LES SIGNES DES TEMPS Vers les cimes ANNEE qui vient de s’écouler nous permet de faire cette double constatation : la génération actuelle, comme bailleurs toutes celles qui l’ont précédée, est assoiffée de bonheur, d’idéal, d’harmonie, de connaissance, de paix, de félicité et d’infini ; mais elle travaille souvent à l’encontre même de ses intérêts les plus élevés, poussée qu’elle est à satisfaire ses désirs, ses ambitions, son orgueil ; et il se trouve que dans sa course effrénée vers l’abondance, vers le progrès matériel, vers le triomphe de la force, elle récolte la régression spirituelle, la misère matérielle, la violence païenne, l’affaiblissement du droit. Notre époque paraît engagée dans de multiples contradictions, et les forces du mal semblent vouloir l’emporter sur celles du bien, du moins pour l’instant. Nous savons, il est vrai, que le bien aura le dernier mot, mais ce sera dans un monde restauré, purifié, à la suite d’une catastrophe universelle sans précédent. On perdrait son temps à présenter aux nations, aux races ou plus simplement aux collectivités un idéal, un programme de « redressement », suivant le mot à la mode. Les programmes foisonnent, les plans s’ébauchent à la douzaine. Ce n’est pas à la société qu’il faut s’adresser, mais à l’homme, à Tindividu pris en lui-même, pour lui-même, l’individu qui n’apparaît raisonnable que lorsqu'il est seul, loin des ambiances collectives où le,s responsabilités personnelles s’estompent, où la peur du qu’en dira-t-on et le snobisme poussent aux pires excès. Isolé de la société, l’être humain se voit face à lui-même, tel qu’il est, avec ses aspirations infinies, avec ses faiblesses tragiques, avec sa douloureuse nostalgie d’un état heureux, d’un paradis perdu et qu’il voudrait retrouver. Aussi souffre-t-il d’être seul, et se perd-il si volontiers dans l’anonymat de la foule, au prix même de sa dignité. Il craint les tristes révélations de l’introspection par lesquelles il se découvrira égoïste, orgueilleux, méchant, ignorant, et se verra sous son aspect le plus défavorable : un «monstre incompréhensible », comme dit Pascal. C’est que l’homme est un être sans cesse Nouvelle année Le temps vient de tourner la page, Un feuillet blanc s’offre à nos yeux Il faut l’emplir avec courage, De notre mieux. Chaque acte est une lettre, un signe Que nous traçons ou bien ou mal, Et chaque jour est une ligne De ce journal. C’est le livre où chacun résume Ce qu’il pense, énonce, accomplit, Et l’ensemble forme un volume Que Dieu seul lit. Il faut qu’au terme du voyage, Quand l’épilogue va finir, Nous puissions relire l’ouvrage Sans en rougir. A. Faure. déchiré ; une sorte de « chaos », qui vit avec une quantité de contraires ; un conglomérat de sentiments, de pensées, de décisions, d’habitudes qui s’opposent ; un tourbillon d’influences et d’oscillations ; un cyclone ; une tempête... Aussi a-t-il besoin de recueillement, d’isolement, de méditation pour se rendre conscient de son état, de ses besoins immenses, et pour prendre les décisions qui s’imposent, c’est-à-dire pour renouer avec Dieu, son Père, les relations interrompues, et mettre fin à sa condition de pauvre orphelin. Il doit s’élever « vers les cimes ». Il doit quitter les miasmes de la vallée, de la ville, où l’atmosphère est empestée par les conflits d’intérêts, les jalousies, les envies, les incompréhensions, les égoïsmes de toutes sortes, et se mettre délibérément sur un plan supérieur, où l’air est pur, les horizons vastes, le panorama splendide, et Dieu plus près, tout près. Cette ascension doit nécessairement être précédée de recueillement. Il faut de toute nécessité interrompre le contact entre nous et le monde, fermer les oreilles aux bruits de la terre et aux remous de nos passions, pour n’entendre que Dieu. Comme l’enfant prodigue, nous devons rentrer en nous-mêmes afin de trouver le çhemin de retour vers les cimes, vers la maison paternelle. Mais il faudra veiller à ne sacrifier ni à la distraction, ni à la mystique, et tendre de toutes nos forces vers Dieu. « Par l’immobilité de nos attitudes, par l’apaisement de nos pensées, par un silence qui ne saurait être assez silencieux, nous regarderons dans le mystère, le miroir dans lequel Dieu consent à faire resplendir un reflet de sa gloire, un rayon de sa présence, une image atténuée de sa splendeur. » (L.-F. Jaccard.) Vers les cimes ! Excelsior ! Toujours plus haut ! Que ce soit l’idéal de chacun de nous pour l’année qui s’ouvre ! Elevons-nous au-dessus des misérables contingences de ce monde, loin des étroitesses et des calomnies, loin des laideurs et des vulgarités, pour unir nos cœurs et nos volontés dans le renoncement à nous-mêmes et l’amour pour Dieu et pour notre prochain. Henri Berger. L LES SIGNES DES TEMPS 3 Charles Gerber La foi et la raison yU cours de deux articles précédents, nous avons cherché à donner de la foi une définition. Nous avons montré qu’elle était un composé de trois éléments ; un élément intellectuel, la croyance, qui relève de l’intelligence ; un élément sentimental, la confiance, qui relève du cœur ; un élément volitif, l’obéissance, qui relève de la volonté. Pour croire, avons-nous dit, il faut connaître un certain nombre de choses. Cette connaissance fournit un fondement à la confiance. Connaissance et confiance grandissent simultanément au bénéfice l’une de l’autre, et font jaillir le troisième élément, qui est l’obéissance, point terminal de la foi. La foi totale, implicite, devient de ce fait une vue et une œuvre. Une vue, c’est-à-dire un œil intérieur percevant l’existence et la valeur de l’invisible, s’emparant en quelque sorte des réalités spirituelles éternelles pour les rendre tangibles, présentes, actuelles et permanentes. Une œuvre, c’es: à-dire un acte de volonté par la puissance du Saint-Esprit, une manifestation de la vie de Jésus dans la nôtre. Or, la question qui se pose est celle-ci : Y a-t-il opposition ou, au contraire, similitude étroite entre la foi ainsi comprise et la raison ; entre la foi et la science ? On sait tout le rôle que dans la civilisation moderne on fait jouer à la raison. On l’exalte au-delà de toute idée. Ses conclusions sont considérées comme définitives alors que l’on sait très bien que la raison n’explique pas tout. Il conviendrait de se garder de deux extrêmes contraires : celui de glorifier la raison en voyant en elle la source de toute certitude, et celui de la mépriser en la jugeant inutile voire néfaste et dangereuse. Il existe un juste milieu qui tient compte du fait que la raison vient de Dieu mais qu’elle a Jésus, l’ami des enfants. ses limites. Bien employée, la raison peut même devenir un auxiliaire de la foi, un instrument qui mène à la foi, car il n’y a pas incompatibilité entre une religion divine et les données de la raison. La notion de Dieu ne contredit pas la raison, ce qui ne veut pas dire que la raison aboutisse nécessairement à cette notion. Livrée à elle-même, la raison, essentiellement débile et chancelante, peut mener à des absurdités. La clairvoyance humaine est un mythe. Accepter comme critère de la vérité une raison sujette à caution équivaut à s’exposer à être la proie de l’incertitude et de l’erreur. Toutefois, la raison, dès l’instant où elle est satisfaite des preuves de l’existence de Dieu et de sa Révélation, peut conduire à la foi, et, abdiquant ses droits, s’y soumettre de bonne grâce. « Si le christianisme est appuyé sur des faits, non sur des romans, sur des faits qui résistent à toute épreuve, qui présentent tous lés caractères dé la certitude, la raison n’a qu’à choisir entre ces deux partis : ou se condamner elle-même ou se soumettre à la foi. » (Chanoine J.-B. Giordano.) Pascal a dit : « La foi est un don de Dieu, ne croyez pas que (Toile de Korberstein.) (Photo Braun <(■ Ciej 4 LES SIGNES DES TEMPS « Malgré tous les espoirs que sembleraient autoriser les merveilles enfantées par elle, la Science, hélas ! se verra probablement toujours interdite l’entrée de certains domaines mystérieux, où la raison n’a pas accès. » (Ch. Lallemand, de l’Académie des Sciences.) « La science admet que les méthodes dont elle use, méthodes rationnelles, ne lui donnent qu’une connaissance limitée, transitoire... » (Daniel-Rops, Le monde sans àme, pp. 193, 194.) « La science est obligée d’avouer non seulement qu’elle ne connaît pas la première raison des choses, mais qu’elle n’entrevoit même aucun moyen de la connaître. » (Gustave Lebon.) Quand on oppose la science à la foi, c’est qu’on fait de la science une doctrine rigide au lieu de la considérer comme une méthode et rien de plus. Faire de la science un ensemble de lois universelles et absolues réunies sous les vocables de monisme et de matérialisme est une erreur aussi grosse de conséquences que celle qui consisterait à prendre la lune pour le soleil. La science n’a rien à voir avec une doctrine matérialiste négatrice de Dieu, pas plus qu’elle ne s’occupe de la religion proprement dite. La science et la foi ont des domaines distincts. Ce sont deux activités différentes, séparées, comme a dit Emile Boutroux, par des « cloisons étanches », et se développant sans se heurter. Il est donc vain d’opposer la science, et la foi, et de chercher un antagonisme entre l’esprit scientifique et l’esprit religieux. « La foi n’est pas la science : elle sont deux domaines, non pas contradictoires, mais distincts. » (Jean Cruvellier, La Bible, p. 50.) « Le Dieu de la Révélation est le même que celui de la Nature. La science ne tue pas la foi, et la foi tue encore moins la science. » (Le chimiste Dumas.) « Opposer la science à la religion, c’est être victime bénévole d’une illusion. La science constate beaucoup de choses. Elle n’en explique aucune. Elle montre la liaison des phénomènes, en- nous disions qu’elle est un don du raisonnement. » Il a aussi soutenu l’idée que les choses de Dieu « entrent du cœur dans l’esprit, et non pas de l’esprit dans le cœur ». Cependant, nul homme n’arrive à la foi sans le concours momentané sinon permanent de la raison. N’est-ce pas elle qui vient au secours du cœur, qui permet de distinguer le Créateur et la Création, qui, pesant les témoignages et examinant les titres de la doctrine révélée, admet leur véracité et se soumet alors à la foi ? Mais la foi acceptée, la raison a terminé son rôle. La foi entre en jeu et, sans avoir à se légitimer devant la raison, suit son propre chemin. Thomas d’Aquin (S. Théol., 2 a 2 æ, q. 2, a. 9) a dit : « La foi est un assentiment donné par l’intelligence à la vérité divine sous l’empire de la volonté mise en branle par la grâce de Dieu. » Il s’ensuit que l’intelligence et la volonté laissées à leurs propres forces ne peuvent accéder à la foi qui est une vertu surnaturelle. La foi, c’est croire sans voir, et obéir sans comprendre. Les deux extrêmes qui se constatent dans l’attitude des hommes à l’égard de la raison peuvent aussi être enregistrés en ce qui concerne la science. D’aucuns la glorifient — cette tendance s’est surtout manifestée au xix siècle et au commencement du xxr, une réaction se dessine à l’heure actuelle — d’autres la méprisent. Il vaut peut-être mieux se tenir à égale distance de l’une et de l’autre de ces deux tendances et reconnaître à la fois les bienfaits et les méfaits de la science. La science constate les faits, les analyse, en étudie les lois, montre les rapports existant entre eux, mais se déclare incapable d’en discerner généralement les causes mystérieuses et cachées. Certains domaines lui demeurent inaccessibles. « Quelque loin que la science pousse ses conquêtes, son domaine sera toujours limité ; c’est tout le long de ses frontières que flotte le mystère, et plus ses frontières sont éloignées, plus elles sont étendues. » (Henri Poincaré, dans son discours de réception à l’Académie Française, en 1909.) registre leurs lois, appose, sur ces lois, des étiquettes générales. Elle ne dit le pourquoi de rien... » (Th. Mainage, La religion spirite, pp. 123, 124.) Camille Matignon, professeur de chimie minérale au Collège de France, s’est écrié un jour : « Au cours de ma carrière, je n’ai jamais senti poindre le moindre conflit entre la science et mes sentiments religieux ; bien plus, je ne puis même concevoir la possibilité d’un tel antagonisme, car la science et les religions onl des domaines bien distincts qui m’apparaissent comme séparés par des cloisons étanches. » Donc, le savant qui raisonne et qui expérimente ne doit pas empiéter sur l’homme sensible qui croit et qui prie. Pourtant, le besoin logique qui pousse l’être humain vers la science, et le besoin psychologique qui le porte vers la foi, peuvent cohabiter chez le même individu sans se heurter, sans entrer en opposition. Comme l’a dit le grand Branly : « La science est un effort vers la Création, la religion est un effort vers le Créateur. » Tout est là. Or, bien que distincts l’un de l’autre, on ne sache pas qu’il y ait antagonisme entre le Créateur et la Création. Au contraire. Le malheur a voulu que la science, détournée de son véritable objet qui est l’étude des faits et de leurs rapports réciproques, devînt souvent synonyme d’agnosticisme, de panthéisme et même d’athéisme. Restituée à son vrai caractère, elle n’a rien d’athée, ni de panthéiste, ni même d’agnostique dans le sens nihiliste de ce mot. On peut même concevoir la science comme préparant le chemin à la foi, et, par l’étude des phénomènes visibles, accessibles, constatables, dont quelques-uns sont tout simplement merveilleux, ouvrant sur l’invisible d’admirables perspectives. Ainsi se vérifie le mot de Bacon : « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène. » « Les choses cachées sont à l’Eternel, notre Dieu ; les choses révélées sont à nous, et à nos enfants... » (Deutéronome 29 : 29.) LES SIGNES DES1' TEMPS 5 Ch lisant mon, ournal La danse en Grande Bretagne Les Anglais sont connus pour être de grands danseurs. Ils consacrent annuellement à la danse une somme qui peut être évaluée à 90 millions de livres. Quarante personnes sur cent se rendent une fois au moins par semaine dans un dancing. Dix-huit millions d’Anglais dépensent donc chaque hiver en moyenne 5 livres sterling (.pas beaucoup moins de 1000 francs français) pour danser, sans compter les frais de voyage, les cigarettes, etc. Le professeur de danse qui s’est livré à ce calcul, explique encore que les frais de « consommations » varient suivant le genre de danses à la mode. Il déclare que les nouvelles danses, en particulier le « Lambeth Walk » sont de nature à augmenter encore la consommation de vin, bière et whisky durant la saison. Il faudrait un nouveau John Wesley pour tirer la Grande-Bretagne d’une situation morale qui s’avère chaque année plus mauvaise, et lui rendre, avec la foi, les nobles principes de l’Evangile qui la sauvèrent une fois déjà au xvnf siècle. D’ailleurs, le goût effréné de la danse, du jazz et des chansons grivoises, à musicalité douteuse, n’est pas strictement anglais. Il gagne tous les pays, et même les milieux chrétiens qui le préfèrent peu à peu à la lecture de la Bible. Signe des temps ! Un jardin de la paix A la Plata, dans la République Argentine, a été créé le premier « jardin de la paix ». L’ingénieur Albert-V. Oitaven, à qui revient l’honneur du projet et de son exécution, a voulu en faire un symbole de la concorde universelle, en demandant à tous les pays du monde d’y être représentés par leurs « fleurs nationales ». Plus de cinquante gouvernements ont déjà répondu à cette invitation, la France a envoyé des bleuets, des marguerites et des coquelicots — aux couleurs de son drapeau ; l’Angleterre, des roses blanches et rouges ; les Etats-Unis, des roses sylvestres ; l’Espagne, des œillets ; le Japon, des chrysanthèmes. L’idée s’est propagée en dehors de l’Argentine, et il paraît que d’autres « jardins de la paix » seront, dès maintenant, en voie de réalisation ou projetés à Rio-de-Janeiro, à Caracas, à Bogota et, en Europe, à Genève, à Liverpool, voire à Brême, sur l’initiative, il est vrai, du consul argentin de cette ville. Cette information, tirée du Petit Dauphinois serait de nature à réjouir les hommes de bonne volonté, si la création de tels jardins pouvait exercer une action quelconque sur la psychologie des responsables — car il y en a — de la situation actuelle. Grain de sable dans le désert, goutte d’eau dans l’océan, un jardin de la paix est une idée généreuse entre mille, mais parfaitement inutile tant que l’homme reste un loup pour l’homme, et qu’il n’arrive pas à tendre une main fraternelle à son prochain, à quelque race ou nationalité que ce dernier appartienne. Les ruines de l’Abbaye royale du Lys, à Dainmarie-les-Lys, (S.-&-M,). fondée (n 1248 par Blanche de Castille, elle fut brûlée de fond en comble sous la Révolution. Une juste récompense On sait que le prix Nobel de la paix pour 1938 a été attribué à l’Of-fice international Nansen pour les réfugiés à Genève. Placé sous l’autorité de la Société des Nations, l’Office Nansen a pris, en 1930, la succession du haut commissariat pour les réfugiés, dirigé par le docteur Nansen, l’illustre explorateur, initiateur de toute l’œuvre en faveur des réfugiés. Le rôle de l’Office international Nansen a consisté, en dehors de toute préoccupation d’ordre politique, à aider et à assister les réfugiés de nombreuses origines : Arméniens, Russes, Sar-rois, Turcs, Assyro-Chaldéens, etc. Il a favorisé, dans toute la mesure du possible leur installation dans les pays de refuge européens, ou d’outre-mer ; il a secouru les vieillards, les femmes, les enfants, les invalides de guerre, les chômeurs, et en géné ral toutes les organisations humanitaires s’occupant de l’assistance publique aux réfugiés. Dans le domaine juridique, maintenu sous l’autorité du secrétariat général de la Société des Nations, il a facilité, par ses représentants à l’étranger, l’application aux réfugiés des accords internationaux relatifs à leur statut juridique et destinés à leur permettre d’accomplir les actes courants de la vie civile. L’Office international Nansen, qui vient de disparaître (31 décembre) sera remplacé par un haut commissariat pour les réfugiés, dont le s'ège sera à Londres. Le prix Nobel de la paix ne pouvait être mieux attribué. Dans un monde généralement régi par des principes de haine et d’égoïsme, il est réconfortant de trouver des organisations qui se consacrent au bien-être des malheureux, et l’on ne fera jamais assez pour les encourager et les soutenir. LES SIGNES DES TEMPS Abomination de la désolation Certains mots ne représentent pour nous que des sons jusqu’au jour où nous nous trouvons devant quelque spectacle qui les illustre violem» ment. Ainsi, comme tout le monde, j’avais entendu bien des fois cette expression : « L’abomination de la désolation. » Elle n’avait pour moi qu’un sens abstrait. Mais un jour de juin, en 1921, je visitai Ypres. Et je vis, je compris, je sentis « l’abomination de la désolation ». Quand il m’arrive maintenant d’entendre ce terme, je revois ces fragments de murs angoissés, sortant raides et informes des monceaux de ruines et semblables à des fragments de squelettes. J’ai vu, au Japon, les restes d’une ville après un incendie ; j’ai vu, sur les côtes de la Floride, ravagées par un cyclone, les arbres et lés maisons hachés ensemble comme du bois d’allumettes^ A l’un et l’autre endroit, c’était la destruction. Mais c’est à Ypres seulement que j’ai contemplé la désolation véritable, littérale et complète. Au nord de la Grand’Place d’Ypres s’élevait, avant la guerre, la fameuse Halle au Drap. Déjà, au xni" siècle, toute la région s’occupait de la fabrication et de la vente du drap, elle était devenue un des points les plus riches du globe. Et les fastueux marchands de drap firent construire, pour abriter les réunions de leur corporation, l’édifice gothique le plus merveilleux des Pays-Bas, un des joyaux architecturaux de l’Europe. Je n’en ai vu que des monceaux de pierres à silhouette déchiquetée. J’ai parcouru, cette même année, ce qui avait été d’autres villes sur ce qui fut pendant quatre ans « le front ». Il n’y restait en aucun endroit pierre sur pierre. Tant d’intelligence, de travail et de peine dépensés pendant des siècles par des centaines de milliers d’hommes pour aboutir à ça ! Les villes mortes, ai-je dit, étaient la plus parfaite image de « l’abomination de la désolation ». Non, il y a pire encore. c’est une forêt morte. Telle est la forêt couvrant les flancs de ces collines qui portaient le Chemin des Dames. Un bois serré, où l’on n’apercevait pas, au mois de juin, la moindre trace de verdure. Dans une luttç continuelle, les animaux s’entretuent... Mais l’homme, lui, tue le travail des siècles et tue même la nature. C’est Franck Crâne qui s’exprime ainsi dans Le Dimanche illustré. La nature n’a pas eu encore le temps de guérir ses plaies et relever ses ruines que déjà l’on entrevoit pour un avenir plus ou moins rapproché, les horreurs d’un carnage plus terrible que le précédent, à la préparation duquel les nations travaillent fiévreusement. La Résurrection des Villes Mortes, par Marcel Brion, 2 vol. (308 et 344 pages, 1937, 1938) aux Editions Payot, Paris. Le premier volume est consacré à la Mésopotamie, la Syrie, la Palestine, l’Egypte, la Perse, la Crète, Chypre et aux Hittites. Le second s’intéresse à la Chine, l’Inde, l’Asie centrale, l’Indochine, l’Afrique du Sud, l’Amérique du Nord, le Mexique, le Pérou et aux Mayas. L’auteur annonce que l’ouvrage « a été écrit pour ceux qui, désirant connaître les méthodes et les résultats de l’archéologie moderne, ne se contentent pas cependant d’un aride exposé technique ». Il déclare qu’il s’est appliqué, « en général, à suivre l’actualité d’aussi près qu’il est possible, de manière à présenter au lecteur le dernier état des recherches archéologiques, et les conclusions définitives auxquelles aboutit l’examen des villes mortes ». D’un prodigieux intérêt, l’ouvrage résume l’essentiel de ce qu’il faut savoir des fouilles archéologiques qui se sont opérées et s’opèrent encore à travers le monde. L’auteur n’a pu entrer dans beaucoup de détails, — ce qui laisse à penser que la critique n’y trouve pas son compte ef que certaines conclusions sont un peu osées ou, plus simplement, prématurées, — mais, s’adressant au grand public, il décrit ce qu’il faut savoir et ne charge pas inutilement4 la mémoire. Si tous les chapitres sont intéressants, celui consacré aux Hittites présente pour nous, défenseurs de l’inspiration divine de la Bible, un intérêt particulier. L’Ancien Testament fait allusion à ce peuple alors que l’histoire profane l’ignorait complètement, ce qui permettait aux rationalistes de ridiculiser les pages bibliques qui en faisaient mention. L’archéologie a révélé l’existence des Hittites et corroboré le récit de l’Ancien Testament. D’ailleurs il n’est pas d’année où des découvertes archéologiques ne viennent confirmer avec éclat quelque fait important ou quelque détail signalé voilà des milliers d’années par la Bible. Le second tome, quoique captivant, nous paraît d’un intérêt moins direct que le premier. C. G. Crois-tu cela ? par Jean de Saussure, 214 pages, aux Editions Labor à Genève, et Je Sers à Paris. Il s’agit d’une série de « quinze exposés de textes bibliques auxquels se réfère le symbole des Apôtres ». L’auteur signale dès la première page que « les fidèles du monde entier s’inquiètent aiujourd’hui des altérations que l’on fait subir au christianisme, depuis quelques années, dans un grand pays voisin du nôtre ». Et il ajoute aussitôt : « Et de fait, comment pourrait-on ne pas s’inquiéter, quand on voit tant retrancher de la Révélation divine et tant y ajouter, retrancher la majeure partie de la Bible par le rejet de l’An-cien Testament, et ajouter, par contre, à l’Ecriture ces nouveaux chapitres que dictent la voix du sol, la voix du sang, la voix de la race et de la nation. » Et plus loin : « Une fois admise la liberté de trier dans la Révélation biblique pour n’en conserver que ce qui convient à notre humaine raison, à notre conscience morale, à nos préférences sentimentales, ou encore à l’esprit moderne, pourquoi ne pas aller jusqu’à rejeter des parties entières de rÊcriture ? » C’est donc en se plaçant sur le solide terrain de la Bible qu’il explique le symbole des Apôtres qui, l’auteur le rappelle, « est en tous points conforme à l’Ecriture ». Nous ferons remarquer tout de suite que nous ne pouvons pas croire que l’expression : « Il est descendu aux Enfers », et le commentaire que donne l’auteur de ces paroles ainsi que des passages de 1 Pierre 3 : 19 et 4 : 6 soient strictement conformes à l’Ecriture sainte. A part cette réserve, et quelques autres de moindre importance, l’ouvrage est excellent et bienfaisant. Il met Dieu et l’homfrie à leurs places respectives. Il était bon que cette vérité fût rappelée en un temps où la création prena si laciiement la place du Créateur. Les pages consacrées à l’œuvre de Jésus, à sa crucifixion notamment, sont profondes et belles. Le sujet s’y prête, il est vrai, mais encore fallait-il donner à la figure du Christ le cadre qui lui convenait. Enfin, la tâche de l’Eglise est de s’en tenir à l’Evangile, et de confesser sa foi. C. G. LES SIGNES DES TEMPS J.-C. Guenin La formation des Evangiles Après avoir exposé très brièvement dans deux précédents articles, comment la Bible a été faite, nous reviendrons aujourd’hui sur la composition des Evangiles. De tous les Livres qui forment la Bible, ne sont-ils pas les plus importants ? Il n’est donc pas inutile, ni superflu d’y revenir. Une connaissance un peu détaillée de la formation des Evangiles ne peut que contribuer à nous faire apprécier davantage ces Livres qui contiennent la Bonne Nouvelle du Salut, et à faire aimer davantage celui qui en est l’auteur. L’apparition de Jésus dans le monde a été racontée par quatre narrations différentes, à peu près contemporaines. Ces quatre récits se ressemblent beaucoup par certains côtés, mais différent aussi par d’autres. La première grande différence qu’on constate, c’est celle qui existe entre les trois premiers évangiles, qu’on désigne généralement sous le nom de synoptiques, et le quatrième, celui de Jean. Quoi qu’il en soit du problème des différences et des ressemblances de nos quatre Evangiles, une lecture attentive et impartiale fait saisir immédiatement le caractère divin, non seulement des faits racontés, mais aussi de la manière dont ils sont racontés. Et c’est ici aussi le lieu de rappeler le mot de Rousseau : « Ce n’est pas ainsi qu’on invente», qui peut s’appliquer au fond comme à la forme des récits évangéliques. Evangile selon Matthieu On possède sur l’origine de cet évangile des témoignages très anciens qui assurent que l’apôtre Matthieu, l’ancien employé au bureau des péages, en est l’auteur, qu’il composa en langue hébraïque les discours de Jésus, au nombre de cinq (les Logia) et que son récit était destiné aux Juifs. L’auteur du premier évangile s’est efforcé d’abord de conserver le document primitif qui renfermait les cinq discours de Jésus, de fixer la teneur exacte des instructions données par le Seigneur dans le but de diriger l’Eglise dans sa marche et de déterminer la ligne de conduite de ses membres pour pouvoir continuer ici-bas l’œuvre du Seigneur et répondre à sa sainte volonté, tandis que la partie narrative devait non seulement édifier les croyants, mais ouvrir les yeux aux Juifs incrédules, les convaincre de la faute qu’ils avaient commise en crucifiant Jésus leur Roi divin, qui était véritablement celui dont tous les prophètes avaient annoncé la venue. Le but de cet évangile ne saurait donc être douteux : en racontant l’histoire de Jésus, Matthieu voulait amener ses lecteurs (les Juifs) à croire au personnage qui en est l’objet, et qu’il présente comme le Messie promis. Il fait ressor tir comme aucun autre évangéliste, l’accord entre tous les traits de la vie de Jésus et les prophéties messianiques. F. Godet a écrit que l’évangile de Matthieu « avait une mission théocratique à remplir. C’était l’ultimatum de Jéhova à son ancien peuple : Crois, ou prépare-toi à péril. Reconnais en Jésus ton Messie, ou attends-le comme ton juge ! Le livre qui contient cette sommation suprême est la clôture de l’Ancien Testament en même temps que l’ouverture du Nouveau. » Ajoutons ici qu’au IIe siècle, notre premier évangile canonique était envisagé par l’Eglise comme la reproduction grecque d’un écrit que l’apôtre aurait composé en hébreu (araméen) entre les années 60 et 63. Evangile selon Marc Jean, surnommé Marc, fils de Marie, cousin de Barnabas, est considéré d’une manière unanime comme l’auteur du deuxième évangile. On a tout lieu de supposer qu’il fut converti par l’apôtre Pierre qui le nomme son fils, dans le sens spirituel (Actes 12 : 12 ; 1 Pierre 5 : 13). i La tradition du premier siècle, appuyée sur les témoignages de Papias et d’Irénée, fait de Marc, le compagnon et l’interprète de Pierre en pays grec et latin. Il aurait accompagné Pierre à Rome ; devenu son secrétaire, il aurait écrit exactement tout ce dont il se souvenait, ne se préoccupant que d’une chose : ne rien omettre de ce qu’il avait entendu raconter de la bouche de Pierre, ne l’altérer en rien. Le second évangile n’est donc que la rédaction des récits que faisait Pierre dans les églises où il prêchait Jésus. D’après un rapport de Clément de Rome, complété par Papias, Marc aurait écrit toutes les choses que racontait Pierre, sur les instances des auditeurs de Rome. Si donc nous attribuons quelque valeur à ce témoignage, nous pouvons envisager le second évangile comme ayant été écrit à Rome, pour les chrétiens de cette ville, et sur leur propre demande, par Marc, compagnon de Pierre, conformément aux récits oraux faits par ceut apôtre peu avant la persécution de Néron, dont il fut une des victimes. L’évangile de Marc n’était pas destiné, comme celui de Matthieu, à adresser une sommation dernière au peuple de Dieu, « mais à reproduire, comme une série de tableaux, les scènes incomparables qu’avaient contemplées les témoins de la vie du Seigneur ». Marc, comme les autres écrivains évangéliques, avait une doctrine à faire valoir : celle que Jésus était vraiment le Fils de Dieu, qu’il participait à la puissance divine, par conséquent à la nature de Dieu. L’évangile de Marc aurait été écrit entre les années 64 et 6a. (Lire la suite à la page 9.) 8 LES SIGNES DES TEMPS L’ANNEE qui se termine a été, sans conteste, la plus mouvementée depuis 1918. Elle nous a valu de sérieuses angoisses. Nous avons été à un doigt de la catastrophe. On peut vraiment dire qu’une main invisible a retenu la violence sur le chemin de la destruction. Rappelons quelques-uns des événements sensationnels : annexion de l’Autriche au Reich, démembrement de la Tchécoslovaquie, accords de Munich replâtrant tant mal que bien une situation sérieusement compromise, continuation du carnage en Espagne et en Chine. D’une façon générale, l’humanité entière a connu l’insécurité et l’appréhension, et la situation sociale et économique s’est douloureusement ressentie des menaces qui ont pesé sur le monde. Mais on a fêté le vingtième anniversaire de la signature de l’armistice. Que de chemin parcouru depuis novembre 1918 ! Aussitôt après la guerre, les hommes se croyaient au seuil d’une ère nouvelle, le traité de Versailles constituait pour eux le point de départ rompant définitivement avec un passé lourd de crimes envers l’humanité. Mais voilà qu’après vingt ans de désordres, d’erreurs et de faiblesses, ils se retrouvent devant le même problème, rendu plus difficile encore par les circonstances : la paix à organiser, la guerre à supprimer comme instrument de toute politique nationale. Les événements récents ont, en tout cas, consacré la faillite de la Société des Nations. Analysant la situation sous ce rapport, voici ce qu’en dit l’éditorial d’un grand quotidien : « Le bilan de ses dix-huit années d’intense activité s’établit par une faillite qui ne permet de se faire aucune illusion sur l’avenir de cette grande institution telle qu’elle fonctionne actuellement. Elle n’a pas tardé à perdre son caractère d’universalité, du fait de l’absence de plusieurs des principales puissances. Tout en lui assignant une mission de véritable super-Etat, on lui a refusé les moyens de la remplir en conscience et de faire respecter ses décisions. Elle n’a pu empêcher ni réprimer aucune des flagrantes violations des traités ; elle s’est révélée impuissante à faire efficacement obstacle aux conflits armés, avec ou sans guerre déclarée ; elle n’a pu réussir à résoudre le problème si complexe de la limitation et de la réduction des armements, ce qui constituait pourtant l’essentiel de sa tâche. L’affaiblissement continu de la Société des Nations, l’usure rapide des principes qui étaient sa raison d’être, le fait qu’elle a dû se résigner à garder le silence, dans l’impossibilité où elle était de réagir utilement, en présence d’événements aussi graves que le réarmement massif de l’Allemagne en violation des clauses les plus importantes du traité de Versailles, la répudiation unilatérale du traité de Locarno, la réoccupation en force de la zone rhénane démilitarisée, l’annexion de l’Autriche au Reich et la menace d’agression contre la Tchécoslovaquie, voilà ce qui a précipité la fin d’une politique s’inspirant des principes les plus généreux et les plus justes, mais dépassant les possibilités morales d’une humanité qui doit encore beaucoup travailler à son propre perfectionnement... » LES SIGNES DES TEMPS 9 Les vingt dernières années, et tout particulièrement celle qui vient de prendre fin, ont démontré d’une manière péremptoire que les rapides progrès dans l’application des sciences n’ont été accompagnés d’aucune évolution morale, et que le mot civilisation n’est pas nécessairement synonyme d’amélioration. Ceux qui annoncent pour un temps relativement rapproché, une ère de paix et de prospérité, se font illusion à eux-mêmes et ne tiennent pas compte de la méchanceté naturelle du cœur humain. Il est vrai que les hommes de bonne volonté s’efforcent de conjurer les forces du mal et d’organiser la paix. Ils continuent à espérer que tout n’est pas perdu et s’évertuent avec une persévérance vraiment louable, à utiliser la dernière chance de fermer la porte à la guerre qui marquerait la fin de l’Europe et de toute civilisation. Aussi n’est-ce pas sans angoisse que nous nous posons la question : Que sera 1939 ? Les augures rivalisent d’imagination dans leurs prédictions. Gabriel Trarieux d’Egmont, déjà connu du grand public grâce à son ouvrage Que sera 1938 ? a publié un Que sera 1939 ? dans lequel il affirme que l’année 1939 sera trouble, incertaine, — nous voulons bien le croire — mais qu’elle ne verra pas la grande guerre se déclencher, et qu’elle connaîtra même un redressement progressif — ce que nous voudrions espérer. Ne prenons pas ces prédictions trop au sérieux, et sachons que l’avenir appartient à Dieu et non aux hommes. Ne cherchons pas à établir une liste des événements graves possibles ou probables, mais ne nous leurrons pas non plus. Un optimisme inintelligent et béat n’est pas plus de mise qu’un pessimisme stérile et nocif. Sachons accepter les circonstances sans récriminer et surtout sans en devenir les esclaves. En tant que chrétiens, remettons à Dieu le soin de tout diriger. Acceptons les événements avec franchise, calme et sérénité, plaçant notre confiance en celui qui tient la barre du monde comme celle de notre propre vie. Interrogeons l’horizon non pour la satisfaction d’une curiosité personnelle de mauvais aloi, mais pour constater le merveilleux accomplissement des prédictions de la Bible relatives aux temps de la fin, et nous réjouir de l’approche du grand événement vers lequel ont soupiré toutes les générations de chrétiens : le retour en personne de notre Sauveur bien-aimé. Les signes précurseurs de ce retour : signes cosmiques, politiques, sociaux, économiques, moraux et religieux (voir surtout Matthieu 24, Marc 13 et Luc 21) se réalisent sous nos yeux. Les séismes augmentent en nombre et en intensité depuis un siècle, la situation politique (illusion pacifiste et affreuse réalité) répond exactement aux termes de la prophétie, une grande détresse s’est emparée de la société qui réalise de nos jours la condition de l’humanité de l’époque du déluge et de l’époque de Sodome et de Gomorrhe, enfin l’incrédulité et la superstition sont en recrudescence tandis qu’une minorité de croyants, surgis des dé bris d’Eglises tombées en poussière, proclament en toute hâte au monde la Bonne Nouvelle du royaume des cieux, conformément à la prédiction de Jésus : « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » (Matthieu 24 : 14.) La fin de ce monde est proche, de même que l’établissement d’un royaume éternel de justice et de paix. Cet établissement ne se fera pas par voie d’évolution naturelle, mais à la suite d’une catastrophe au cours de laquelle les gouvernements de ce monde disparaîtront pour faire place au Christ-roi. Les bouleversements actuels, au lieu de nous attrister, doivent au contraire nous réjouir, parce qu’ils annoncent la proximité de la délivrance. « Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche. » (Luc 21 : 28.) L’année qui s’ouvre peut être pour nous une année heureuse en dépit des événements graves qu’elle pourrait connaître, et vice-versa. Cela dépend de notre attitude à l’égard du Christ qui nous propose sa paix. Evangile selon Luc Plusieurs Pères de l’Eglise comme Clément d’Alexandrie, Tertullien, et Jérôme, déclarent que Luc a écrit son évangile en Grèce, peu avant celui de Marc, vers 64, à la même époque où fut rédigé celui de Matthieu. Ils font ressortir en outre qu’il y a entre cet écrit et l’apostolat de Paul un rapport analogue à celui que nous avons constaté entre le second évangile et le ministère de Pierre. Si Luc a écrit son évangile en Grèce, c’est sans doute qu’il était destiné au monde grec. Le prologue suffit à démontrer que l’auteur était un homme cultivé qui veut procéder par ordre et ne raconter que des faits qu’il a dûment contrôlés. Aussi est-il le seul des historiens à qui l’ont ait donné le titre de « vrai historien de la vie et de l’œuvre de Jésus-Christ ». On rie peut douter que Luc ait été l’ami et le collaborateur de l’apôtre Paul. « Si le premier évangile est le traité de la souveraineté messianique de Jésus sur Israël, le troisième n’est pas moins évidemment le traité du droit des païens à participer au salut par Christ. Un tel évangile n’a pu parvenir que du cercle qui entourait saint Paul dans sa mission. Il n’y avait plus qu’à transformer les faits en doctrine pour obtenir ce que Paul appelle son évangile. » (F. Godet.) On peut présumer que c’était pendant que Luc était le compagnon de Paul lors de sa captivité à Césarée qu’il eut l’occasion de prendre des informations et de réunir des matériaux qui lui permirent de composer son livre. Dans ses recherches, Luc avait été frappé de certaines lacu- La formation des Evangiles (Suite de la page 7.) nés qui existaient dans les documents antérieurs, il avait ainsi appris à connaître nombre de faits et de paroles de Jésus qui n’avaient pas encore été consignés ailleurs. Aussi on peut dire que si le récit de Luc nous manquait nous serions privés de la connaissance de près d’un tiers de l’histoire de Jésus. F. Godet déclare que « sur les 72 sections dans lesquelles peut se diviser la matière de nos trois évangiles, il en est 48 qui sont la propriété exclusive de Luc ». Résumé « Le premier évangile est un écrit de nature essentiellement liturgique, conformément à tendance didactique de l’écrit de Matthieu qui y a été inséré et qui forme à jamais le trait saillant de sa physionomie. » Le second a plutôt un caractère anecdotique, c’est-à-dire à la fois plus familier et plus pittoresque, comme devaient l’être les récits d’un homme tel que Pierre, au jugement sùr et prompt, aux impressions vives, mais dont l’esprit n’avait pas subi l’action d’une haute culture intellectuelle. » Le troisième seul mérite le nom d’histoire, dans le sens qu’avait pris ce mot chez le peuple grec formé aux travaux «élevés de l’intelligence. C’est un exposé gradué et critique des faits, propre à les mettre dans tout leur jour et tel qu’on pouvait l’attendre d’un écrivain comme Luc, que sa profession de médecin avait initié aux procédés de la culture scientifique et littéraire de son temps. » La date que nous avons assignée à la composition de ces trois écrits — entre les années 60 et 65 — convient parfaitement à la situation dé l’Eglise en ce moment-là. C’était le temps où la première génération de chrétiens commençait à s’éclaircir et où ses grands représentants se dispersaient chez les nations pour disparaître bientôt de la scène du monde. Comment n’aufait-on pàs cherché à fixer par l’écriture les grands et saints souvenirs dont ces hommes étaient les porteurs en quelque sorte officiels. « Si l’art de l’écriture n’eût pas encore « existé, a dit Lange, on l’eût inventé à ce mo-« ment-là et pour cette tâche. » Evangile selon Jean Irénée écrit que c’est Jean, le disciple du Seigneur, qui avait reposé sur son sein, qui a publié l’évangile pendant qu’il demeurait à Ephèse. Le fragment de Muratori contient le passage suivant concernant l’évangile de Jean : « Le quatrième évangile est de Jean. Jean, l’un des disciples était sollicité par ses condisciples et par ses coévêques, leur dit : « Jeûnez avec moi ces « trois jours, nous nous communiquerons les « uns aux autres ce qui aura été révélé à cha-« cun. » La nuit suivante, il fut révélé à André, l’un d’entre les apôtres, que Jean devait tout écrire en son propre nom, tous les autres devant contrôler ce qu’ii avait écrit.... Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que Jean dise dans ses épîtres en parlant de lui-même : « Ce que nous avons vu de « nos yeux et entendu de nos oreilles et ce que nos mains ont touché, c’est là ce que nous vous « annonçons. » Par là il se déclare lui-même non seulement le témoin oculaire et auriculaire, mais encore l’écrivain de tous les faits admirables du Seigneur. » La destination du quatrième évangile à des églises déjà avancées, et parfaitement instruites des événements du ministère de Jésus, est un fait qu’il n’est pas difficile de constater. On reconnaît d’un bout à l’autre du livre que l’auteur suppose l’histoire de Jésus connue de ses lecteurs, et qu’il veut uniquement faire ressortir certains faits omis dans la tradition ou non suffisamment compris par elle. Les quatre Evangiles D’après un témoignage d’Eusèbe, les disciples du Christ au temps de Trajan, n’avaient pas d’autre ambition que celle d’annoncer le Christ à ceux qui n’avaient pas encore entendu la parole de la foi et de leur transmettre le livre des divins évangiles. C’est là la première mention qu’on possède sur l’existence d’un recueil des quatre évangiles. Du fragment de Muratori déjà cité, il ressort que dans le recueil contenant les quatre évangiles, ils se suivaient dans l’ordre où ils sont aujourd’hui. Et voici deux faits qu’on peut affirmer d’une façon certaine : 1° Que la reconnaissance de nos quatre évangiles et d’eux seuis était un fait définitivement acquis trenle ou quarante ans avant la fin du second siècle ; les âges suivants n’ont rien changé ; 2° Que la formation du recueil était un fait dès longtemps accompli quand la canonisation eut lieu ; celle-ci a consisté bien moins dans l’admission de ces quatre écrits que dans l’exclusion d’autres évangiles. Landerer dit : « Il s’entend de soi-même que la canonisation des écrits du Nouveau Testament n’a pas eu lieu en vertu d’une convention expresse entre les chefs des principales églises. Il est dans la nature des choses que ce développement partît à la fois de points différents, parmi lesquels, comme l’a pensé Rcuss, l’Asie-Mineure a peut-être joué un rôle principal. Le fait qu’un résultat aussi identique s’est produit est provenu essentiellement d’une nécessité interne, non que nous prétendions statuer pour l’Eglise une inspiration subite par laquelle elle serait arrivée au clair ; mais il y eut réellement chez elle un instinct de la vérité dans lequel s’enveloppe la direction providentielle et qui, à travers tous les incidents apparents et toutes les erreurs humaines auxquels libre cours est laissé, tient cependant les rênes de la marche de l’Eglise. » (Cité par F. Godet, Introduction au N. T., t. II, p. 122.) J.-C. Guenin. K) LES SIGNES DES TEMPS Dieu ou hasard ? j^ES découvertes et les inventions nous coûtent, à nous, des siècles de labeurs ; les animaux n’étudient pas, et ils en savent plus que nous. Sauriez-vous me montrer cette école invisible où s’apprennent les secrets ■de la nature ? Vous célébrez les progrès de la chimie, ses analyses et ses décompositions !.... Il y a des siècles que l’abeille bourdonne de fleur en fleur, en cueille les sucs, les distille, fabrique avec la cire ses cellules à cônes, à pyramides, dont l’art étonne et confond l’intelligence, et y dépose cette liqueur exquise que la chimie ne saurait égaler. Illustre Toricelli, à force d’expériences, vous avez réussi à peser l’air et à faire le vide ; et il y avait des siècles que l’appareil pneumatique fonctionnait au fond de la mer ; le mollusque faisant le vide en appliquant son coquillage au rocher. Savant Volta, c’est à force d’études que vous avez découvert la puissance de l’électricité ; et il y avait des siècles que la torpille produisait la décharge électrique. Pendant que l’homme avec le baromètre, arrive à mesurer le poids de l’atmosphère, et à prédire les changements de température, nous voyons l’oiseau, avec bien phis d’habileté et de certitude, pronostiquer le lendemain : l’un annoncé la pluie et l’autre le beau temps ; le procellaire prédit la tempête, et l’alcyon, en secouant ses ailes, nous annonce l’heure de la marée. D’où vient une telle science à des êtres privés de la raison, et l’instinct prophétique là où l’intelligence fait défaut ? Qui enseigne la navigation aux argonautes, l’hydraulique aux castors, et aux oiseaux voyageurs la géographie ? Sur les cimes sauvages d’un rocher qui se dresse au sein de l’océan, je vois des milliers d’oiseaux rassemblés de toutes les parties du monde ; ils viennent les uns des rives du Gange, les autres des bords du Nil, d’autres des prairies qu’arrose le fleuve des amazones. Un message invisible les a conviés, les appelant par leurs noms, du fond des déserts, des bords des lacs, de l’ombre des bocages.... Mais déjà l’heure du départ a sonné ; ils lèvent la tête, battent des ailes tous ensemble et paraissent consulter le vent... Partez ! Et les voilà tous s’élevant dans les airs, se plongeant dans les nuages, sillonnant d’un vol rapide les solitudes du firmament. La caravane qui traverse les déserts de la Nubie pourra se perdre dans LES SIGNES DES TEMPS les sables ; mais les voyageurs aériens ne se tromperont pas de route. Leur retour est si régulier et si sûr qu’à l’autre hémisphère le chasseur a tendu ses filets et les guette au passage. Rappelez-vous l’agréable spectacle qui se renouvelle au premier jour du printemps. Pendant la durée de l’hiver, la neige a étendu son manteau et a couvert la campagne ; les bois, les vallées, tout était muet, et la nature présentait l’image de la mort. Mais aux premiers soleils d’avril, tout se réveille ; la vie renaît, la terre ouvre son sein. Les oiseaux gazouillent dans le feuillage, se réchauffent aux rayons du soleil et s’ébattent aux tièdes haleines de la brise. Ils semblent s’être donnés rendez-vous à un banquet de noces. Les voici déjà qui préparent leurs nids ; partout le mouvement et l’activité, les ouvrages les plus variés et les plus merveilleux. Les uns portent un fétu dans la fente d’une muraille, les autres sur le sommet d’un toit. L’hirondelle prend un peu de boue, et de becquée en becquée bâtit son nid ; tandis que le chardonneret dispose un lit moelleux, avec le duvet des herbes sauvages. Dans les bois, dans les champs, sur les rochers, des milliers de berceaux se préparent, si délicats et si beaux, que la meilleure des mères ne saurait disposer une couche plus délicieuse au plus chéri de ses enfants. Mais bientôt les petits sont éclos, et partout s’entendent des cris plaintifs demandant la pâture. Pauvres petits ! vous êtes sans plumages, et ne pouvez voler à la recherche de ce qui vous manque ; mais ne craignez rien ; votre mère saura placer son nid à proximité de la nourriture qui vous convient.... J’appelle aujourd’hui votre attention sur ce qu’il y a de plus simple dans la nature. Ces choses, parce que sans cesse elles se renouvellent, sont-elles donc indignes de notre attention ? Non ! car si nous en étudions avec soin l’économie et le plan mystérieux, nous découvrirons en chaque fleur nouvellement éclose, en chaque atome de poussière, un monde de merveilles, dont la vue remplira notre âme d’amour envers leur Auteur, et mettra sur nos lèvres le cantique de la reconnaissance et de l’admiration. Avez-vous souvenir de ces nuits sereines où le ciel limpide étant surmonté de son voile d’azur, où la tiède haleine du zéphyr souffle à travers le feuillage ? Au milieu du profond silence, j’entends sortir du buisson la voix du rossignol. Il se prépare à chanter l’hymne de la nature ; incertain d’abord, il hésite, on dirait qu’il apprête les cordes de sa guitare au fond de son gosier harmonieux ; il prélude par des sons détachés, des essais timides ; il se tait, il recommence ; enfin, il s’anime, sa voix se dilate, elle s’épanche en sons précipités, impétueux comme le torrent. Qui pourra dire ces élans et ces vols rapides, ce chant qui s’élève, s’enfuit et paraît se dérober en une finale harmonieuse, revient et résonne de nouveau sans se répéter jamais, tantôt c’est un murmure, une note tremblottante, tantôt un sifflement rapide, puis un doux et joyeux gazouillement, puis des éclats aigus et précipités qui s’achèvent en soupirs et en gémissements plaintifs. Quel artiste accorde cette guitare en ce chétif gosier ? Qui rend cette mélodie si douce et toujours nouvelle ? Petit chantre qui, par ta frêle et modeste apparence, échappe à tous les regards, qui donc donne à ta voix une force à laquelle l’homme ne saurait atteindre, à ton oreille une délicatesse à laquelle la science de l’harmonie ne saurait parvenir, qui donc ?.... Serait-ce le hasard ? Chanoine J.-B. Giordano. La soif de Dieu f ’EBTES, ce Dieu lui-même est un miracle inexplicable, un Dieu caché ; mais serait-il encore un Dieu, si nous pouvions le comprendre entièrement ? La vie procédant d’un Dieu vivant, voilà une idée que nous pouvons saisir, tandis que notre intelligence, notre raison se refuse à faire dériver la vie de la mort et l’esprit de la matière. Notis disons donc que le fini procède de l’infini, le temporel de l’éternel, les choses visibles des choses invisibles, en sorte que, selon le texte biblique, « les choses qui se voient n’ont pas été faites de choses qui parussent ». (Hébreux 2 : 3.) Alors aussi nous comprenons la cause, l’origine de ces désirs ardents, de cette soif de l’infini, de ces aspirations irrépressibles vers les hauteurs et les profondeurs éternelles, qui se retrouvent, conscientes ou inconscientes, au fond de chaque âme humaine. Ces aspirations ne constituent-elles pas ce que nous appelons la vie ? Toute chose tend à retourner à son origine. Or tout ce qui existe tend à l’infini, et l’infini n’est-ce pas Dieu ? Bettex. Il 12 LES SIGNES DES TEMPS L'enfance de Jésus (Condensé de Desire of Ages de Mme E.-G. White) Les maîtres de la Synagogue enseignaient à la jeunesse les prescriptions sans fin auxquelles tout Juif orthodoxe était astreint. Dès sa plus tendre enfance, Jésus se trouva enveloppé dans le réseau des préceptes rabbiniques réglementant tous les actes de la vie jusque dans les moindres détails. Mais il n’attachait aucune importance à ces observances innombrables, et se montrait très indifférent à leur égard. En revanche, les écrits de l’Ancien Testament étaient pour lui l’objet d’une étude continuelle. Une parole qui revenait constamment sur ses lèvres était : « Ainsi a dit l’Eternel. » Il constatait que les exigences de la société et celles de Dieu étaient diamétralement opposées les unes aux autres, et concluait que les hommes s’écartaient de la Parole de Dieu en faisant tant de cas de leur théories, en observant des rites et des traditions sans vertu, et ne conférant ni paix ni liberté morale. Jésus ne condamnait pas ouvertement les préceptes et les pratiques des savants docteurs. Si on l’attaquait, il se bornait à se justifier par la Parole de Dieu. Les rabbins s’indignaient à la vue de cet enfant qui osait leur résister et leur répliquer, et ils allaient se plaindre auprès de Joseph et de Marie. Parfois, ceux-ci réprimandaient l’enfant et l’invitaient à se soumettre. Mais ils ne parvenaient pas à le faire dévier des préceptes de l’Ecriture. Plein de respect pour ses parents, Jésus souffrait en silence, et sa mère, qui l’aimait tendrement, voyait avec douleur la contradiction et les moqueries dont son fils était l’objet, le chagrin et l’amertume dont il était abreuvé, se laissant exploiter sans proférer une plainte, et se sacrifiant pour les autres. Les fils de Joseph, qui s’étonnaient de la sagesse de Jésus, prenaient cependant le parti des rabbins, et s’offusquaient grandement de son obstination en matière religieuse. Dans leur irritation, ils lui adressaient d’aigres paroles et jusqu’à des menaces auxquelles il répondait par une douceur et une bonté à toute épreuve voire par une sérénité inaltérable qui excitait encore leur colère. Ses camarades aimaient sa bonne humeur et son commerce agréable, mais ils s’impatientaient de ses scrupules. S’ils lui en demandaient la raison, il répondait par un texte de l’Ecriture ; s’ils l’invitaient au mal, il les reprenait de même. Partout où Jésus se rendait, il apportait avec lui une atmosphère de paix. Doux, aimable, soumis, serviable, il s’efforcait d’être utile à ceux qui l’entouraient. Son bonheur était de se retirer à l’écart pour communier avec la nature et avec Dieu. Pour cela, il se levait souvent de très bonne heure, puis il venait reprendre ses devoirs quotidiens, où il se montrait un modèle d’assiduité et de fidélité. Evitant tout passe-temps inutile, il démontrait par son exemple la valeur du temps, la richesse des heures, le poids éternel des instants saintement employés. Au sein du foyer, sa présence répandait une atmosphère de pureté ; elle introduisait comme un levain de bonté dans les milieux où il était accueilli. Inoffensif et incorruptible, il circulait parmi les gens incultes et discourtois, parmi les péagers cupides, les soldats idolâtres, les paysans incultes et la foule bigarrée. S’il rencontrait des gens écrasés sous le poids de l’existence, il partageait leur peine, il leur parlait de la bonté de Dieu répandue dans toute la nature. Aucun être humain ne lui paraissait négligeable ou digne de mépris : à chacun il offrait le remède du salut. Partout il avait une parole appropriée à la circonstance. Aux gens les moins intéressants, les plus grossiers, il affirmait qu’il y avait un avenir pour eux, et qu’ils pouvaient devenir des enfants de Dieu vertueux et inoffensifs. A ceux qui luttaient pied à pied avec l’ennemi des âmes, ils promettait la victoire, les assurant que les anges de Dieu étaient à leurs côtés. En présence de malheureux tombés sous le pouvoir de Satan, incapables de s’arracher à son étreinte : êtres déchus, découragés, vaincus, il trouvait des accents d’une tendresse infinie qui allaient droit au cœur. Ceux à qui il avait fait du bien savaient qu’ils avaient en lui quelqu’un en qui ils pouvaient placer leur confiance, quelqu’un qui ne trahirait pas leurs confidences. Ainsi, dès les jours de son enfance, quoique effacé et ignoré, Jésus semait tout autour de lui l’espérance et la joie, au point que lorsqu’il commença son ministère, on accourut en foule pour l’entendre. Et cependant, cet enfant, cet adolescent, cet homme vécut seul, l’âme accablée d’un poids mystérieux, effroyable : la certitude de la perdition de, notre race ; la perception claire de la tâche qui lui incombait de la sauver et de l’immensité de cette tâche ; enfin, la détermination calme, inflexible, intense de mener à bien cette grande mission. C’eût été pour le Fils de Dieu une humiliation presque infinie de revêtir notre nature humaine, même alors qu’Adam résidait en Eden dans son innocence. Or Jésus consentit à naître dans le sein de notre humanité alors qu’elle était affaiblie par une hérédité de quatre mille ans de péché. Pour interprétation conforme : J. V. LES SIGNES DES TEMPS IL y aura bientôt trois mois que Jean et Annette sont mariés. Après un court séjour en montagne les voilà installés chez eux et la vie si différente de celle qu’ils menèrent jusqu'ici leur apporte joies, surprises, contrariétés. Tous deux, bien qu’ils se connaissent depuis toujours, s’aperçoivent maintenant de grandes différences qui marquent leur caractère. La conception moderne de la parfaite égalité de l’homme et de la femme dresse peu à peu entre eux une barrière invisible où se heurtent la sensibilité d’Annette et l’orgueil de Jean. C’est à ce moment précis qu’arrive la lettre de tante Hermine qui, de sa paisible retraite, a pressenti peut-être le gros nuage qui menace le bonheur encore tout neuf de deux grands enfants. Je suis très touchée de l’insistance que tu mets, écrit-elle à Jean, à me réclamer cette lettre que je t’avais promise. Cette missive toute prête en mon esprit me fait penser à une de ces pancartes que l’on aperçoit si souvent sur les routes où il est écrit en grosses lettres : « Ralentir ». Je t’invite, mon Jean, à t’arrêter un instant auprès de moi et à me laisser te dire ce qui me frappe le plus dans la manière de vivre des jeunes. Vous êtes tous, autant jeunes filles que jeunes gens, très sportifs, et c’est très bien. Il en découle cependant une mentalité qui s’implante de plus en plus. Vous traitez votre partenaire en camarade, en « copain » et cela comporte de gros inconvénients car plus tard, dans la vie, cette façon d’être se continue. Or ta femme n’est pas ta camarade, c’est ta compagne. Elle te complète, et n’est point semblable à toi. Supérieure par sa sensibilité, instinctive et souple, elle te sera d’un grand secours dans la vie si tu ne la heurtes pas injustement, en mésestimant sa valeur. Plus positif qu’elle, il ne dépend que de toi pour assurer sa confiance en tes qualités de chef de la communauté. Mais pour cela, mon Jean, il te faut poursuivre patiemment sa conquête. Une équité sans défaillance te sera indispensable ; si tu reconnais que ta femme a raison, il te faut céder, pour pouvoir imposer ta volonté si c’est le contraire. Garde-toi bien de t’immiscer dans tout ce qui concerne la maison, faut plus de place, du reste ne suis-je pas maître de m’organiser comme il me convient !... — Et moi, répliqua Pigeonnette. ne suis-je point maîtresse !„ —• C’est moi qui veille à ce que tu ne manques de rien, te rends-tu compte seulement combien lourde est ma tâche, reprends Monsieur Pigeon d’une voix irritée. — Et moi, ma tâche est insipide, c’est un fardeau couleur d’ennui. Crois-tu donc que faire chaque jour le ménage, la cuisine, de ramasser derrière toi tes plumes que tu éparpilles, te souciant peu du désordre que tu laisses, est une besogne réjouissante. Et quand je pense que toi au moins, si tu peines, il en restera quelque chose, tu édifies, tu construis, tandis que moi, moq effort ne laisse aucune trace. Autant en emporte le vent. Depuis que nous sommes mariés, poursuit-elle, tu semblés trouver tout naturel qu’il fasse bon et joli ici. En deux coups de bec, tu liquides un plat longuement préparé. Tout cela ne se fait pas comme par enchantement, c’est inimaginable ce que peut faire une pigeonne bien organisée le long d’une journée. Je me suis aperçue depuis quelque temps qne tu me regardes moins. J’ai porté ma houpette à gauche et en arrière tout une semaine, tu n’as rien vu, cette semaine c’est le contraire, tu t’en soucies peu. Tu restes des heures au dehors — je sais que tu travailles — mais tu vois du monde, tu causes, c’est distrayant. Tandis que moi je t’attends, je me pare pour toi, je me réjouis quand l’heure avance, et tout cela pour te voir arriver avec une figure longue, soucieuse, le front barré d’une grosse ride. Tu n’es qu’un vilain laid et tu conviendras que j’apporte une part bien plus grande que toi d’effort et de bonne volonté. — Non c’est moi, car si je n’étais pas là !... — Non, c’est moi, crie Pigeonnette d’une voix courroucée ! Les plumes se hérissent, ils se disent des mots, ils se tournent le dos... Vois-tu mon Jean, si nous aillons chercher des poids et des mesures, nous sommes perdus. Que chacun de vous pense au plaisir, au bonheur de l’autre et tout deviendra soudain si facile. Souvenez-vous constamment que vous êtes deux, il faut vous habituer à remplacer ce « moi » redoutable et qui mettrait vite en péril votre bonheur par ce « nous » ravissant et plein de tendresse. Est-ce si difficile ? Je suis sûre que non, puisque vous vous aimez. Jean plie soigneusement la lettre de tante Hermine, il sifflote pour se prouver à lui-même qu’il n’est pas ému. Son visage s’éclaire d’un bon sourire. Annette, Pigeonnette ! crie-t-11 de toutes ses forces, qu’est-ce que tu fabriques encore dans < notre » cuisine ? Une petite voix toute chagrine, lui répond : Je range, je prépare.— Laisse donc, arrive, nous ferons cela tous deux en rentrant. Mets ton chapeau si dro-lichon à houpette, non, je veux dire à aigrettes, allons-nous-en voir une belle exposition de tableaux, et ce soir on fera de la musique. Félixe. ce n’est pas ton rayon et à moins d’un dommage grave, ne dramatise rien. Jette un regard sur le carnet des comptes, mais ne les épluche pas, c’est désobligeant. Toute dépense doit être consentie, approuvée de part et d’autre. Il importe aussi de veiller sur ta femme, de sauvegarder sa santé, ce bien inestimable. Si tu veux retrouver toujours son joli sourire, fais-lui comprendre que la besogne qu’elle s’oblige à faire jour après jour ne la diminue en rien. Elle est toujours pour toi celle que tu as choisie pour ses qualités, pour son goût de tout ce qui est beau, pour ses talents qui t’enchantèrent. Reprends avec elle ce beau poème de sa main, offre-lui l’occasion de te chanter quelques vieilles mélodies, car elle a toujours sa jolie voix si fraîche. Ne lui impose jamais la fréquentation d’un camarade qui lui déplaît, ainsi tu pourras lui demander le même sacrifice, le cas échéant. Choisissez avec soin vos intimes. Ne t’avise jamais de faire une invitation sans avoir consulté ta femme, car tu ne trouverais peut-être pour offrir à ton hôte qu’une soupe aux clous. Un repas improvisé risquerait de donner du tracas à ta compagne et la priverait du plaisir de profiter d’une aimable présence. Veux-tu me laisser te raconter à ma façon la fable si connue de deux pigeons qui s’aimaient d’un amour tendre. Pigeon et Pigeonnette, depuis peu mariés, trouvaient un plaisir extrême à parer leur demeure. Voici mon coin, je n’en veux point d’autre, annonce Monsieur Pigeon. Il me faut de la lumière, du soleil et aussi de la place. En somme je travaille toute la journée, ma besogne est absorbante, il me faut donc trouver chez moi mes aises selon mon bon plaisir. — Et moi, dit Pigeonnette, je reste toute la journée au logis, crois-tu donc qu’il me sera possible de me contenter de cet arrière-plan, où il y a juste la place pour me retourner deux fois. Pour lisser mes plumes, pour me sentir à l’aise et installer ce qui est « à moi », c’est justement ce coin qui me conviendrait. — Mais regarde donc, Pigeonnette, ce qui est « à moi » se trouve bien plus important, j’estime qu’il me Lettre de tante Hermine à Jean 13 14 LES SIGNES DES TEMPS Faut-il observer le sabbat ? L’observation du sabbat a-t-elle l’importance que lui donnent les adventistes ? {Les passages qu’ils invoquent ne fournissent pas, à mon avis de preuves suffisantes : je ne trouve pas par exemple, qu’on doive établir une distinction entre les lois morales et les lois cérémonielles, Exode 23 ; d'autre part, dans Matthieu 5 ; 17, 18 {voir les versets 19, 23-25), Jésus ne fait-il pas allusion à l’offrande sur l’autel, et les mots : « Que tout soit arrivé » ne désignent-ils pas le jour de la résurrection ? Et l’apôtre Jacques (2 : 10) ne fait-il pas une pure supposition {lire les versets 8-11) ? De plus je crois que le sabbat ne fait pas partie des commandements de Dieu mentionnés dans Apocaypse 14 : 12 et 1 Corinthiens 7 : 19, ces commandements de Dieu étant expliqués dans 1 Jean 5 : 3-5.) — F. R. Les adventistes du septième jour observent le sabbat parce que ce jour a été mis à part par Dieu au moment de la Création, qu’il a été béni, sanctifié, et destiné à devenir un signe de sanctification. Il fait partie des dix commandements dont il est le quatrième, par conséquent il possède une valeur égale à celle des autres commandements. Or, l’obligation d’observer les commandements comme conséquence du salut, concerne également le jour du repos. L’observation du sabbat ne doit jamais être considérée comme un moyen de salut ; elle en est plutôt la conséquence logique et inévitable. La grâce de Dieu, par un acte de foi en Jésus-Christ, est reçue dans le cœur du croyant et, en le régénérant, y inscrit la loi des dix commandements. L’obéissance à cette loi devient alors chose toute naturelle; l’homme l’observe non pour être sauvé, mais parce qu’il est sauvé. Le Décalogue a été promulgué solennellement au Sinaï, Il a été écrit, sur deux tables de pierre, du doigt de Dieu : « Lorsque Dieu eut achevé de parler à Moïse sur la montagne du Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu.... Les tables étaient l’ou vrage de Dieu, et l’écriture était l’écriture de Dieu, gravée sur les tables. » (Exode 31 : 18 ; 32 : 16 ; voir aussi Exode 24 : 12 ; 34 : 28 ; Deutéronome 4 : 12, 13 ; 5 : 22.) Cette loi est divine, immuable, éternelle. Elle est l’expression de la justice de Dieu. Et Christ ne l’abolit pas ; au contraire, il l’accomplit. Le passage de Matthieu 5 : 17, 18, ne signifie pas autre chose. Il faudrait vraiment en détourner le sens pour y voir une allusion à l’offrande sur l’autel, et, dans les mots « que tout soit arrivé » une mention de la résurrection. Il s’agit plutôt de la foi destinée à être accomplie intégralement jusqu’au rétablissement de toutes choses ou fin de l’économie présente. Le Christ a observé le sabbat, de même que les apôtres. De quelle loi pourrait-il être question dans 1 Corinthiens 7 : 19, Jacques 2 : 10 et Apocalypse 14 : 12, sinon de la loi royale (Jacques 1 : 25), celle des dix commandements qui, ce qu’il faut bien retenir, n’a été abolie ni par le Christ, ni par les Apôtres. 1 Jean 5 : 3-5, en parlant des commandements de Dieu, ne peut faire allusion qu’au Décalogue. Si la loi morale est immuable et éternelle, les lois cérémonielles ou rituelles n’ont ni le même caractère ni le même but. Elles sont humaines, locales, temporaires, transitoires et essentiellement préfiguratives. Moïse les donna pour qu’elles servissent au règlement des cérémonies, des rites et des sacrifices, toutes choses préfiguratives du sacrifice du Christ. Elles ont, par conséquent, une portée prophétique ; ce qui veut dire qu’elles cessent d’être en vigueur au moment où la prophétie s’accomplit, où l’image rencontre l’objet qu’elle préfigure. Le Christ, en mourant sur la croix, cloua au bois tout le rituel lévitique, celui-ci étant devenu impuissant et inutile (Hébreux 7 : 12, 18, 19). Aux siècles des siècles Ne discerne-t-on pas une contradiction entre Malachie 4 : 1, où il est parlé de la destruction totale des méchants, et Apocalypse 20 : 10 où il est parlé d’un tourment qui dure jour et nuit, aux siècles des siècles ? —E. P. Voici le texte de Malachie 4 : 1 (3 : 19 dans certaines versions) : « Car voici, le jour vient, ardent comme une fournaise. Tous les hautains et tous les méchants se ront comme du chaume ; le jour qui vient les embrasera, dit l’Eter-nel des armées, il ne leur laissera ni racine ni rameau. » Et voici celui d’Apocalypse 20 : 10 : « Et le diable, qui les séduisait, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux prophète. Et ils seront tourmentés jour et nuit, aux siècles des siècles. » L’Ecriture ne connaît pas le dogme des peines éternelles. Plus de cent fois, elle déclare en termes non équivoques que les méchants seront complètement détruits : ils mourront, seront retranchés, consumés, embrasés, brûlés, dévorés, exterminés, anéantis, etc. Quand la Bible parle d’un feu éternel ou inextinguible, comme dans Matthieu 25 : 41, Marc 9 : 47, 48 et Apocalypse 20 : 10, il s’agit d’un feu qui ne s’éteint que lorsqu’il a détruit toutes les matières inflammables. Homère lui-même parle de feu inextinguible qui faillit consumer la flotte des Grecs. Le feu qui ne s’éteint point suppose une destruction complète. L’expression, « aux siècles dés siècles » (grec ton aiônôri), qui trouve son équivalent dans l’expression hébraïque al yolam (traduite dans Exode 21 : 6 et Jonas 2 : 7 par « pour toujours » et dans Esaïe 32 : 14 par «à jamais») est une expression hyperbolique, dont on trouve de nombreux exemples dans l’Apocalypse. Ne disons-nous pas qu’un homme est condamné aux travaux forcés « à perpétuité » ? Ou que le secrétaire de l’Académie est un secrétaire « perpétuel » ? Dans la Bible, l’adjectif éternel et le substantif éternité sont du reste souvent employés en hyperbole. Un feu qui brûle éternellement est un feu qui dévore tout (Ezéchiel 21 : 3 ; Amos 5 : 6). Prenons un exemple : Le feu qui descendit sur Sodoriie et Gomorrhe (Genèse 19 : 24) est appelé dans Jude (verset 7) un « feu éternel». Ce feu s’est éteint, on le sait, non sans avoir détruit tout (Genèse 19 : 25 ; Esaïe 13 : 19) « en un instant » (Lamentations 4 : 6) et tout réduit en cendres (2 Pierre 2 : 6). D’ailleurs; les versets 14 et 15 d’Apocalypse 20 disent qu’il s’agit de la seconde mort, donc d’une cessation définitive de la vie : « Et la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu. Quiconque ne fut pas trouvé écrit dans le livre df vie fut jeté dans l’étang de feu. » C. G. L’Evangile, puissance de Dieu TTN soir, raconte un évangéliste russe, que nous prêchions l’Evangile dans une salle pleine de monde, le directeur d’un collège de Léningrad était assis sur l’un des premiers bancs. Il regardait autour de lui d’un air méprisant. L’assemblée était fort mélangée : simples paysans, ouvriers, communistes, mais aussi des personnes cultivées. Quand j’eus terminé mon allocution, un homme au teint basané assis tout au fond de la salle se leva et se mit à vociférer : « Regardez mon visage, comme il est noir. Mais mon être intérieur est encore plus noir. Sous le gouvernement du Tsar, j’ai passé huit années dans les chaînes en Sibérie. Dès ma jeunesse, j’ai toujours été un criminel et un meurtrier. Quand les Soviets vinrent au pouvoir, je fus relâché ; je revins alors en Russie, me fis communiste et reçus des pouvoirs presque illimités. Je recommençais ma vie d’assassin, ayant toute autorité pour cela. Légalement ou illégalement, j’ai tué plus d’hommes qu’il n’y a de gens dans cette salle maintenant. » Puis il se jeta sur le sol en sanglotant. Je lui demandai s’il connaissait l’Evangile du Christ : « Non, répondit-il, je ne l’ai jamais lu. C’est par hasard que je suis entré ici et c’est de vous que je l’ai entendu pour la première fois. Un homme tel que moi pourra-t-il jamais obtenir le pardon ? » Le miracle du pardon divin s’accomplit dans cet homme ce soir-là. La paix qui surpasse toute intelligence descendit dans son âme : son visage en devint resplendissant de joie. Mal à son aise et irrité, le directeur sortit bruyamment de la salle, mais il revint au bout d’un quart d’heure, en essuyant la sueur qui coulait sur son front. « Prédicateur, s’exclama-t-il, que dois-je faire ? J’ai renié Dieu, j’ai nié que Dieu existât. Je ne me suis jamais soucié de l’Evangile. » Le chemin est très simple, lui dis-je, si vous reconnaissez et confessez vos péchés et si vous vous humiliez devant le Créateur des cieux et de la terre comme cet assassin vient de le faire, alors le sang de Jésus-Christ vous purifiera de tout péché : il n’y a pas d’autre chemin. Par votre allusion à ce meurtrier, continua-t-il, vous pensez que moi, homme cultivé, je n’ai pas sur la conscience des crimes tels que les siens. Oui, je suis un homme instruit. Pendant vingt-cinq ans j’ai enseigné dans un institut de Léningrad et ai occupé une situation honorée. Je confesse que pendant cinquante-cinq ans j’ai nié l’existence de Dieu. Depuis vingt-cinq ans, je suis directeur du collège ici. Chaque année, j’ai eu sous mes ordres plus de mille étudiants à qui je me suis efforcé de prouver qu’il n’y a ni Créateur, ni Dieu. C’est trop épouvantable, car après le déchaînement de la révolution, j’ai rencontré beaucoup de mes anciens étudiants qui avaient participé à toutes sortes de crimes, sinistres résultats de mon enseignement. J’ai tué beaucoup plus de gens que cet assassin. Il n’a perpétré que scs propres crimes ; mais moi j’ai fait les miens par l’intermédiaire de beaucoup d’agents. Par sa repentance et sa conversion, il a mis un terme à sa vie passée ; mais moi je ne puis faire une telle réparation, je ne puis arrêter le torrent que j’ai déchaîné. Quand bien même Dieu me pardonnerait mes péchés, mon œuvre de mort et de terreur continuera à exercer ses ravages. Voilà ce que je suis ; comment pourrait-il y avoir une délivrance pour un misérable tel que moi ? » Epuisé, il laissa sa tête tomber sur sa poitrine, ses joues mouillées de larmes, cachant son visage dans ses mains. Je lui lus la merveilleuse invitation du Christ à teus les pécheurs perdus. Alors il releva la tête et dit : « C’est nous qui avons fait de la Russie ce qu’elle est maintenant. En reniant Dieu, nous avons été la cause réelle de toute sa misère. Nous avons dérobé aux hommes leur conscience, et la conséquence c’est qu’ils ont bouleversé la Russie de fond en comble. Priez pour moi ! » L’assemblée entière pleurait. Le directeur se mil alors à prier : « O Dieu, si tu existes, révèle-toi à moi ! Si tu le peux aie pitié de moi. Oh ! fais-moi grâce aujourd’hui ! Pardonne-moi tous mes péchés ! » La soirée devint trop courte pour tous ceux qui s’avançaient, désirant rompre avec leur ancienne vie. Le directeur embrassa le vieux criminel et tous deux pleuraient de joie. Le soir suivant, il revint à la réunion avec la classe entière de ses élèves aînés et s'installa avec eux sur les premiers bancs. Ce soir-là sept de ces jeunes gens trouvèrent au pied de la croix la paix de Dieu. (L’ami) V — Savez-vous que voire histoire de recensement a failli m’ébranler, mais j’ai heureusement trouvé ces jours-ci un document qui m’a appris que ce fait se présentait régulièrement tous les quatorze ans. J’en ai donc justement conclu que par un hasard étrange comme il y en a tant, cette formalité est arrivée l’année de la naissance du Christ. — L’année et le mois et le jour même ! — Coïncidence étrange certes, mais pur hasard, croyez-moi. — Avez-vous bien étudié le document que vous me signalez au sujet du recensement tous les quatorze ans et n’âvez-vous pas remarqué quelques indications sur les années au cours desquelles il y fut procédé. — Attendez ; je crois que si, mais quelle coïncidence allez-vous encore me sortir ? — Vous y tenez à la coïncidence ! eh bien, pour une fois ce sera le contraire. Réfléchissez : le recensement a lieu tous les 14 ans et l’un d’eux eut lieu en l’an 48, l’autre dont il n’est pas question 14 ans plus tôt, soit en l’an 34 puis encore 14 ans avant et nous arrivons à celui de l’an 20 dont les archéologues ont retrouvé trace. Allez encore 14 ans én arrière, vous obtiendrez l’an 6. Vous voyez cela ne coïncide pas du tout. — Non, puisque le Christ aurait eu six ans. —• Auxquels il faut ajouter encore quatre ans puisque notre ère commence quatre ans après la naissance de Jésus-Christ. — Vous dites ? —• Je vous expliquerai plus tard cette différence de quatre années. Au recensement de l’an 6, le Christ aurait eu dix ans et si nous remontons à une période de 14 ans au-dessus, l’année trouvée tomberait quatre ans avant sa naissance. Vous voyez que ce n’est pas possible. — Alors, je ne comprends plus. — Et là où vous ne comprenez plus, Dieu intervient. Il a fallu pour faire accomplir la prophétie que le recensement n’eût pas lieu à l’époque fixée par lâ tradition des hommes mais au jour fixé par Dieu. Tancrède Thibavd. LES SIGNES DES TEMPS 15 Entretiens bibliques Au prix de trente-cinq milliards de dollars, sur une longueur de 130 kilomètres, dans l’Etat de Colorado, les Américains construisent un canal qui rendra à la culture 4.500 kilomètres carrés de sable. Toutes les 22 secondes un crime est commis aux Etats-Unis. Les dépenses entraînées pour capturer les criminels aux Etats-Unis ont augmenté en 1937 de plus de 6 pour 100 sur celles de 1936. Ce pays compte le plus grand nombre de prisonniers, par rapport à la population totale, que n’importe quel autre pays du monde. Le père Michel Colonthos, moine du fameux couvent du Mont-Athos, vient de célébrer son 80' anniversaire. Ce vénérable religieux a raconté à ses visiteurs qu’il n’avait jamais vu de visage de femme. Il ne se souvient pas de sa mère, parce qu’elle mourut peu après sa naissance. Il arriva au couvent alors qu’il était tout enfant et il n’en est jamais sorti. Au Japon, les ministères des territoires d’outre-mer et de l’agriculture et des forêts ont décidé d’envoyer dès cette année en Mandchourie cinq mille jeunes femmes en âge de se marier. Avec la collaboration d’associations féministes, ils fondent, pour continuer ce mouvement, un certain nombre d’écoles qui fourniront des milliers de candidates au départ pour la Mandchourie. L’Office météorologique de Copenhague annonce que deux nouveaux satellites de Jupiter ont été découverts par le Docteur Nichol-son, à l’observatoire du Mont-Wilson, en Californie. On a constaté la présence de ces satellites au moyen de photographies faites avec le télescope de 5 mètres d’ouverture. Les deux corps célestes sont très petits, et dits de dix-neuvième grandeur. Le nombre des satellites tournant autour de Jupiter s’élève ainsi à onze aujourd’hui ; quatre furent découverts en 1610 par Galilée, après qu’il eut construit sa première lunette. Les trois suivants furent découverts entre 1892 et 1905 par Bar-nard et Pterrine. Le huitième fut aperçu par Melotta, en 1908, et le neuvième, le dernier jusqu’ici, a été découvert par Nicmolsos, peu de jours avant la déclaration de guerre, le 21 juillet 1914. Le système solaire possède ainsi 28 satellites des planètes, qui se répartissent de la façon suivante : Terre, 1 ; Mars, 2 ; Jupiter, 11 ; Saturne, 9 ; Uranus, 4 ; Neptune, 1. Un chimiste suisse, M. Robert Imer, a inventé un produit d’isolation qui sans être de la peinture à l’huile peut être appliqué à froid sur la maçonnerie, le fer et le bois. Ce produit n’est pas seulement résistant aux acides, mais aussi aux gaz vénéneux comme l’ypérite et le phosgène. Cette invention qui est unique au monde pourra rendre de grands services dans l’organisation de la défense aérienne. ' Nos meilleurs vœux pour 1939 La Rédaction Les derniers recensements dans la province de Nowogrodek en Pologne ont montré qu’il y avait là 214 personnes de plus de cent ans. Ce sont tous des paysans qui vivent en dehors des grands centres de sorte que cette longévité remarquable doit être attribuée à un climat particulièrement favorable. Plus de la moitié de ces centenaires sont des femmes. Une des principales attractions du Mans est l’horloge de fleurs que l’on peut voir dans les jardins publics, non loin du monument commémoratif élevé à la gloire des aviateurs et, entre autres, à Wilbur Wright. L’horloge est composée de 12.000 à 14.000 plantes. Durant la saison, selon les changements qui s’imposent, on utilise approximativement 40.000 plantes. Le projet du tunnel sous la Manche existe depuis fort longtemps. A Sangatte-lès-Calais s’ouvre la galerie que les pluies tombées depuis cinquante ans ont fini par remplir d’eau. Le chantier n’en est pas moins soigneusement clôturé et fermé à clef. Et c’est à Paris que, depuis 1886, est conservée la clef du tunnel qui, peut-être un jour, s’ouvrira sous la Manche. Grâce à la méthode, à la patience et au dévouement des sœurs de l’asile des sourds-muets du Bouveret, de pauvres enfants sont mis en contact, par leur intelligence, avec l’instruction, ses ressources et ses connaissances. Un petit sourd-muet, qui pour la première fois entendit la T. S. F., se mit à pleurer, et répondit lorsqu’on l’interrogea sur la cause de ses larmes : « Oh 1 j’entends les anges qui chantent et la musique qui vient du ciel ! » On a calculé que, en 450 ans, il a été imprimé près de trente millions d’ouvrages et qu’il s’en fabrique annuellement plus de 200.000 sans compter les 80.000 revues et les 40.000 journaux publiés dans le monde. En 1900 on évaluait déjà à plus de 12.000 le nombre des ouvrages sur Jeanne d’Arc ; Goethe avait inspiré plus de 20.000 écrits, et c’est Napoléon qui semblait déten:r le record avec 70.000 travaux édités à son propos. Une horloge de 5 m. de diamètre a été montée sur la plage de Biarritz pour la plus grande satisfaction de tous les baigneurs et promeneurs en vacances, donc sans montre. La plus curieuse particularité de cette horloge est qu’elle fonctionne... à la main. En effet, on a installé derrière le cadran une chaise et un mécanisme simple, et un homme fait avancer les aiguilles chaque minute, en se servant pour cela d’une vraie montre. La me sure a été prise par la municipalité de Biarritz pour procurer du travail à un chômeur de l’horlogerie, qui peut ainsi gagner sa vie, dans son métier. SOMMAIRE DE JANVIER 1939 Vers les cimes ........................ 2 Nouvelle année ........................ 2 La foi et la raison .................. 3 En lisant mon journal ............... 5 Les bons livres ........................ « La formation des évangiles ............ 7 Que sera 1939 ? ....................... s Dieu ou hasard ? ...................... 11 La soif de Dieu ....................... 11 L’enfance de Jésus ............ 12 Lettre de tante Hermine à Jean ... 13 Coin des questions ............ 14 L’évangile, puissance de Dieu ........ 15 Entretiens bibliques (V) .......... 15 Ondes courtes ......................... 16 LES SIGNES DES TEMPS Revue mensuelle illustrée DAMMARIE-LES-LYS (S.-&-M.) Prix de l’abonnement annuel : France et colonies 15 fr. — 8 fr. — Suisse (arg. suisse) 3 fr. 50 2 fr. — Belgique (arg. belge) 18 fr. — 9 fr. 50 Etranger (arg. franç.) 18 fr. — 10 fr. AGENCES : PARIS, 130, boulevard de l’Hôpital (13e) MARSEILLE, 5, boulevard Longchamp STRASBOURG, 5, boulevard d’Anvers LAUSANNE, 8, av. de l’Eglise Anglaise BRUXELLES. 11, rue Ernest Allard ALGER, 139 ter, Chemin du Telemly RABAT, 8, rue Général Claverie CASABLANCA, 6, rue du Lieutenant Forgé Le gérant : G. Haberey. Le rédacteur : Ch. Gerber. Imprimerie Les Signes des Temps, Dammarie-les-Lys (S.-et-M.) LES SIGNES DES TEMPS 16