaire au sujet du salut de notre âme. Ne renvoyons pas notre décision à l’heure de notre mort. Que savons-nous à cet égard ? Jeunes ou vieux, nous n’en savons rien de précis. S’il est possible, d’une part, que nous vivions encore longtemps, il se peut également que notre carrière terrestre doive bientôt prendre fin. Quoi qu’il en soit, ferons-nous moins en rapport avec les intérêts de notre âme que l’homme avisé qui, à l’avance, fait le nécessaire, par testament, pour la fidèle exécution, à sa mort, de sa volonté concernant ses biens terrestres ? Nous devrions, au contraire, prendre sans délai nos dispositions en vue d’assurer notre salut éternel. Oui, sans délai, et cela aujourd’hui même. Demain risque fort d’être trop tard. Ecoutons ce qu’en disent les saintes Ecritures : « A vous maintenant, qui dites : Aujourd’hui ou demain nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous trafiquerons, et nous gagnerons ! Vous qui ne savez pas ce qui arrivera demain, car, qu’est-ce que votre vie ? Vous êtes une vapeur qui paraît pour un peu de temps, et qui ensuite disparaît. » « L’homme né de la femme ! Sa vie est courte, sans cesse agitée. Il naît, il est coupé, comme une Heur ; il fuit et disparaît comme une ombre. » « Ne te vante pas du lendemain, car tu ne sais pas ce qu’un jour peut enfanter. » (Jacques 4 : 13, 14 ; Job 14 : 1, 2 ; Proverbes 27 : 1.) La pensée d’attendre à demain présente un autre danger, et c’est celui que les faits confirment constamment, à savoir, que plus on renvoie la décision d’accepter le salut, moins on a le désir de la prendre. Si nous n’avons pas envie de nous décider pour le Christ aujourd’hui, il y a neuf chances sur dix que nous en aurons encore moins envie demain. Il faut donc se décider aujourd’hui, et faire son choix entre la vie et la mort. C’est ce que Moïse propose au peuple dans ces paroles émouvantes qui sont parmi les dernières qu’il lui adressa : « J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre ; j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives. » (Deutéronome 30 : 19.) Oui, Dieu désire qu’aujourd’hui nous nous décidions pour lui. Demain, ce sera peut-être trop tard. C’est pourquoi, « aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ». (Hébreux 3 : 7, 8.) Il est indéniable que Dieu fait entendre sa voix aujourd’hui. Il nous parle par les événements actuels, les jugements qui fondent sur le monde, autant de conséquences de l’endurcissement dans le mal. Il nous parle dans sa Parole, nous y révélant sa volonté, et sa bonté qui nous appelle à la repentance. Sa voix se fait aussi entendre jour après jour, pleine d’amolir, dans la manière bienveillante dont il prend soin de nous. Qui peut rester indifférent en présence des nombreux bienfaits dont le Seigneur nous comble sans cesse, et dont le plus sublime est le don de Jésus-Christ son Fils, qui par son sacrifice sur la croix nous assure la vie éternelle ? Oh ! ne restons pas sourds à cet appel de la miséricorde divine ! « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. » « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut. » (2 Corinthiens 6 : 2.) Oui, maintenant. Ce que nous appelons hier ne nous appartient plus, et ce que nous exprimons par le terme demain ne nous appartient pas encore. Nous ne pouvons disposer ni du passé, ni de l’avenir. Il ne nous reste donc que le présent, l’instant qui passe. Puissions-nous en profiter pour nous approcher de Jésus. Si nous le faisons avec foi et confiance, nous obtiendrons le pardon et le salut. Mais si nous négligeons de prendre cette décision aujourd’hui, la renvoyant à demain, nous risquons fort de nous exposer à la perdition. Puissions-nous prendre à cœur les exemples suivants tirés de l’Evangile : « Comme il approchait de la ville [Jérusalem] Jésus, en la voyant, pleura sur elle, et dit : Si toi aussi, au moins en ce jour qui t’est donné, tu connaissais les choses qui appartiennent à ta paix Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux. 11 viendra sur toi des jours où tes ennemis l’environneront de tranchées, t’enfermeront, et te serreront (je toutes parts ; ils te détruiront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseronl pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as LES SIGNES DES TEMPS 5 pas connu le temps où tu as été visitée. » (Luc 19 : 41-44.) « Et il leur dit cette parabole : Les terres d’un homme riche avaient beaucoup rapporté. Et il raisonnait en lui-même, disant : Que ferai-je ? car je n’ai pas de place pour serrer ma récolte. Voici, dit-il, ce que je ferai : j’abattrai mes greniers, j’en bâtirai de plus grands, j’y amasserai toute ma récolte et tous mes biens ; et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois, et te réjouis. Mais Dieu lui dit : Insensé ! cette nuit-même ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as préparé, pour qui sera-t-il ? » (Luc 12 : 16-20.) Jérusalem avait eu son jour favorable. Il en fut de même de l’homme riche. N’ayant pas su le reconnaître, et Jérusalem et le jeune homme riche s’exposèrent à la perdition éternelle. Pour avoir agi ainsi, l’homme riche est appelé : Insensé. Gardons-nous de commettre la même faute. N’oublions pas que la mort frappera aussi à notre porte. Nous en ignorons le jour et l’heure. Ce sera peut-être bientôt. Il est donc de notre intérêt de nous préparer aujourd’hui. Dieu nous invite à aller à lui maintenant. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger.» (Matthieu 11 : 28-30.) Robert Gerber. Alfred Vaucher Bossuet et l’Apocalypse Bossuet En 1689 paraissait à Paris, avec privilège du roi, L’Apocalypse avec une explication, par Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux. Accompagnée d’une préface (pp. 3-96, numérotées à part), cette explication (pp.1-361) est suivie d’un abrégé (pp. 361-385), d’un avertissement aux protestants sur le prétendu accomplissement des prophéties (pp. 386-554), d’une récapitulation (pp. 554-630) et d’une table analytique des matières (22 pages non numérotées). L’ouvrage est dirigé contre les protestants, et surtout contre Pierre Jurieu. « Venger les outrages de la chaire de Saint-Pierre dont on veut faire le siège du royaume antichrétien » : tel est le dessein avoué de Bossuet (p. 71 de la préface). S’il est vrai que beaucoup de commentateurs protestants ont vu dans l’Apocalypse un arsenal anti-papal, il est également vrai que la plupart des catholiques ont été constamment dominés par la préoccupation de réfuter les interprétations protestantes : il y a eu de part et d’au-re, parfois, un défaut de sérénité et d’objectivité qu’on ne peut s’empêcher de regretter. Les exégètes protestants qui se faisaient de l’Apocalypse une arme contre Rome avaient adopté le système de l’histoire continue. Ils voyaient dans ce livre un tableau ou une série de tableaux retraçant les grandes lignes de l’histoire de l’Eglise et du monde depuis l’ascension du Christ jusqu’à son retour et au delà. Les symboles susceptibles d’un sens défavorable étaient presque invariablement rapportés à l’Eglise romaine et à son clergé. Quelques catholiques ont essayé de combattre les protestants sur leur propre terrain. Ainsi B. Holzhauser, dont VInterpretatio Apoca-lypsis, Bamberg, 1784, interrompue au chap. XV, verset 4, a été traduite en français et continuée par le chanoine De Wuilleret : Interprétation de VApocalypse, renfermant l’histoire des sept âges de l’Eglise catholique, Paris, 1856, 2 vol. Holzhauser voit l’Islam dans la quatrième monarche de Daniel, ce qui lui permet d’éluder l’application que les protestants faisaient à la papauté de certains symboles du livre de Daniel et de l’Apocalypse de Jean. Plus récemment, le même système a été suivi par l’abbé M.-J. Michel, Histoire du Bien et du Mal depuis J.-C. jusqu’à la fin des 6 LES SIGNES DES TEMPS temps d’après la Révélation de Saint Jean, Lyon 1867. Les prophéties qui avaient été exploitées contre le catholicisme sont appliquées aux schismes et aux hérésies qui ont aift la guerre à l’Eglise romaine. D’une manière générale, les explications qui se sont inspirées de ce principe n’ont pas été jugées très solides par les savants catholiques. Il fallait donc chercher autre chose. Quelques-uns ont pris le parti le plus prudent : ils se sont réfugiés dans l’avenir. Pour Bellarmin (1586), Ribera (1591), Viegas (1599), Pereyra (1606), Cornélius a Lapide (1625), Sylveira (1663), le livre de l’Apocalypse ne contient guère que des prophéties non encore accomplies. Bossuet n’est pas de cet avis. Il rappelle les déclarations de l’apôtre Jean sur la proximité de l’accomplissement de ses prédictions (Apoc. 1 : 1, 3 et 22 : 10) et conclut : « Je ne puis donc consentir au raisonnement de ceux qui en renvoient l’accomplissement à la fin des siècles, car les combats de l’Eglise, et ce qui allait arriver tant aux Juifs qu’aux Gentils en punition du mépris de l’Evangile ; la chute des idoles, et la conversion du monde, et enfin la destinée de Rome et de son empire, étaient de trop grands et tout ensemble de trop prochains objets pour être cachés au prophète de la nouvelle alliance : autrement, contre la coutume de tous les prophètes précédents, il eût été transporté au dernier temps, en passant par-dessus tant de merveilles qui allaient paraître, quoique l’Eglise naissante eût tant de besoin d’en être instruite » (pp.I4, 15 de la préface). Bossuet avait raison contre les futuristes : le prophète du Nouveau Testament ne pouvait avoir ignoré systématiquement l’histoire des premiers siècles de notre ère. Où il avait tort, c’est de vouloir enfermer toute l’Apocalypse dans le cadre trop étroit de ces premiers siècles, comme si le regard du prophète n’avait pu dépasser cet horizon limité. Il sentait lui-même, d’ailleurs, l’insuffisance de son propre système. Tout en s’efforçant de justifier le sens qu’il donne aux visions apocalyptiques, « il a exprimé le soupçon que la révélation de saint Jean ne s’appliquât à des temps postérieurs » (Amédée Nicolas, Conjectures sur les âges de l’Eglise et les derniers temps, 2me édit., p. 11). Ecoutons-le : « Qui ne sait que la fécondité infinie de l’Ecriture n’est pas toujours épuisée par un seul sens ? Ignore-t-on que Jésus-Christ et son Eglise sont prophétisés dans des endroits où il est clair que Salomon, qu’Ezéchias, que Cyrus, que Zoro-babel, que tant d’autres sont entendus à la lettre ? C’est une vérité qui n’est contestée, ni par les catholiques, ni par les protestants. Qui ne voit donc qu’il est très possible de trouver un sens très suivi et très littéral de l’Apocalypse parfaitement accompli dans le sac de Rome sous Alaric, sans préjudice de tout autre sens qu’on trouvera devoir s’accomplir à la fin des siècles ? » Ainsi s’exprimait Bossuet, dans sa préface (pp. 41, 42). Il ajoutait (p. 46) : « Au reste, je ne prétends point entrer ici dans le détail de ce sens futur : autant qu’il me paraît qu’il est possible, autant je le regarde comme impénétrable, du moins à mes faibles lumières. » A la suite de saint Augustin, Bossuet s’inscrit contre le chiliasme et fait partir les mille ans d’Apocalypse 20 de la passion du Sauveur. Mais il est loin d’être parfaitement convaincu de ce qu’il avance. Il a commencé l’explication du chapitre par ces mots qui trahissent un certain découragement : « Cette dernière vision est la plus obscure de toutes celles de saint Jean » (p. 316). « C’est là sans doute le sens véritable », dit-il un peu plus loin (p. 319), comme pour imposer silence à ses doutes, en parlant de l’interprétation traditionnelle du passage. Mais voici autre chose (p. 333) : « Pour ne laisser au pieux lecteur, autant qu’il sera possible, aucune difficulté sur ce chapitre, je l’avertirai encore que le règne de Jésus-Christ dont il y est parlé se prend en diverses manières dans ce divin livre : quelquefois en un sens moins étendu pour le temps du triomphe de l’Eglise après les persécutions de Rome, lorsque les royaumes de la terre sont soumis à Jésus-Christ par les empereurs chrétiens, 11 : 15, 12 : 10, et quelquefois absolument, lorsque Jésus-Christ ressuscité entre en sa gloire, où il règne avec ses saints, comme il est porté Apocalypse 2 : 26 ; 3 : 21 ; 7 : 15-17 ; 14 : 4, 5, et c’est manifestement, comme on a vu du règne pris en ce sens, que se doit entendre le chapitre 20 en y joignant, comme il a aussi été remarqué, la manifestation de la gloire de Jésus-Christ et de ses saints sur la terre, et la dernière consommation du règne de Dieu à la fin des siècles, lorsque tous ses ennemis seront à ses pieds, et tous ses élus recueillis. » En bref, selon une remarque du professeur Allô, L’Apocalypse, 2me édition., page CCXXXVIII, pour Bossuet « l’avenir seul fera bien comprendre ce que signifie le millénaire ». Comme l’a dit Corluy dans le Dictionnaire de la Bible, I, col. 752, « l’évêque de Meaux n’ose pas entreprendre de percer le voile qui couvre la prophétie du chapitre 20, dont les événements doivent s’accomplir dans le temps futur». Les hésitations de Bossuet touchant le chapitre 20 de l’Apocalypse pourraient bien être en effet de l’influence de Duguet. L’abbé Racine a mentionné une entrevue de Bossuet avec Duguet qui a laissé des traces dans le Discours sur l’Histoire Universelle : « On trouve dans l’admirable Discours dont nous parlons des vues très sublimes sur la réprobation des Juifs, la vocation des Gentils et le retour des premiers à la foi. M. Bossuet avait reçu ces vues si précieuses du célèbre M. Duguet, qui avait de si bonne heure médité le plan de l’économie des desseins de Dieu révélés dans les divines Ecritures. M. Bossuet qui de son côté réfléchissait sérieusement sur l’état où se trouvait l’Eglise, alla un jour rendre visite à M. Du- LES SIGNES DES TEMPS 7 guet, étant accompagné de M. l’abbé Fleury, depuis évêque de Fréjus, et cardinal ministre, qui regarda comme une grande faveur d’être témoin de la conversation qui fut entre ces deux génies si élevés. M. Bossuet témoigna son embarras à la vue des maux sans nombre et des scandales de tout genre dont l’Eglise était inondée. Tous deux suivirent cette longue chaîne d’iniquités qui se forme depuis tant de siècles. Ils jetèrent les yeux sur l’état de la religion dans les différentes parties du monde, et repassèrent les divers jugements que Dieu avait exercés sur son peuple. Quel remède donc, demandait M. Bossuet, quelle issue, quelle ressource ? Alors M. Duguet dit : Monseigneur, il nous faut un nouveau peuple. Et tout de suite il développa le plan des Ecritures conformément au chapitre 11 de l’épître de saint Paul aux Bomains. M. Bossuet fut ravi des ouvertures si importantes que lui donnait M. Duguet, et il en fit usage dans son Discours sur l’Histoire universelle, chapitre 20. » (Bacine, Abrégé de l’Histoire ecclésiastique, XII, Cologne, 1767, p. 377.)' Bacine n’indique pas la date à laquelle eut lieu l’entretien de Bossuet avec Duguet. Mais on lit dans Rondet, Dissertation sur le Retour des Juifs, I, Paris, 1778, p. 417, qu’il « donna lieu à ce prélat d’ajouter dans son Discours sur l’Hist. Universelle, deux ou trois lignes qui sont relatives à cet objet, et qui ne se trouvent pas dans la première édition ». Cette première édition est de 1681. Elle a été réimprimée en 1682. C’est dans la troisième (1700) que Bossuet a ajouté les mots visés par Rondet, et qui se retrouvent dans l’édition définitive (Œuvres de Bossuet, Versailles, 1818, t. 35). Voici le passage de Bossuet, au chapitre 20 de la seconde partie, sur la suite de la religion (les mots entre crochets sont ceux que Bossuet a insérés dans la troisième édition) : « Il (Paul) nous fait donc voir clairement qu’après la conversion des Gentils, le Sauveur que Sion avait méconnu, et que les enfants de Jacob avaient rejeté, se tournera vers eux, effacera leurs péchés, et leur rendra l’intelligence des prophéties qu’ils auront perdue durant un long temps, pour passer successivement et de main en main dans toute la postérité, et n’être plus oubliée [jusques à la fin du monde, et autant de temps qu’il plaira à Dieu le faire durer après ce merveilleux événement]. — Ainsi les Juifs reviendront un jour.... » Je ne prends pas à mon compte les espérances de Duguet et de Bossuet concernant le rétablissement futur d’Israël. J’ai seulement voulu montrer comment, sous l’influence de Duguet, Bossuet a été amené à placer un long intervalle entre le retour des Juifs et la consommation finale. Il y a là le germe d’un millénium futur. Si Duguet a exposé ses vues eschatolo-giques en présence de Bossuet avant 1689, année où parut le commentaire de Bossuet sur l’Apocalypse, on comprend mieux les scrupules du prélat à l’endroit de la théorie traditionnelle sur le règne millénaire. De la Chétardie (1692), Aubert de Versé (1703), Legros (dans son commentaire inédit, achevé en 1730) ont pris comme point de départ, dans l’explication de l’Apocalypse, le sens prété-riste revendiqué par Bossuet, mais y ont ajouté un sens eschatologique, plus important à leurs yeux. L’ouvrage de Bossuet sur l’Apocalypse, que le P. Allô juge inférieur à celui d’Alcazar (1618), l’inventeur du pretérisme, est incontestablement un chef-d’œuvre. Mais que peut le génie contre les faits ? L’erreur de Bossuet a été de vouloir à tout prix restreindre aux premiers siècles du christianisme les prédictions de l’Apocalypse, et cela afin de désarmer Jurieu et la propagande protestante. Alfred Vaucher. La vision des Sept Trompettes (Diagramme tiré de l’ouvrage de J. Vuilleumier, L’Apocalypse) 8 LES SIGNES DES TEMPS Henri Evard Le retour à la terre ^ETTE terre nourricière, à la u fois ingrate et généreuse, qui nous a enfantés et qui finalement nous recevra, nous la considérions comme bien méprisable à l’époque des abondantes facilités que nous venons de vivre. Et pourtant, maintenant que les temps ont changé, c’est vers elle que nous nous tournons. La ville nous présentait des attraits bien autreinent séduisants que ceux de la campagne. Notre vie ne se réglait plus sur le mouvement des astres ou sur la succession des saisons, mais sur le fonctionnement des machines, sur les horaires des trains, l’ouverture ou la fermeture des usines, des magasins ou des lieux de plaisir. Nous prétendions ignorer que l’homme fut placé à l’origine dans un jardin ; que les humains ne construisirent des villes qu’a-près la chute et que ces dernières devinrent rapidement des foyers de déchéance, d’immoralité et de souffrances. Nous nous imaginions qu’une vie aussi artificielle pouvait durer indéfiniment. Cha La Nature est une image de la grâce divine que jour n’apportait-il pas sa contribution au progrès total, au système fragile d’une civilisation à outrance ? Hélas ! les événements que vous savez sont venus dissiper brutalement ces illusions et nous mettre en face de la réalité : à savoir que l’homme ne peut s’affranchir de la tutelle de la nature ; que celle-ci a ses lois qu’on ne transgresse pas impunément ; que le retour à la terre est devenu une impérieuse nécessité pour beaucoup. Ce sont des faits qu’il faut accepter sans murmurer. Nous allons essayer d’en dégager quelques leçons. Il y a une cinquantaine d’années qu’un auteur célèbre par ses ouvrages de religion, de morale et de relèvement social, Madame E.-G. White, écrivait : Les parents se rassemblent avec leurs familles dans les villes parce qu’ils s’imaginent qu’il y est plus facile de gagner sa vie que dans la campagne. Les enfants n’ayant rien à faire en dehors de l’école, reçoivent l’éducation des rues. Par les mauvaises compagnies, ils prennent des habitudes vicieuses et de dissipation.... Au lieu des cités populeuses, cherchez quelque endroit retiré où vos enfants seront autant que possible protégés contre les tentations et là éduquez-les pour le service. Déjà ses jugements [de Dieu] sont sur le pays. De terribles tempêtes sèment la destruction, et la mort est sur leur sillage. Le feu dévorant réduit en ruines les forêts désolées et les villes populeuses. Des ouragans et des naufrages guettent ceux qui voyagent sur mer, des calamités et des accidents menacent ceux qui voyagent sur terre. Des tempêtes, des tremblements de terre, l’épée, la famine se succèdent rapidement. (Testimonies, vol. V, pp. 232, 234.) De telles déclarations sont vraiment prophétiques. Nous assistons à leur accomplissement tragique. Une guerre cruelle et féroce fait rage en bien des endroits. La famine nous menace. Nous vivons dans un état d’alarme continuel. Les grandes villes ont été et sont encore frappées de destruction presque totale. Ces lignes sont encore intéressantes parce qu’elles insistent sur l’influence funeste des villes sur la jeunesse ; elles indiquent le moyen de la protéger contre de tels maux : c’est le retour à la terre. Nous reviendrons sur cette pensée. * * * J’aime la terre. J’ai un petit jardin. Chaque jour j’y passe quelques moments. Tour à tour et suivant les besoins, je bêche, je sarcle, j’arrose, je taille, en un mot, je l’entretiens. J’aimerais que vous puissiez m’accompagner afin qu’ensemble nous éprouvions toute la gamme des émotions que de telles occupations font naître ; sentiments de foi au mo LES SIGNES DES TEMPS ment où la semence est jetée en terre, de joie quand elle lève, de crainte quand les intempéries menacent les tfaibles plantes, d’espérance à la perspective d’une récolte abondante, de tristesse quand l’hiver étend son froid suaire sur la terre. Penchez-vous sur cette variété infinie de plantes que la nature met à notre disposition ; suivez-les dans leur développement, ce sera pour vous une occasion exceptionnelle d’enrichir votre intelligence d’une foule de faits tout simplement merveilleux en pénétrant dans les secrets de la nature. Vous passerez d’une découverte à l’autre sans fatigue et sans ennui ; vous serez frappés par une multitude de détails que vous ignoriez et qui ont tous leur grandeur. Votre jardin deviendra un champ d’observation et d’expérience digne d’un grand laboratoire. Et l’histoire nous enseigne que de grandes découvertes ont été accomplies sans le secours d’appareils compliqués, par la simple observation mise au service d’un esprit de génie. De telles occupations nous donnent aussi des leçons de( morale. En voici un exemple : L’autre hiver, par une froide journée, j’ai arraché quelques poireaux. La bise soufflait sur mes doigts rougis, la neige qui recouvrait le sol glaçait mes pieds. Péniblement je donnai quelques coups de pioche pour arracher ces humbles légumes et, après les avoir secoués, je coupai maladroitement les racines. Je trouvais qu’il était bien pénible de se procurer quelques vulgaires poireaux, mais ils devenaient précieux à mes yeux ; leur valeur augmentait dans la proportion de la peine que j’avais eue pour les obtenir. Et puis, je pensais à tous ceux qui luttent, qui peinent, qui souffrent pour gagner dans des conditions plus dures encore une maigre subsistance et qui nous permettent, par leurs travaux souvent obscurs, d’avoir une vie plus facile. J’apprenais à apprécier par l’expérience fies mains calleuses, les visages ridés, les habits usés au travail, les efforts et le labeur d’autrui, tous ceux dont le travail n’est pas rémunéré en rapport avec l’effort demandé, qui endurent une existence que beaucoup méprisent et qui n’en sont pas moins d’honnêtes héros du labeur. Il suffirait que ce retour à la terre donnât à tous un tel enseignement pour que cette expérience douloureuse que nous traversons se justifiât. C’est dans cet esprit que Mme E.-G. White recommande le travail de la terre. S’il y avait des établissements agricoles et des manufactures en relation avec nos écoles et s’il se trouvait des maîtres compétents pour éduquer la jeunesse dans les différentes branches de l’activité, employant une portion de chaque jour à la culture de l’esprit et une autre au travail physique, il y aurait maintenant une classe supérieure de jeunes gens qui, au commencement de leur carrière, seraient capables d’avoir une influence dans la société. Il faudrait donner aux élèves une éducation pratique dans l’agriculture. Ceci sera d’une inestimable valeur pour leur activité future. C’est l’éducation obtenue en soignant les arbres et en cultivant le sol avec (Photo Luscher, Nyon.) celle qui provient d’études littéraires que notre jeunesse devrait chercher à obtenir. L’agricqlture donnera les ressources d’une vie indépendante. La culture du sol confère une bénédiction spéciale à celui qui s’y livre. Si dans nos écoles le sol était cultivé plus fidèlement et les bâtiments mieux entretenus par les élèves eux-mêmes, l’amour des sports et des amusements, qui donne tant de perplexité, disparaîtrait. Pour les jeunes filles, il y a plusieurs occupations qui devraient être organisées afin qu’elles obtiennent une éducation éclairée et pratique. On devrait leur enseigner la couture et les arts ménagers, des fleurs devraient être plantées ainsi que des fraisiers, de sorte que, tout en pratiquant un travail utile, elles auraient un exercice bienfaisant en plein air. (Counsels to Teachers, pp. 288, 311, 312.) Nous avons aussi pu remarquer que les jeunes gens et les jeunes filles habitués aux rudes travaux de la campagne ne sont nullement en retard sous le rapport de l’intelligence ; bien plus, ils possèdent des qualités de travail et de conscience professionnelle que beaucoup pourraient envier. Le labour LES SIGNES DES TEMPS 10 A cette valeur pédagogique, s’ajoutent des leçons spirituelles et religieuses. Dans ces leçons tirées de la nature, il y a une simplicité et une pureté de la plus haute importance. Chacun a besoin de l’enseignement provenant d’une telle source. En elle-même la beauté de la nature conduit l’âme loin du péché et des attractions mondaines vers la pureté, la paix et vers Dieu. Trop souvent l’esprit des élèves est occupé par les théories et les spéculations humaines, faussement appelées sciences et philosophie. Ils ont besoin d’être mis en contact avec la nature. Qu’ils apprennent que la création et le christianisme ont un Dieu. Qu’on leur enseigne l’harmonie entre le monde naturel et spirituel. Que tout ce que leurs yeux voient et leurs mains touchent, soit une leçon utile à la formation de leur caractère ; ainsi les énergies mentales seront fortifiées, le caractère développé et toute la vie ennoblie. Il est difficile d’énumérer toutes les leçons de discipline, de vie morale et spirituelle, que les plantes, petites et grandes, sont capables de nous enseigner. Le Christ instruisait ses disciples sur les bords du lac, sur le flanc des montagnes, dans les champs et dans les bois, où ils pouvaient observer les choses de la nature par lesquelles il illustrait ses enseignements. Ainsi, par la création nous apprenons à connaître le Créateur. (Conns. on Health, p.164.) * * * Le travail de la terre a aussi un autre grand avantage : celui d’assurer une meilleure santé. Il constitue un remarquable antidote de la fatigue intellectuelle et de la vie sédentaire, apanage de notre civilisation. Il y a une relation étroite entre le travail musculaire et l’effort intellectuel. Lorsqu’un équilibre convenable s’établit entre eux, il en résulte un état de santé excellent. Qui pourra dire les effets bienfaisants de la fatigue physique résultant d’un travail au grand air, des rayons de soleil irradiant l’épiderme, de la transpiration permettant une élimination plus rapide des déchets de l’organisme, d’un fonctionnement accéléré des organes du corps, d’une meilleure respiration, d’une circulation sanguine plus active ? Il s’agit dans bien des cas d’un véritable rajeunissement, d’une mise en réserve d’énergies pour les jours difficiles de la saison morte. On peut même y trouver un moyen de guérison. Voici ce qu’écrit Mme E.-G. White : La vie au grand air est souvent le seul remède nécessaire. Elle guérit merveilleusement les maladies qui résultent de la vie moderne, destructrice du corps, de l’esprit et de l’âme. Sous l’influence des grandes ressources médicales de la nature, aux propriétés vivifiantes et stimulantes, les fonctions du corps sont fortifiées, l’intelligence éveillée, l’imagination vivifiée et l’esprit préparé à apprécier la beauté de la Parole de Dieu. Dans ces conditions et en rapport avec un traitement convenable, et une nourriture saine, le malade recouvre la santé, le pas chancelant son élasticité, l’œil son éclat.... La nature est le médecin de Dieu. L’air pur, le joyeux rayon de soleil, la beauté des fleurs et des arbres, des vergers et des vignobles, l’exercice en plein air dans un tel milieu, communiquent la santé et sont un élixir de vie. La vie en plein air est le seul remède dont ont besoin bien des invalides. iSon influence est puissante pour guérir les maladies causées par la vie moderne qui affaiblit et détruit les forces physiques, mentales et spirituelles. (Rayons de Santé, pp. 162, 167.) * * * La vie à la campagne présente encore un aspect qui n’est point négligeable en ces temps de restrictions et d’économies. Elle assure un maximum de bien-être et de confort. Elle constitue un des moyens les plus efficaces pour lutter contre le paupérisme et la misère noire qui sont une plaie de la société actuelle et d’une civilisation désaxée. * * * Le retour à la terre ainsi compris apportera de riches bienfaits. Il répond à un besoin profond de l’homme. 11 est en harmonie avec les principes divins révélés dans les saintes Ecritures. Nous souhaitons à chacun de pouvoir en profiter. Cela exige sans doute pour beaucoup un changement complet de vie, une véritable révolution, mais les avantages qu’il comporte surpassent de beaucoup les inconvénients d’une telle adaptation. Henri Evard. Soyez bons Soyez bons et aimez ; il n’y a de vraie joie que dans les émotions du cœur ; la sensibilité est tout l’homme. Laissez aux savants la science, l’orgueil aux nobles, le luxe aux riches ; ayez compassion des humbles misères ; l’être le plus petit et le plus méprisé peut valoir seul autant que des milliers d’êtres puissants et superbes. Prenez garde de froisser les âmes délicates qui fleurissent dans toutes les conditions, sous tous les habits, à tous les âges. Croyez que l’humanité, la pitié, le pardon, sont ce qu’il y a de plus beau dans l’homme ; croyez que l’intimité, les épanchements, la tendresse, les larmes, sont ce qu’il y a de plus doux dans le monde. Ce n’est rien que de vivre ; c’est peu que d’être puissant, savant, illustre, ce n’est pas assez d’être utile. Celui-là seul a vécu et est homme qui a pleuré au souvenir d’un bienfait qu’il a rendu ou reçu. TAINE. Ne nous laisse pas succomber Un homme demanda, un jour, à un roi d’Orient de lui indiquer le moyen d’éviter la tentation. Le roi ordonna à son sujet de prendre un vase plein d’huile jusqu’au bord et de le porter à travers la ville sans en laisser tomber une goutte. — Si tu en perds une goutte, tu seras décapité, dit le roi. Deux soldats, l’épée nue et prêts à exécuter cet ordre sauvage, devaient suivre le condamné. Or, c’était jour de fête, les places étaient garnies de baraques foraines et les rues pleines de promeneurs. L’homme portait son vase d’huile — avec quelle attention ! — et pas une goutte ne tomba. —• Qu’y a-t-il en ville ? lui demanda le roi à son retour ; y as-tu vu quelqu’un ? — Non, sire, je n’ai rien vu, ni personne ; je regardais l’huile, je n’ai rien vu d’autre. — Voilà, dit le roi, le seul moyen d’éviter la tentation. Fixe Dieu avec la même attention que tu mettais à fixer l’huile, et certainement tu ne seras alors plus tenté. LES SIGNES DES TEMPS 11 Maurice Tièche Les bienfaits des restrictions T^OUS prions le lecteur de ne pas voir une gageure dans les lignes qui suivent. Nous n’ai-liions pas le parti pris et nous n’essayons pas de faire « bonne mine à mauvais jeu ». Nous avons simplement de bonnes raisons de penser que les événements qui nous obligent à modérer notre train de vie, et particulièrement à restreindre notre ration alimentaire, présentent, à côté d’inconvénients certains, de sérieux avantages. * * * D’abord, notre santé bénéficie largement des restrictions qui nous sont imposées. En temps ordinaire, la plupart des gens mangent trop, et surtout trop de substances contenant de l’albumine. L’excédent ne pouvant être assimilé donne lieu à des putréfactions qui encombrent l’organisme et diminuent sa vitalité. En limitant la quantité des aliments ingérés, on arrive peu à peu à éliminer de l’organisme les toxines qui s’y sont accumulées. Contrairement à ce que croient bien des personnes, la viande n’est pas indispensable au maintien de la santé. Elle a l’avantage d’être assez facilement assimilable et d’exciter l’appétit, mais elle contient malheureusement des poisons dont il faut que le corps se débarrasse ensuite. Il est possible de la remplacer avantageusement par les légumes secs, le pain complet, les fruits oléagineux, le lait, le fromage non fermenté, etc. La consommation du sucre est en général trop élevée. Le sucre naturel, tel qu’il se trouve dans les fruits, dans le miel, est excellent, mais celui qui sort des raffineries est un aliment qui ne peut s’assimiler qu’en s’associant à une certaine quantité de sels minéraux et en particulier aux sels de chaux. Le sucre est donc un déminéralisant et on a bien raison de dire aux enfants qui mangent trop de sucreries que leurs dents vont tomber. Pour la même raison, c’est un aliment redoutable pour les tuberculeux. Les prescriptions ministérielles qui réduisent considérablement notre ration de sucre nous rendent donc un service signalé. Jusqu’à présent on n’a pas trop souffert du manque de pain, mais depuis longtemps déjà la farine employée par les boulangers a cessé d’être blanche. Ceci est d’excellent augure. Nous revenons, grâce aux événements, au pain bis et même au pain noir de nos arrières grand-pères, c’est-à-dire que la farine utilisée contient une plus grande proportion du grain et particulièrement les parties voisines de son enveloppe extérieure, les plus riches en vitamines. C’est donc un bienfait que d’obliger les meuniers à bluter la farine à un taux passablement plus élevé que d’ordinaire. La santé publique s’en ressentira favorablement. Il y a, paraît-il, des quantités de gens qui se trouvent singulièrement privés parce qu’ils ne disposent pas de la quantité habituelle de café. Ce qui leur plaît dans cette boisson, ce n’est pas seulement son arôme particulier, mais c’est l’action stimulante de la caféine qu’elle contient. Or il s’agit là d’un poison dangereux puisque les cellules nerveuses qu’il atteint ne se rétablissent jamais complètement. De plus, le café est un poison de la volonté, car il donne l’impression de l’énergie, du courage, de l’équilibre nerveux, alors que ces qualités devraient être assurées par l’exercice de la volonté. Sous son influence celle-ci se relâche et contracte bien vite l’habitude de ne plus entrer en jeu. Dans un autre ordre d’idées, les restrictions qui portent sur l’essence d’automobile nous obligent à faire davantage de courses à pied et à bicyclette. Pour une génération qui avait à peu près perdu l’usage de ses jambes, c’est un bienfait incalculable. Ajoutons que la perspective de voir manquer certaines denrées nécessaires a poussé un grand nombre de personnés à trouver quelque part un jardin, petit ou grand, à cultiver. Ce retour à la terre, même partiel, est un bienfait inappréciable, comme le montre dans ce numéro mon collègue et ami, le professeur Henri Evard. Les restrictions ne profitent pas seulement à notre santé ; elles contribuent à la formation de notre caractère et plus particulièrement de notre sens pratique. Il faut s’ingénier, en effet, à remplacer ce qui manque et à économiser ce qui est rare. C’est à l’occasion des restrictions que l’on s’aperçoit à quel point on se laisse aller au gaspillage pendant les années d’abondance. Lorsqu’on se fend compte de la façon dont il est possible de se passer de bien des choses sans en souffrir réellement et cruellement, on voit que l’homme est un grand destructeur des biens que Dieu lui confie et que trop souvent il préfère les détruire au lieu d’en faire profiter son prochain. Ceci nous amène à signaler les bienfaits des restrictions dans le domaine des choses morales. Un des premiers résultats du manque de vivres ou de matières de première nécessité, est de nous rappeler que nous ne sommes pas seuls au monde. S’il faut nous restreindre, c’est évidemment pour que les autres disposent aussi d’un peu de ce qui leur est nécessaire. Nous avons ainsi la révélation des besoins d’autrui et, malgré nous, nous sommes obligés de penser à eux et de faire quelque chose pour eux. La disette actuelle nous amène parfois à nous demander jusqu’où ces restrictions devront aller. Nous connaissons personnellement bien des ménagères qui s’inquiètent du lendemain. Cette inquiétude est inutile. Il suffît, 12 LES SIGNES DES TEMPS par exemple, de relire avec attention le Sermon sur la Montagne, dans les chapitres 5 à 7 de l’Evangile selon Saint-Matthieu, pour se convaincre qu’il y a dans les cieux un Dieu infiniment bon qui prend soin de ses enfants et qui ne tolère pas que quoi que ce soit leur arrive contrairement à leurs intérêts spirituels. Si notre Créateur permet que nous passions par la souffrance, c’est qu’il veut nous enseigner quelque chose et nous aider à modifier notre caractère, notre genre de vie, nos pensées ou nos sentiments. C’est donc avec une confiance totale que nous devrions aborder les passages difficiles qui se présentent à nous, sachant que notre vie est précieuse aux yeux de Celui qui nous l’a donnée et qu’elle est entièrement entre ses mains. Enfin, grâce aux difficultés présentes, nous constatons un contraste flagrant entre .tous les espoirs et toutes les illusions dont l’humanité se berce depuis quelques dizaines d’années et la sombre réalité. Ceux qui ont cru que tout irait de mieux en mieux dans notre monde se sont lourdement trompés. Il semble bien que la machine ronde craque de toutes parts et que les surprises qu’elle nous réserve ne peuvent être que désagréables. C’est encore un avantage de voir les difficultés s’accroître devant nous. Si tout était agréable ici-bas, nous nous y plairions malgré les souffrances inévitables et la perspective de la mort. Aucune aspiration, aucun soupir de l’âme ne nous élèverait au-dessus des contingences matérielles de cette terre vers l’Espérance chère à tous ceux qui ont cru dans les promesses divines. Un jour viendra où le monde passera avec tout ce qu’il contient et fera place à un monde meilleur, à une vie nouvelle, à un ordre de choses parfaitement et définitivement restauré. Alors il n’y aura plus de restrictions, ni de larmes, ni de douleur et la mort même ne sera plus. Si les souffrances du temps présent n’avaient pour résultat utile et heureux que d’affermir notre santé et d’améliorer notre caractère, elles auraient déjà leur raison d’être. Mais elles sont chargées d’un ministère plus excellent encore : le Créateur les emploie à confirmer notre espé- Le royaume des cieux est aux violents Le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui le ravissent. (Matthieu 11 : 12.) A notre christianisme aimable et facile, notre texte jette son démenti. Vous pensez qu’il vous sera tou7 jours aisé de vous réfugier auprès de Dieu, quand vous aurez assez du monde, ou le monde assez de vous : pour que la porte s’ouvre, il vous suffira d’un geste et d’une prière. Mais l’Evangile répond : le Royaume , de Dieu est forcé. — Vous pensez qu’il sera temps, lorsque les années, brisant vos forces, vous éloigneront enfin des luttes de la vie, de consacrer les restes d’une énergie à son déclin à la conquête du Royaume des cieux. Mais l’Evangile répond qu’il n’appartiendra qu’aux violents. — Vous pensez, sur la foi d’un texte incomplètement compris, que le salut est gratuit et que, pour en saisir les richesses éblouissantes, comme dans les contes d’Orient, il suffira de tendre la main. Mais l’Evangile répond qu’il faut le ravir. Ce Royaume ne peut être que celui de l’obéissance à Dieu, de la justice, de l’amour désintéressé. La vie s’y développera dans son milieu normal, pur de tout égoïsme corrupteur. Sommes-nous sûrs d’y être admis, et surtout de nous y plaire sans bouleversement profond de notre nature actuelle ? Des Esquimaux demandaient à leur premier missionnaire s’il y aurait des chiens de mer (des phoques) dans son ciel. Sur sa réponse négative, ils répondirent qu’a-lors ce ciel n’était pas fait pour eux, car il est bien connu qu’un Esquimau ne pourrait pas vivre sans phoque... Nous avons tous nos « chiens de mer », nos habitudes, nos biens terrestres, notre manière de vivre, sans lesquels le Royaume de Dieu ne nous tente pas davantage. « Y aura-t-il de l’or ? », demande l’avare. « Non ! », lui répond le Maître. Alors, qu’irait-il y faire ? « Pourrai-je m’y traiter magnifiquement; dit le riche jouisseur, tandis que Lazarè, à ma porte, me fera, par contraste, mieux apprécier mon bonheur ? » « Non ! », lui répond l’Evangile. Alors, comment s’y plairait-il ? « Y garderons-nous nos privilèges ? », demandent les favoris de la destinée. « Non », répète le rance et à nous faire appeler par nos vœux, nos prières et nos travaux l’avènement du Seigneur Jésus et l’établissement sur la terre de son Royaume de justice, de paix et d’amour. Christ. Alors, ils s’en détournent avec colère. Ne plus se livrer à son péché ; chercher en vain sur cette terre calme et pure les émotions malsaines, les joies égoïstes qui ont en elles la saveur du fruit défendu ; ne plus s’élever au dépens d’autrui ; n’être plus pour soi-même le centre du monde... Ah ! combien une vie si nouvelle, à laquelle il faut des cœurs nouveaux, choquerait nos chères habitudes ! Pour aimer le royaume des cieux, le vouloir, le conquérir, il faut se faire violence, ou, comme disait saint Paul, crucifier en nous le vieil homme pour que ses mains demeurent impuissantes, et ses pieds immobiles, et pour que ses révoltes contre la loi divine s’exhalent loin de nous, avec son âme de péché. Ne se faisaient-elles pas violence, ces femmes de la Tour de Constance qui n’auraient eu qu’à aller à la messe pour être rendues à leur famille, et « résistaient » dans leur obscur cachot ? Chaque fois que retentit l’appel de Dieu cherchant des cœurs capables de s’oublier eux-mêmes pour se consacrer à autrui, comment obéir sans triompher de soi ? Tout progrès dans la vie chrétienne est une victoire sur soi-même, si dure parfois et si chèrement acquise qu’elle justifie la rudesse de l’avertissement de l’apôtre à ses lecteurs : « Vous n’avez pas encore résisté au péché jusqu’au sang ! » Tant qu’une Eglise mène sa vie tranquille à l’ombre de ses sanctuaires, fuyant les luttes où elle perdrait sa paix intérieure et sa sérénité, elle n’a rien à redouter de la haine du monde : elle n’y apporte aucun principe révolutionnaire, aucun sel, aucune lumière révélatrice ; pour tout dire, elle fait encore partie du monde. Quand la barque est au repos, elle se balance, tranquille, sur la vague assouplie. Mais dès que le matelot hisse sa voile, aussitôt le mât gémit, les cordes se tendent, la charpente grince, et le flot s’entr’ouvre, en bouillonnant. Mais c’est la violence du vent qui ramène la barque au port. Paul Gounelle. (Le Christianisme au XXe siècle.) LES SIGNES DES TEMPS 13 Tante Hermine à Jean J’AI eu l’immense regret de vous voir partir, quitter ma maison, où vous avez tous deux fait une courte halte, avant d’aller chez vous prendre contact avec la vie. Mon Jean, j’ai surpris malgré moi, ton regard. Nos yeux se croisèrent au moment où tu allais monter en voiture, et ton regard plein de détresse répondit au mien. Un souci trop humain de dignité m’a empêchée de vous retenir encore auprès de moi, et cependant tu ne pouvais porter tout seul le poids de tant de malheur. Tu ne pouvais te retrancher dans cette solitude oppressante, peut-être dangereuse, te murer dans cette souffrance. N’y a-t-il personne au monde, me dis-je, à qui ta jeunesse veuille se confier et ton cœur s’ouvrir ? Je te laisse deviner avec quelle angoisse j’attendais ta lettre. Et maintenant que la missive attendue se trouve entre mes mains, comment vais-je trouver le chemin de ton cœur pour l’apaiser, et panser sa blessure béante, autrement grave que celle que tu as rapportée de là-bas où tu te battais en défendant pied à pied, ta terre, ton ciel. . « Rien ne peut vous donner l’idée de l’horreur qui nous attendait ici, me dis-tu. Autour de nous, c’est pire qu’un désert. La maison est debout, la porte entr’ouverte, rien de changé en apparence, sinon ce silence insoutenable, pas une voix humaine, pas un cri de bête. Nous hésitions à pénétrer dans notre demeure. Il fallait cependant rompre ce mauvais charme. Dès l’entrée, le désastre. Les meubles brisés, les armoires enfoncées à coups de hache, éventrées, les livres, MES LIVRES ! souillés, les pages arrachées par poignée, éparses parmi les débris, des débris innommables. » Dévaster avec obstination, avec haine ce bien d’autrui, du prochain ; des hommes semblables à moi, des frères, ont causé exprès ce dommage irréparable. Des hommes, des frères ont détruit ce que plusieurs générations ont élaboré avec tant d’amour et de peine, pourquoi, pourquoi ?... » Quels germes homicides, quel instinct barbare réveillés soudain ont débordé la raison ? » Il est des limites que l’on ne peut dépasser impunément. Il me semble que la terre cède sous mes pas. Ce qui arrive est autrement grave. Je considérais comme un privilège d’appartenir à cette jeunesse consciente de son droit et de sa liberté. Qu’en a-t-on fait ? Je suis dépossédé de tout respect, de tout ce que cette vie a de noble. Un écœurement, une colère grondent en moi et m’épouvantent. » Je sais ce que vous allez me répondre : nous ne sommes que des voyageurs sur cette terre. Je ne peux pas. Je ne peux pas vivre cette vie négative, il me faut m’attacher, croire que d’autres que moi aiment et luttent pour les mêmes idéaux. I(1 me faut espérer pour entreprendre, réussir, persévérer. Est-ce donc insensé que d’aimer sa terre, son ciel, sa compagne, sa maison ? Quelle offense y a-t-il de bâtir son bonheur, d’user le mieux possible des ressources de la vie que Dieu nous a donnée ? J’ai vingt-six ans, je ne puis vivre sans admirer, sans élargir constamment autour de moi, ce cercle d’enthousiasme, sans quoi il n’y a que dégoût et morne ennui. » Nous allons, Annette et moi, passer ici peu de temps, juste ce qu’il faut pour liquider, réaliser ce qui nous reste, et nous nous en irons ailleurs, loin, n’importe où sans nous fixer nulle part, errants, déracinés, mais volontairement étrangers à toutes choses ; après ce qui vient de se passer, rien ne coûte plus. » — Ne t’en va pas, mon Jean. Garde-toi de prendre une semblable décision en ce moment où tu éprouves ce vide angoissant. Un vent de folie a soufflé sur la flamme de ta vie, mais elle subsiste. Ton cri d’angoisse en est la meilleure preuve. Tu étais fier de ton droit, conscient de ta liberté, mais ton devoir était-il aussi clair et défini en ton esprit ? Certes, il n’y a pas d’offense à bâtir son bonheur, à aimer sa terre et son ciel. Vivre c’est faire une œuvre qui dure. Vivre c’est employer toutes nos forces, et nous avons des forces divines. Et même le premier devoir est de s’attacher ; le détachement vient après. Souviens-toi quand tu étais petit : le moindre joujou faisait ton bonheur, il ne fallait pas s’aviser de te le prendre. Tu le laissais cependant tomber dès qu’un autre trésor venait solliciter ton regard. Aujourd’hui, mon ami, ton besoin d’avenir est légitime. Le monde physique te paraît inépuisable, le monde moral ne l’est pas moins. Certes, on peut toujours connaître mieux, agir mieux, surtout aimer mieux. Oui, nous sommes voyageurs sur la terre puisque le départ approche avec chaque heure qui passe. Mais, si tu dois t’arrêter, ne fut-ce qu’un jour, là où tu dresseras ta tente il te faut fleurir, prospérer. « Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le avec ta force selon ton pouvoir », car rien de ce qui est bien ne sera perdu. Ta vie ne sera pas négative, si tu convertis ton présent en avenir, et crois-le, cet avenir existe. Te souviens-tu, il y a de cela quinze ans, nous étions sur cette belle plage de Bretagne où nous bâtissions chaque jour un impressionnant château-fort qui disparaissait le lendemain sous les flots sans laisser de traces. Un matin, rebuté devant ce désastre renouvelé, *tu ne voulais plus recommencer. Tu allais de l’un à l’autre, détaché en apparence de ce plaisir, et puis, n’y tenant plus, tu m’as embauchée à nouveau comme ton aide-maçon. Mais toutes les bonnes places étaient prises. Il nous fallait nous rapprocher de la mer. A chaque instant, la vague prenait d’assaut les remparts que nous dressions devant elle. Notre travail devint acharné, nous luttions de vitesse avec les flots. Trempés, mouillés, nous creusions nos fossés attentifs au moindre répit, nous dressions nos tours crénelées. Il n’y a eu jamais auparavant de pareille lutte entre toi et la mer. Quand ce fut fini, quand flotta enfin sur le bastion le plus élevé notre fanion avec notre devise, tu m’as dit, les yeux brillants de plaisir : Ça, c’est la bonne vie, nous recommencerons demain... Recommencer demain avec acharnement à rebâtir la maison écroulée, quiconque a goûté à la victoire de ses efforts n’attendra pas longtemps sa récompense. Comment peux-tu songer à t’en aller, à abandonner cette tâche que Dieu t’a réservée ! Serais-tu donc capable d’une pareille défection, j’ai peine à le croire. Consens de vivre une vie extraordinaire, car jamais plus pressant besoin ne se fit sentir d’un redressement que seul ta jeunesse peut accomplir. Pourquoi douter que d’autres, semblables à toi, revenus de leur stupeur devant un pareil désastre ne comprendraient leurs erreurs ? Te croire seul à porter ce deuil, croire que loin, ailleurs, le fardeau en sera moins lourd, quelle présomption ! Ne sais-tu pas que le temps est venu de la grande détresse ? Le monde entier plongé dans la confusion souffre et gémit. Errant, déraciné, tu trouveras partout où tu iras la même (Lire la fin à la page 15.) 14 LES SIGNES DES TEMPS Caïn : sa femme et sa postérité On lit dans la Bible que lorsque Caïn eut tué son frère Abel il s'éloigna de devant Dieu et habita dans le pays de Nod, à l’orient d’E-den. Puis on parle de sa postérité. Comment Caïn put-il se marier puisqu’il était le fils du premier homme et de la première femme ? Où donc trouva-t-il sa femme ? — D. B. Remarquons d’abord que la Bible n’a pas été écrite pour satisfaire notre curiosité, même légitime. Elle donne certains détails, en ignore d’autres suivant le but qu’elle se propose d’atteindre. La Bible mentionne spécialement Caïn et Abel, puis Seth, en ignorant et le nombre et les noms de leurs frères et leurs sœurs. Pourtant, Adam, qui vécut 930 ans, eut d’autres fils que Caïn, Abel et Seth, et il eut aussi des filles (Genèse 5 : 3, 4). Après la mort d’Abel et la malédiction de Caïn, Seth fut considéré comme le premier-né et, dans ce sens, remplaça Abel. C’est parmi ses sœurs ou, éventuellement parmi ses nièces (filles de Seth ou d’autres frères également mariés à des sœurs) que Caïn trouva sa femme. Il ne pouvait en être autrement. « Le mariage entre frères et sœurs, dit la Bible annotée, s’imposait aux origines de l’humanité et n’avait pas encore les inconvénients qu’il ne pouvait manquer d’avoir à une époque plus avancée ; car la force vitale départie à l’humanité existait chez le premier homme, et jusqu’à un certain point encore chez ses enfants, dans toute sa plénitude. Mais une fois qu’elle se fut répartie dans un grand nombre de branches, elle dut tendre dans chaque union à se reconstituer par le rapprochement des éléments opposés. » Ce n’est que beaucoup plus tard, à l’époque de Moïse, que Dieu interdira les mariages entre membres d’une même famille (Lévitique 18), au moment où de telles unions en raison des nouvelles conditions d’existence introduites par le déluge, et aggravées par les excès de tous genres commis par l’homme, pouvaient entraîner de funestes conséquences pour les enfants. D’ailleurs, la terre était peuplée, et la nécessité de telles unions ne se faisaient plus sentir. La postérité de Caïn se distingua par sa méchanceté et son insolence, les femmes reçurent le nom de « filles des hommes », par opposition à celle de Seth, plus soumise aux ordres de Dieu, dont les hommes furent appelés « fils de Dieu » (Genèse 6 : 1, 2). Seules la désobéissance et la malignité de Caïn, et non son mariage avec sa sœur, sont à l’origine de la perversité de sa descendance. La langue de Jésus Pouvez-vous me dire quelle langue Jésus parlait ? — A. C. On sait que Pilate fit placer sur la croix de Jésus l’inscription suivante : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs » en hébreu, en grec et en latin (Jean 19 : 20). Ce fait permet de conclure que ces trois langues étaient comprises et parlées en Palestine. Les Juifs comprenaient rarement les trois à la fois et les Romains ignoraient généralement la langue des Juifs. « Le latin, écrit Edmond Stapter (La Palestine au temps de Jésus-Christ, 1892, p. 133), était la langue .des Romains en garnison ou en séjour, celle des publicains, des soldats, des receveurs d’impôts. Elle était méprisée. Les Juifs ne la parlaient jamais et l’intelligence du latin, même au temps de la guerre juive, n’était rien moins que générale en Palestine. » Jésus ne parlait ni ne comprenait le latin. Le grec était aussi exécré que le latin, mais, malgré eux, les Juifs en apprenaient un certain nombre de mots, et « il est possible que cette langue fut plus répandue qu’on ne se le figure généralement.... » (Stapfer, p. 136.) Jésus parlait-il le grec ? C’est peu probable. Certains auteurs soutiennent le contraire, en alléguant Marc 7 : 24-30 et Jean 7 : 35 et 12 : 20. Ces passages ne sont pas probants. 11 est possible, toutefois, que Jésus comprît le grec, du moins en partie. La langue parlée par le peuple n’était pas l’hébreu, que seuls les scribes et les docteurs de la loi comprenaient encore, et qu’on considérait comme la langue sainte, celle des savants. « On lisait la Loi en hébreu dans les synagogues, puis on la traduisait immédiatement de vive voix. Dans les écoles, les Rabbins enseignaient en hébreu et, sous les portiques, dans la première cour du Temple, ils discutaient encore dans cette langue. Il est probable que Jésus s’en servait dans ses conversations avec les Pharisiens.... » (Stapfer, p. 133). Le peuple parlait l’araméen (ou syriaque, ou chaldéen ; les trois appellations sont synonymes). Cette langue « existait au temps de Jacob et, à cette époque reculée, était déjà distincte de l’hébreu. On la parlait dans tout le nord de la Syrie et en Mésopotamie.... La différence de l’hébreu et du chaldéen était assez grande pour que le peuple ne comprît plus la Loi si on ne la lui traduisait. » (Stapfer, pp. 134, 135.) L’inscription sur la croix était en araméen (chaldéen) plutôt qu’en hébreu. La langue maternelle de Jésus, celle qu’il parlait chaque jour depuis son enfance et dont il se servait dans ses discours était l’araméen. Il avait certainement une connaissance parfaite de l’hébreu, ' lisait l’Ancien Testament dans cette langue et s’en servait dans ses entretiens avec les Docteurs, mais il s’exprimait de préférence en araméen. La demeure de Dieu Le psaume 97 (verset 2) dit que les nuages et l’obscurité environnent le trône de Dieu, tandis que saint Paul déclare (1 Timothée 6 : 16) que le Seigneur des seigneurs habite une lumière inaccessible. N’y a-t-il pas là une contradiction ? — J. E. « Dieu est lumière » dit l’apôtre Jean (1 Jean 1 : 5). « Il s’enveloppe de lumière »4 dit le Psalmiste (Psaume 104 : 2). Mais l’homme qui est pécheur, ne peut supporter cette éblouissante lumière : elle lui est inaccessible, elle lui est cachée par les nuages et les ténèbres (voir Deutéronome 5 : 22 et 1 Rois 8 : 10-12), car nul ne peut voir la face de Dieu et vivre (Exode 33 : 20). Le Christ lui-même, à son retour, viendra sur les nuées du ciel (Matthieu 24 : 30 ; voir aussi Psaume 18 : 10). Lorsque Dieu sera « tout en tous», les méchants auront disparu, et les justes verront Dieu « face à face » (1 Corinthiens 13 : 12), ils le verront « tel qu’il est » (1 Jean 3 : 2). Ils vivront dans la lumière, le péché ayant été extirpé pour toujours de la terre, où tout sera nouveau. 11 n’y a donc pas contradiction. C. G. LES SIGNES DES TEMPS 15 Table des matières 1940 N° Page Actualités et questions sociales Le véritable progrès .............. 1 2 Regards sur notre époque .......... 1 3 Savez-vous ? ...................... 2 2 A l’œuvre, le monde chancelle . . 2 6 Faire un monde nouveau ............ 2 8 Le croyant devant les catastrophes 3 2 A temps nouveaux, hommes nouveaux ............................. 3 3 Pâques — Résurrection ............. 4 2 Dieu règne ........................ 4 3 D’où viennent les guerres ? ....... 5 2 Comment faire des hommes nouveaux ? 5 3 Le livre qu’il faut lire aujourd’hui 5 8 Dieu nécessaire à l’homme........ 6 2 Le royaume qui vient .............. 6 3 Où allons-nous ? .................. 6 8 L’obéissance ..................... 10 2 Conditions d’entrée .............. 10 3 Le sens du drame actuel .......... 10 5 Le Seigneur vient .................. 10 10 Sauve-nous, nous périssons .... 11 8 Nos angoisses — nos espoirs 12 2 C’est maintenant le jour du salut 12 3 Le retour à la terre ............... 12 8 Les bienfaits des restrictions . . 12 11 Le royaume des cieux est aux violents ........................... 12 12 Apologétique, chrétienne prophétie et doctrine L’Apocalypse interprétée par les Jansénistes .......................... 1 Le chemin du salut.................. 1 La Bible et la Science ............. 1 Entretiens bibliques XIV ........... 1 Savez-vous ? ....................... 2 Repentez-vous ...................... 2 Paroles de vie ..................... 2 Entretiens bibliques XV ............ 2 La confession biblique ............. 3 L’Ancien Testament au point de vue littéraire ......................... 3 Dieu règne ......................... 4 Entretiens bibliques XVI ......... 4 Pardon et justification ............ 4 Pourquoi Dieu permet-il la souf- france ? ............................. 4 Les fruits de la justification .... 5 Le royaume qui vient .............. 6 Entretiens bibliques XVII ......... 6 Le surnaturel prophétique .... 10 Christophe Colomb et les pro- phéties ............................ 10 Les 1290 et 1335 jours-années 10 La tribulation de dix jours .... 10 Entretiens bibliques XVIII ....... 10 Peut-on ajouter foi à la Bible 11 Pourquoi Satan ne fut-il pas détruit ............................ 11 Bossuet et l’Apocalypse .......... 12 7 8 15 15 2 3 12 15 7 15 3 4 7 8 7 10 3 15 6 7 14 14 15 5 Biographies Le Père Didon ................. Alphonse Daudet ............... 3 8 5 12 Coin des Questions Chute de la Turquie ................. 1 14 Péril jaune ......................... 1 14 La peine de mort et la Bible . . 2 14 Baptême par immersion ........ 2 14 A propos de la confession .... 3 14 Ce que tu lieras .................... 4 14 Nul n’est monté au ciel ........ 5 14 Le Saint-Esprit est-il une personne ? .......................... 5 14 Le Saint-Suaire .................. 6 14 Arche de Noé .................. 6 14 Avènement et mort de Saül . . 6 14 La loi morale ................ 10 14 Les 1290 et 1335 jours-années .. 10 14 La tribulation de 10 jours ...... 10 14 Le baptême pour les morts .... 11 14 Caïn : sa femme et sa postérité 12 14 La langue de Jésus ............ 12 14 La demeure de Dieu ............ 12 14 N° Page Edification, anecdotes, missions Méditation ...................... Aux âmes mystiques Savez-vous ? .......... A l’œuvre, le monde chancelle . . Les adieux de Washington .... Comment se servir de la Bible Par un soir d’hiver ............. De l’intercession ............... L’obscurité est en nous ......... Le gaspillage ................... Paroles de vie .................. Chantez un cantique nouveau . . Dans l’épreuve .................. Pâques-Résurrection ............. La familiarité .................. Derrière une porte .............. Viatique de la vie journalière . . Le livre qu’il faut lire aujourd’hui Jésus Hominum Salvator .......... Dieu nécessaire à l’homme .... L’œuvre d’une Bible ............. L’obéissance .................... Comment se servir de la Bible . . La Cité de refuge ............... Le Seigneur vient ............... Que faire des doutes ............ Un concert peu banal ............ Vie livrée ...................... Premièrement le royaume de Dieu La foi, ses incertitudes ........ Peut-on ajouter foi à la Bible ? Vous qui pleurez ................ Sauve-nous, nous périssons .... Le problème de la souffrance . . Les revers de fortune ........... Soyez bons ...................... Ne nous laisse pas succomber . . 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 3 4 4 4 4 6 6 2 6 7 10 11 11 12 12 12 15 15 2 4 11 5 6 6 10 10 10 10 10 10 10 11 11 11 11 11 11 11 12 12 8 15 2 6 2 5 8 10 11 12 15 2 3 5 7 8 10 15 10 10 En lisant mon journal Mésaventure d’un tube de radium 1 5 Marconi et la science ............ 1 5 Une gare musicale ................ 1 5 Jugez-en vous-même ............... 1 5 La consommation du tabac en Hollande .......................... 1 5 Méditation ....................... 1 6 Un peu de bonheur ................ 2 5 Posssession du monde ............. 2 5 A propos d’une encyclique .... 2 5 Supputations sur le déluge .......... 3 5 Le meilleur monument ................ 3 5 Si quelqu’un veut ................... 3 5 Pas mal non plus .................... 4 5 Enfants prodiges .................... 4 5 Par terre et par mer ................ 4 5 Ce qu’elle coûte .................... 4 6 La guerre et le Dieu de paix . . 4 6 Où les femmes sont-elles en minorité ? ............................. 4 6 Une armée abstinente ................ 4 6 La plus petite Bible du monde . . 5 5 Un refuge et une forteresse . . 5 6 Eglise des lampes allumées . . 5 6 C’est beau le progrès ............ 6 5 Une bonne loi renforcée .......... 6 5 Apologie pour notre temps ........ 6 5 Le Mouvement de la foi germa- Le devoir de la jeunesse ......... 10 5 Comment se servir de la Bible . . 10 5 Le sens du drame actuel .......... 10 5 Hygiène et tempérance^ éducation Une armée abstinente ............... 5 5 Une leçon de printemps ............. 5 11 Le devoir de la jeunesse .......... 10 5 Histoire religieuse Comparaison des chrétiens des premiers temps avec ceux d’aujourd’hui ........................ 6 7 Les Juifs et nous ................ 6 11 La page de la famille La sentinelle du pont de la Loire 1 13 Le délicieux rouleau ................. 2 13 Vingt-cinq ans après ................. 3 13 _T N° Page Un personnage aux longues oreilles 4 13 Le secret ........................ 5 13 Tante Hermine à Annette .......... 6 13 Je suis très fâchée ............. 10 13 Voici des diamants, des rubis... 11 13 Tante Hermine à Jean ............ 12 13 Poésie Sur le seuil ....................... 1 2 Prier, aimer, souffrir ............. 2 2 Pâques va revenir .................. 3 2 Aurore et crépuscule ............... 6 2 Nostalgie ......................... 10 2 Parlant aux bêtes ................. 10 12 Aimons-nous ....................... 11 2 Fin d’année ....................... 12 2 Tante Hermine à Jean (Suite de a page 13.) misère, tu porteras en toi ce mal inguérissable d’avoir abandonné ta mère-patrie. Tu te crois dépossédé de tout respect, parce que quelques-uns ont failli, dépossédés de tout ce que la vie a de noble, parce qu’il y en a qui ont perdu la raison. Ah oui ! l’écœurement, la colère. Garde-toi bien de te laisser aller à ces égarements. Eloigne de toi des sentiments stériles qui produisent le doute et sèment la haine. Ne t’érige pas en justicier. Punir, faire expier, quelle mince satisfaction. Ce qui est détruit est irréparable. Tu sais que le justicier existe, c’est notre Dieu, ne crains pas que Dieu pardonne aux dépens de sa justice, c’est impossible. Déjà sa colère terrible gronde, et comme un cyclone éclatera contre les coupables et ils n’échapperont point. Bien sûr, Annette te suivra, car là où tu es, se trouve aussi son bonheur, mais comment oses-tu donc seul disposer de sa vie ? Es-tu certain de remplacer par ta seule présence ses autres affections, ses joies, ses attaches profondément enracinées en son cœur ? La rendre heureuse, c’est ton devoir, comme le sien est de te rendre ton amour, ne crains-tu pas de la décevoir ? Ne la fais pas vivre à regret, tu n’en as pas le droit. Ne nous quitte pas, mon Jean, ne prends pas cette décision sans être certain que c’est la volonté de Dieu. Abandonne entre ses mains miséricordieuses le repos de ton esprit et la paix de ton cœur dans la certitude de son amour et de sa puissance, afin qu’il soit ton protecteur et ton guide. Mais pour cela, il te faut autre chose qu’une religion de sentiment qui doute de Dieu quand viennent les épreuves. Reste avec nous, nous avons besoin de toi. Ensemble nous tâcherons de comprendre la dure leçon et de faire que notre vie s’y conforme. Rassure-toi, mon enfant, cette ombre qui obscurcit ton horizon, ce n’est pas la nuit, c’est une éclipse. Patiente, prépare-toi à reprendre ta tâche courageusement. Unissons nos efforts, unissons nos prières, demandons, non plus chacun pour soi mais chacun pour tous notre patrimoine dissipé et n’oublie pas que le mot d’ordre est SERVIR, AIMER. Je t’embrasse tendrement Tante Hermine. 16 LES SIGNES DES TEMPS Les autorités médicales affirment que seul l’acide prussique est un poison plus violent que la nicotine. A Budapest, c’est contraire à la loi qu’un marchand discute avec le client du prix des articles ou . denrées qu’il vend. Au cours d’un seul examen, on a compté jusqu’à trente millions de microbes sur les bras et les mains d’une personne normale. Avec une altitude moyenne de 1800 mètres, le continent antarctique est le plus haut du monde ; c’est aussi le plus froid. On le considère comme la glacière naturelle la plus importante. Un médecin américain a déclaré récemment qu’un homme est fait de ce qu’il pense. C’est pourquoi les éducateurs doivent songer avant tout à élever les pensées des individus avant d’essayer de provoquer des réformes sociales. Nous vivons aujourd’hui dans un monde aussi sombre que celui au milieu duquel Jésus est venu il y a 2.000 ans. Les péchés individuels et collectifs sont les mêmes aujourd’hui qu’alors et menacent de destruction tout ce qui nous est cher. Au milieu de la sombre période dans laquelle nous sommes entrés, seuls les chrétiens peuvent répandre un peu de lumière. En Australie, sur le fleuve Murray, long de près de 1600 km. quelques anciens bateaux fluviaux rappellent les jours où ces flottilles étaient le seul moyen de transport sur les cours d’eau australiens. Une immense caisse peu profonde, effilée à une extrémité, compose la quille de ces embarcations. Les cabines de pont et la chambre des machines sont perchées au sommet de deux énormes tambours. Ces bateaux ne possèdent ni grues à vapeur, ni ancres, ni barques de sauvetage. Ces bâtiments étranges sont le fruit de l’expérience : les anciens nautonniers savent qu’ils sont ainsi mieux aptes à éviter les bancs de sable, les troncs d’arbres à la dérive et les branches qui s’inclinent au-dessus du fleuve, barrant la route. Quand on hèle le petit navire, il s’arrête, embarque passagers et marchandises, et dépose des provisions dans les huttes des pê-■x cheurs. Jaroslavski, le chef de la Ligue des Sans-Dieu, déclare qu’il y a malgré tout en Russie 30 millions de chrétiens, dont 400.000 à Moscou seulement. 11 paraît que les femmes sont désolées car elles manquent du nécessaire pour vernir leurs ongles. Les produits employés sont en effet à base de fulmi-coton et celui-ci s’est singulièrement raréfié depuis un an. Cependant, comme il faut absolument satisfaire ce qu’il est convenu d’appeler la mode, on s’est mis à la recherche de substances de remplacement. On en a trouvé déjà pour le rouge à lèvres qui, lui aussi, devient rare, étant à base de beurre de cacao ou de blanc de baleine. On a recours maintenant à la cire d’abeille et à l’huile de ricin. La ressemblance frappante qui existe entre certains jumeaux ne se borne pas à une similitude des traits. On remarque que les vrais jumeaux — car deux enfants nés en même temps ne sont pas nécessairement de vrais jumeaux — ont des périodes de santé et de maladie semblables. On connaît le cas de certains jumeaux qui, se trouvant séparés depuis très longtemps et vivant à des milliers de kilomètres, l’un de l’autre, ont contracté en même temps la même maladie. On a observé non seulement des cas de cancer, mais aussi de certaines maladies microbiennes bien connues. Cela prouve que le microbe n’est pas l’agent causal de la maladie, mais que celle-ci provient avant tout d’un certain état de l’organisme dont le microbe profite. Un savant américain a pu retrouver certaines indications météorologiques relatives à des temps révolus depuis plusieurs centaines et même plusieurs milliers d’années en étudiant avec soin les cercles concentriques du bois d’un séquoia. Ces cercles sont inégaux en largeur, suivant les conditions météorologiques qui ont prévalu pendant les années auxquelles ils correspondent. Ce savant a donc pu établir la succession des années sèches et pluvieuses, etc. Son étude l’a amené à déterminer à quelques années près la date de construction de certains bâtiments anciens rien que par l’examen des poutres de bois utilisées, les cercles représentant l’aspect météorologique des années qui ont précédé la construction. Où la science humaine s’arrêtera-t-elle ? Le mot « calculer » tire son origine d’une ancienne coutume romaine. Les Romains, pour s’aider à compter, se servaient de petits cailloux appelés en latin « calculi », et c’est de ce nom que dérive le terme actuel. La durée normale de la vie d’un homme est de 50 à 80 ans, mais la longévité varie d’un pays à l’autre. Selon l’annuaire statistique de la Société des Nations, un homme à des chances de vivre plus longtemps en Australie et en Nouvelle-Zélande que partout ailleurs sur terre. Dans ces deux pays, un homme peut atteindre en moyenne l’âge de 65 ans, une femme celui de 68. Puis viennent, semble-t-il, les Etats-Unis d’Amérique, où la longévité est de près de 64 ans pour les femmes et de 61 pour les hommes. Le pays le moins privilégié à cet égard est l’Inde, où les hommes ne dépassent pas l’âge de 27 ans. SOMMAIRE DE DECEMBRE 1940 Nos angoisses, nos espoirs ........— 2 Fin d’année ............. 2 C’est maintenant le jour du salut 3 Bossuet et l’Apocalypse ............. 5 Le retour à la terre ...... 8 Soyez bons ............ 1® Ne nous laisse pas succomber ....... 10 Les bienfaits des restrictions ..... 11 Le royaume des cieux est aux violents 12 Tante Hermine à Jean ......*........ 13 Coin des questions ................ 14 Table des matières 1940 ........... 15 Ondes courtes ...................... 1® LES SIGNES DES TEMPS Revue mensuelle fondée en 1876 DAMMARIE-LES-LYS (S.-et-M.) Prix de l’abonnement : 1 an 6 mois France et colonies 18 fr. 10 fr. Suisse (arg. suisse) 3 fr. 50 2 fr. Belgique (arg. belge) 18 fr. 10 fr. Etranger (arg. franç.) 20 fr. 11 fr. 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