SIGNES DES TEMPS BIMESTRIEL - 102e ANNÉE - N° 4 SIGNES DES TEMPS Revue bimestrielle fondée en 1876 4 Les murs parlent John Graz 7 ... vous ne pourrez les détruire Bernard Sauvagnat 9 L'amour, une corde raide ? Denise Borjon 11 L'âge adulte Yvan Bourquin 14 La force de l'habitude Jean-Jacques Henriot 15 Absalom André Vandomber 18 Les vraies sources de la vie Claude Maubon 21 Une expérience à l'asile ! Joëlle Locatelli 23 Et dites-le en chantant ! Jean-Paul Cosendai 27 Ichthus en prison Le groupe Ichthus 29 Séminaire adventiste du Salève 31 Maranatha ! Charles Gerber sdt REDACTION ET ADMINISTRATION : 60, avenue Emile-Zola 77190 Dammarie les Lys, France Tél. (1) 439 38 26 C.C.P. 425-28 Paris JUILLET-AOUT 1978 Rédacteur responsable: Jean LAVANCHY Réalisation : Jean BREUIL AGENCES: Europe BELGIQUE, 11, rue Ernest Allard, 1000 Bruxelles FRANCE, «Le Soc», 208, avenue Anatole-France, 77190 Dammarie les Lys SUISSE, Librairie «Vie et Santé», 19, chemin des Pépinières, 1020 Renens/Lau-sanne Autres continents ALGÉRIE, 3, rue du Sacré-Cœur, Alger BURUNDI, Boîte Postale 1710, Bujumbura CAMEROUN, Boîte Postale 401, Yaoundé CANADA, 79, rue St Charles Est, Longueuil, P.Q. CONGO, Boîte Postale 154, Brazzaville COTE-D'IVOIRE, Boîte Postale 335, Abidjan GUADELOUPE, Boîte Postale 19, 97110 Pointe à Pitre GUYANE FRANÇAISE, Boîte Postale 169, 97300 Cayenne HAITI, Boîte Postale 28, Cap Haïtien HAITI, Casier Postal 868, Port-au-Prince HAUTE-VOLTA, Boîte Postale 592, Ouagadougou MADAGASCAR, Boîte Postale 1134, Tananarive MARTINIQUE, Boîte Postale 580, 97207 Fort de France MAURICE, 10, rue Salisbury, Rose-Hill NOUVELLE-CALÉDONIE, Boîte Postale 149, Nouméa RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, Boîte Postale 274, Bangui RÉUNION, Boîte Postale 922, 97400 Saint Denis SÉNÉGAL, Boîte Postale 1013, Dakar TAHITI, Boîte Postale 95, Papeete TCHAD, Boîte Postale 880, N'Djamena TOGO, Boîte Postale 1222, Lomé ZAÏRE, Boîte Postale 2099, Lubumbashi ABONNEMENTS ANNUELS France : 29 F Autres pays : 32 F Prix du numéro : France : 5,70 F Autres pays : 6 F Copyright by Editions et Imprimerie S.D.T. Directeur : A. Garsin. Dépôt légal 1978, n° 450 éditorial Jacques Lavanchy Un jeune homme, bouclé, roux, regard vif, dit à un inconnu : «Viens ! suis-moi. » L'inconnu le suit. Peut-être vont-ils changer le monde ? Ils en ont envie. Quelques semaines plus tard, les autorités demandent au jeune homme, bou clé, roux, d'aller prophétiser dans son pays. Le jeune homme s'appelait Daniel ; il y a dix ans, en mai 68. — C'est l'histoire des révolutions, même quand elles meurent. Un jeune homme s'avance vers un pêcheur et dit à l'inconnu : Toi, suis-moi. L'inconnu le suit. Peut-être vont-ils chan ger le monde ? Le pêcheur en a envie mais il ne sait pas que le jeune homme désire plutôt changer l'homme. Quelques semaines plus tard, les autorités demandent au jeune homme de quitter la région : Nul n'est prophète en son pays. Le jeune homme s'appelait Jésus ; il y a 2000 ans, peut-être un soir de mai. — C'est l'histoire des révolutions, mêmequand on ne les voit pas. John Graz aime raconter l'histoire de cette jeune fille, projetée à terre au cours d'une manifestation et qui, le visage en sang, répond à la question d'un timide Samaritain: «Que puis-je faire pour vous ? » « Changer le monde, monsieur ! » Malheureusement, changer le monde n'est que l'espoir des révolutions. Les révolutions des hommes comme celles des astres reviennent, périodiquement. Alors, les hommes, troublés ou méfiants, préfèrent les éviter. André, du groupe Ichthus, a changé son cœur en mai 68, pendant que ses amis tentaient de changer le monde. Oh ! il ne dit pas qu'ilsavaienttort. Mais, lui, a rencontré le Christ et, eux, la déception. Il ne s'agit pas de jouer sur les mots. Peut-être que la révolution politique et la révolution spirituelle se ressemblent. Mais la seconde a déjà eu des conséquences sur le cœur des hommes. Et quand le cœur change, la vie change, et... «la politique» aussi. Le pêcheur de Galilée a fait partie de ces gens qui ont bouleversé le monde, et ses paroles sont allées jusqu'aux extrémités de la terre. Depuis quelques années, de jeunes chrétiens essaient, selon leur talent, leurs possibilités, de proposer la révolution du cœur. Cette révolution commence sur un accord de guitare. (Ce qui met «d'accord» plus que les discours.) Et leurs accents vont jusqu'aux extrémités du monde. L'herbe sèche, la fleur tombe, mais la Parole de Dieu subsiste éternellement. Toi, suis-moi. chacun de l'entendre, selon son cerveau ou selon son cœur. A chacun de choisir sa révolution, celle qui passe comme les couleurs du temps et qui sèche comme la fleur ou celle qui, comme le soleil, subsiste éternellement. Jacques Lavanchy Les articles que vous trouverez dans ce numéro de Signes des temps sont, dans leur presque totalité, rédigés par des jeunes. Si leurs réflexions expriment les préoccupations de leur génération, nous pensons qu'elles constituent pour chaque lecteur un élément de rapprochement et une source de méditations particulièrement enrichissantes. 3 LES MURS PARLENT ■■■MB par John Graz Les murs de nos villes, de nos universités et même de nos campagnes sont de véritables journaux. On y apprend toutes sortes de nouvelles: soirées, meetings, procès. On y apprend aussi les revendications de tel ou tel groupement : « augmentation des salaires », « libéralisation ». Et puis, il y a les « A mort un tel ! », « Libérez celui-là ! », « Dupont assassin », « Durand complice », « Vive la dictature ! », « A bas la dictature ! »... Un véritable journal offert à tous. Les murs parlent. C'est une constatation. Les murs de nos villes sont sales, mais ils parlent. C'est peut-être pour lutter contre cette expression sauvage que les partis politiques y ajoutent leurs affiches électorales. Je vois encore un mur, certainement blanc à l'origine, recouvert de têtes. Pas n'importe quelles têtes; celles de nos grands hommes politiques. Seule une inscription légale subsiste. Elle précise : « Il est interdit d'afficher. » Sur les campus, on semble avoir en partie résolu le problème de l'affichage sauvage. De grands panneaux ont été installés un peu partout, et chacun y colle ce qu'il veut. On devrait créer des murs pour affichage, des zones spéciales, des panneaux où chacun pourrait écrire ce qu'il veut. Je suis persuadé que les gens viendraient en foule admirer ces chefs-d'œuvre de la spontanéité. Que ton règne vienne... Prière dominicale Les sociologues, les psychologues auraient là matière à réflexion. Le grand public aussi, car, les choses étant ce qu'elles sont, nos murs restent à lire. Sur la route Sur la route de Valence à Montpellier, en plein virage, à droite, une inscription: «Jésus revient.» Deux cents mètres plus loin, sur le mur d'un cimetière : « Jésus revient bientôt. » Ça fait un choc. Jésus, on le connaît tous. Mais apprendre, au détour d'un virage, qu'il revient, eh bien ! c'est une surprise. Jésus est venu ; pourquoi dire qu'il revient ? L'auteur de cette inscription n'a pas respecté la loi, mais il a atteint son but. Nous oublions le mur sali, la couleur de la peinture, et nous voici en face d'une affirmation qui surprend : «Jésus revient». Est-ce possible ? L'histoire nous enseigne que les chrétiens des premiers siècles croyaient fermement au retour du Seigneur. Puis, avec saint Augustin, l'espérance a changé d'orientation. Malgré cela, il y a toujours eu des hommes et des femmes pour y croire. Principalement aux 13e, 16e et 19e siècles, certains crurent pouvoir dater l'événement. (Cf. John Graz, Le Mouvement adventiste du septième jour — Origine et développement. Maîtrise université Montpellier, 1974, p. 7.) Aujourd'hui, de nombreux croyants proclament cette bonne 4 Paul Bleeckx nouvelle. D'autres estiment qu'elle est sans rapport avec la réalité. C'est un peu comme si nous étions placés devant un mur portant des inscriptions contradictoires. Laquelle croire? Pour répondre, il me faut étudier le plus objectivement possible des faits et des documents dignes de foi. Nous allons consulter ensemble le document par excellence ; il fait autorité en la matière : c'est la Bible. Première question : Jésus parle-t-il de son retour ? Voici ce qu'il déclare à ses disciples, quelques heures avant son arrestation : Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu, et croyez en moi. H y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n'était pas, je vous l'aurais dit. Et il ajoute, c'est important : Je vais vous préparer une place. Et, lorsque je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi. Jean 14 : 1-3. Mais, allez-vous me dire, l'Ancien Testament annonce une seule venue du Messie. Ce n'est pas tout à fait exact. Les prophètes prédisent la venue d'un Messie glorieux qui établira son règne et jugera les rebelles. Cependant, ils nous présentent aussi, et tout spécialement Esaïe, un Messie serviteur, souffrant. Voici quelques extraits : Puni pour nos péchés ... Esaïe 53. Le retour du Christ est annoncé dans la Bible par un nombre si considérable de passages (1527 dans l'Ancien Testament et 319 dans le Nouveau, dit-on), qu'il n'en est guère de plus important pour le chrétien après celui de la naissance et de la mort du Sauveur. René Pache H s'est élevé devant lui comme une faible plante.... C'est de nosdouleurs qu'il s'est chargé. ...Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui... Esaïe 53 : 2, 4, 5. Est-ce qu'il y a deux Messies ? L'un souffrant, sacrifié, l'autre glorieux ? Non, il n'y a qu'un seul Messie, mais deux objectifs, deux manifestations différentes. Par sa première venue, Jésus nous sauve du mal, de la mort, puisqu'il a vaincu le mal et la mort. Par sa deuxième venue, Jésus glorifié, tout-puissant, prend possession de son peuple et de son royaume. L'apôtre Paul déclare : Christ, qui s'est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra sans péché une seconde fois, à ceux qui l'attendent pour leur salut. Hébreux 9 : 28. Jésus reviendra ; la Bible l'affirme. Comment reviendra-t-il ? Pouvons-nous être sûrs qu'il n'est pas déjà revenu ? Drôle de question n'est-ce-pas ? Alors qu'avec plusieurs jeunes nous rendions témoignage pour le Christ dans les rues d'Avignon, une dame s'est approchée: «Pourquoi dites-vous que Jésus va revenir? s'écria-t-elle. Il est déjà venu ! » Dans une autre réunion, un jeune homme me dit : « Jésus est revenu en 1914. » En voilà déjà deux. 5 La presse a parlé d'un certain Moon, riche industriel coréen, qui prétend être le vrai Messie. Serait-il venu sans nous le dire? Heureusement, la Bible répond : Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. Actes 1:11. L'apôtre Jean, auteur de l'Apocalypse, répond : Tout œil le verra... Apocalypse 1 : 7. Et s'il y avait encore des doutes, voici ce que Jésus lui-même dit : S/ quelqu'un vous dit alors : Le Christ est ici, ou : H est là, ne le croyez pas. Car il s'élèvera de faux christs et de faux prophètes; Us feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus ...Si donc, on vous dit : Voici, H est dans le désert, n'y allez pas ; voici, H est dans les chambres, ne le croyez pas. Car, comme l'éclair part de l'orient et se montre jusqu'en occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme. En quelque lieu que soit le cadavre, là s'assembleront les aigles. Matthieu 24 : 23, 24, 26-28. Dans d'autres textes, la Bible compare le retour de Jésus au triomphe d'un général. Le triomphe était une cérémonie extraordinaire offerte à la gloire d'un grand vainqueur. Les luttes, les souffrances, les haines sont terminées. Le monde d'aujourd'hui fait place à un autre. Une nouvelle histoire commence. Voilà pourquoi le Seigneur reviendra en gloire, en puissance, et chacun pourra assister à son triomphe. Mais quand reviendra-t-il ? Jésus lui-même répond : Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait. ... Matthieu 24: 36. Le Seigneur reviendra dans la surprise générale, au moment où personne ne s'y attendra : Pour ce qui est des temps et des moments, déclare l'apôtre Paul, vous n'avez pas besoin, frères, qu'on vous Le cœur reste froissé devant la puissance effrayante du mal. L’attente calme et patiente de la deuxième apparition du Christ met seule un baume sur ces blessures. P. Valloton en écrive. Car vous savez bien vous-mêmes que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les hommes diront : Paix et sûreté ! alors une ruine soudaine les surprendra, comme les douleurs de l'enfantement surprennent la femme enceinte, et Us n'échapperont point. 1 Thessaloniciens 5 : 1-3. Les signes des temps nous avertissent que ce jour ne saurait tarder. Plus que jamais, nous sommes invités à examiner notre vie, notre foi, notre espérance. «Veillons et soyons sobres», dit l'apôtre. L'étude de la Bible, la prière, une vie de service, de dévouement, de générosité nous aideront à veiller. Que va-t-il se passer lorsque le Seigneur reviendra ? Car le Seigneur lui-même, dit l'apôtre Paul, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. 1 Thessaloniciens 4 : 16, 17. Cette réponse demande quelques explications. Jésus revient en gloire, tout-puissant. Il possède en lui la vie. Il la donne à ceuxqui croient. La mort est vaincue. Jésus, Prince de la vie, redonne la vie aux morts: c'est la résurrection. Le Shadou Sundar Sin comparaît le retour du Christ à un aimant que l'on approche du sol. De la limaille de fer est dispersée dans la poussière. A mesure qu'il se rapproche, l'aimant attire le fer à lui. Les minuscules particules sont arrachées de la terre, s'élèvent et se collent au métal. Les croyants morts ou vivants seront attirés vers leur Seigneur, comme la limaille vers l'aimant. Comprenez-vous maintenant pourquoi nous avons confiance dans l'avenir ? Comprenez-vous pourquoi nous attendons Jésus et annonçons à tous qu'il va bientôt revenir? A tous, c'est-à-dire à vous aussi ! 6 .vous ne pour rez les détruire par Bernard Sauvagnat Si c’est des hommes que vient leur résolution ou leur entreprise, elle disparaîtra d’elle-même ; mais si c’est de Dieu... (Gamaliel, pharisien, docteur de la loi.) Actes des Apôtres 5 : 38, 39. Jésus, lorsqu'il parcourait la Galilée et la Judée, était suivi de foules. Ses guérisons attiraient. Ses paroles captivaient. Sa personnalité rayonnait. Mais lorsqu'il fut arrêté, maltraité, puis exécuté comme le pire des brigands, il ne restait plusqu'une poignée d'hommes et de femmes à se ranger de son côté. Ecœurés de l'attitude de la foule, déçus de celle de Jésus, ces compagnons de la dernière heure étaient désemparés. Comment un groupe si peu nombreux de gens si déprimés a-t-il fait pour devenir un mouvement mondial et dynamique en l'espace de quelques années seulement ? C'est cette question qui a intrigué un historien antique, chrétien lui-même, probablement nommé Luc. Il s'est lancé dans la recherche, telle qu'on pouvait la concevoir à son époque, et cela a donné un ouvrage en deux volumes : l'évangile de Luc et les Actes des Apôtres (cf. Luc 1 : 1 -3 et Actes 1 : 1, 2). Le premier volume est consacré à Jésus lui-même et le second à cette dynamique qui anima ses premiers adeptes. Ce petit groupe sort de sa dépression quand il rencontre Jésus. Celui qu'ils croyaient mort pour toujours est vivant. Jésus, revenu à la vie, leur parle, mange avec eux (Actes 1 : 4), les encourage ; et ceci pendant près d'un mois et demi (Actes 1 : 3). Et quand il les quitte ils sont regonflés à bloc et prêts à tout pour lui, surtout qu'ils ont l'assurance qu'il est vivant et que ses promesses vont s'accomplir. Le groupe s'élargit et compte cent vingt militants qui reconnaissent l'autorité des douze témoins de la résurrection et se structurent autour de cette cellule initiale (Actes 1 : 12-26). Discipliné et fidèle à l'ordre du maître, ce groupe attend pour se mettre au travail de recevoir l'énergie promise. Lorsque cette énergie survient, l'esprit de Jésus, ce groupe connaît une explosion. De 120 il passe à 3000 (Actes 2 : 41). Mais ces 3000 sont tous des compatriotes; Juifs pieux venus de partout (Actes 2 : 5) et prosélytes (Actes 2:11); marqués du signe distinctif de la circoncision ils partagent les mêmes convictions fondamentales, celles qui viennent de la loi et des prophètes bibliques. Sur cette lancée, le groupe atteint rapidement le nombre de 5000 (Actes 4 : 4). Mais il reste un groupe de Juifs centré sur le temple et en désaccord avec les autorités religieuses établies. Jusque-là on a affaire à un mouvement religieux à l'intérieur du judaïsme. De tels réveils il y en avait eu plusieurs et il y en aurait encore 7 après. Tous s'étaient éteints d'eux-mêmes ou s'éteindraient par la force des événements. Le mouvement chrétien fut le seul à déborder le cadre rigide du judaïsme et donc à ne pas s'éteindre dans l'œuf. Le livre des Actes fait état, sans en expliquer avec précision l'origine et la cause, d'une dualité à l'intérieur du mouvement. Il y a des « Hébreux » et des « Hellénistes» (Actes 6 : 1 ss) parmi les chrétiens et tous sont des Juifs. La différence entre ces deux groupes est probablement plus qu'un simple problème de langue : il semble que le terme «Hellénistes» désigne non seulement ceux qui parlent la langue grecque mais aussi qui vivent plus ou moins à la façon des Grecs. Une telle catégorie de Juifs est louche pour le judaïsme orthodoxe. Elle est pourtant admise dans la communauté chrétienne, mais cela ne va pas sans heurt et jalousie entre les deux sous-groupes. Mais l'ordre est rétabli dans le mouvement chrétien par la nomination de sept serviteurs à des postes de responsabilité, et ces sept, d'après leurs noms, sont des «Hellénistes». C'est un premier pas vers l'ouverture à l'ensemble du monde. Cette ouverture suscite la méfiance et même la violence des Juifs les plus fidèles au temple. Etienne, le premier des sept, est lapidé (Actes 7). Ce premier acte de violence en entraîne d'autres, et la communauté chrétienne est dispersée. C'est cette dispersion forcée qui entraîne un mouvement centrifuge par lequel la dynamique chrétienne s'enrichit en s'ouvrant aux non-Juifs (Actes 8 : 1-4). Ce mouvement centrifuge conduit d'abord vers les Samaritains. Ni Juifs ni païens, circoncis et attachés aux livres de Moïse, ils sont pourtant méprisés par les Juifs parce qu'ils sont de sang mêlé, et depuis plusieurs siècles les adeptes d'un culte rival de celui de Jérusalem, celui du mont Garizim. Leur entrée dans l'église chrétienne ne se fait pas sans difficulté : ce n'est qu'en présence des apôtres que le Saint-Esprit leur est donné (Actes 8: 14-17). Cette intervention exceptionnelle de Dieu rend possible une mission organisée en Samarie (cf. Actes 8 : 4-24 et 25). Ensuite, c'est un étranger qui reçoit l'Evangile. Certes, c'est un étranger qui est lié au judaïsme: il vient défaire un pèlerinage à Jérusalem (Actes 8 : 27), il possède et lit l'un des manuscrits précieux des livres sacrés du Judaïsme (Actes 8 : 28-33). Mais c'est un eunuque (Actes 8 : 27) donc un être inadmissible dans le peuple d'Israël (cf. Deutéronome 23: 2). L'admettra-t-on dans la communauté chrétienne ? Il se le demande (Actes 8 : 36). Il est accepté : Philippe qui a été entièrement guidé par Dieu dans cette rencontre ne peut le refuser (cf. Actes 8 : 26, 29, 38, 39). L'étape suivante est marquée par l'entrée dans le mouvement chrétien de son ennemi public numéro un, Saul. Cette entrée est difficile à admettre: Ananias doute de l'authenticité du changement intervenu chez Saul (Actes 9 : 13, 14), pourtant Dieu l'envoie vers lui ; de même les croyants de Jérusalem (Actes 9 : 26), mais leur attitude change grâce au témoignage de Barnabas (Actes 9 : 27, 28). Dès lors la paix règne dans la communauté chrétienne qui s'est développée jusqu'à atteindre les frontières de l'ancien royaume de David incluant la Judée, la Galilée et la Samarie (Actes 9:31). Le mouvement centrifuge a permis à l'Evangile d'atteindre les limites du judaïsme, grâce à des interventions divines et humaines non contrôlées par les chrétiens eux-mêmes. Va-t-il franchir les limites du judaïsme et atteindre les incirconcis? C'est justement le grand message d'Actes 10 et 11. Là encore, les faits sont racontés de manière à donner à Dieu toute l'initiative. C'est lui qui envoie un ange chez Corneille pour qu'il fasse venir Pierre (Actes 10 : 3). C'est lui qui donne unevisionà Pierrepour lui montrer que les anciennes barrières doivent tomber (Actes 10:15). C'est encore lui qui parle par l'Esprit pour que Pierre accepte l'invitation de Corneille (Actes 10:19, 20). Enfin c'est lui qui, en donnant l'Esprit à l'assemblée d'incirconcis réunis chez Corneille, exige en quelque sorte qu'ils soient admis par le baptême dans la communauté chrétienne (Actes 10: 44-48). Et cette admission est contestée, et Pierre doit passer devant un véritable conseil de discipline (Actes 11:1 -3). Heureusement pour lui il a des témoins (Actes 10 : 23, 43 ; 11 : 12), mais surtout il a été contraint par Dieu (Actes 11 : 17). Ainsi l'administration de l'église chrétienne naissante est bousculée par ce phénomène et la communauté s'ouvre alors aux incirconcis (Actes 11:18). Désormais l'Evangile peut être annoncé aux Grecs aussi bien qu'aux Juifs (Actes 11 : 20) et Barnabas et Saul se lancent dans le premier grand périple missionnaire hors de Palestine (Actes 13, 14). Mais les traditions et tabous anciens ont la vie dure et cette mission qui admet les incirconcis est contestée à grand bruit (Actes 15: 1-5) et un grand débat est organisé. Pierre rappelle alors comment Dieu l'a conduit chez Corneille et lui a enseigné le salut indépendamment de la circoncision (Actes 15: 7-11). Jacques suggère de prendre une décision qui permettra à la communauté chrétienne de devenir communauté de table et de famille en n'exigeant des chrétiens incirconcis qu'une soumission rendant cette communauté possible (Actes 15:20, 28, 29). Cette soumission est d'ailleurs un rappel des lois auxquelles l'étranger en séjour dans l'ancien Israël devait se soumettre (cf. Genèse 9: 3-7; Lévitique 17: 10-16; 18: 6-18). Une fois cette décision prise, le mouvement chrétien connaît un essor en direction des incirconcis, essentiellement au travers des voyages de Paul. Ainsi, une lecture attentive des quinze premiers chapitres des Actes montre que ce qui a permis à ce petit noyau de disciples de Jésus de devenir un mouvement dynamique mondial ce n'est ni la planification faite par eux, ni la méthode de travail adoptée, mais Dieu lui-même intervenant pour briser les réticences de ceux même qui avaient pour idéal de répandre l'Evangile. Qu'en est-il aujourd'hui ? Encore et toujours ce mouvement subsiste et même se développe en dépit des chrétiens eux-mêmes, Pourquoi ? Parce qu'il ne vient pas des hommes mais de Dieu. 8 I amour « Si nous voulions résumer en un mot tout le secret de relations humaines harmonieuses, génératrices de conditions favorables au bonheur, nous n’en saurions trouver de plus adéquat, ni de plus expressif que le mot amour 1. » Encore unedéfinition plutôt vague, souriez-vous ! Pourtant, si nous savons reconnaître le visage de l'amour, en dépit de toutes ses expressions changeantes, en nous-mêmes et chez les autres, cette définition devient lourde de sens. Je veux d'abord vous mettre en garde. L'amour est un terrain dangereux ; c'est la corde raide. On ne peut l'emprunter sans accepter ses lois d'équilibre. Voilà une affirmation qui me concerne ! Libre à vous d'en rester là. Permettez-moi toutefois de vous demander si vous avez jamais posé le pied sur cette corde. Si vous vous êtes jamais engagé aussi totalement dans l'amour que l'équilibristesursa corde. En fait, qu'est-ce que cela implique en moi, pour moi face à ce visage qui rit ou qui pleure ? D'abord beaucoup d'honnêteté, une honnêteté envers soi-même prête à fouiller ses propres convictions pour parvenir à une prise de position et actualiser un choix précis. Face à moi-même, je dois mettre à nu l'objet de ma propre vie. Ce n'est pas par Denise Borjon une mince affaire car cet objet est le plus exigeant qui soit puisqu'il se nomme Amour. Parfois, je devrai malheureusement constater un certain décalage entre mes actes et mes exigences. Il me faudra bien reconnaître alors que ces exigences seules me permettent d'avancer et que je défaille souvent devant elles. Mais l'important est de ne pas les perdre de vue ou les abandonner, par faiblesse, découragé. La force réside au contraire dans la capacité de se relever à la suite de cette « nième » chute qui vient de me surprendre. «Je désire tellement le suivre et voilà qu'une fois de plus j'ai dérapé sur le chemin de l'amour, à la limite du précipice. » Soupir qui m'a souvent échappé. Paul, celui qui a rencontré Jésus sur le chemin de Damas — de l'amour (Jésus ne se rencontre que sur cette voie-là) —, va m'aider à retrouver l'équilibre. Il l'offre aussi à ceux qui le cherchent encore : Celui qui aime est patient, H sait attendre; son cœur est largement ouvert aux autres. H est serviable, plein de bonté et de bienveillance ; il cherche à être constructif et se plaît à faire du bien aux autres. L'amour vrai n'est pas possessif, Une cherche pas à accaparer, il est libre de toute envie, il ne connaît pas la jalousie. ... Aimer, c'est ne pas penser d'abord à soi, chercher son propre intérêt, insister sur ses droits. L'amour n'est pas irritable, H ne s'aigrit pas contre les autres. H n'est pas susceptible. Paul Bleeckx 9 une corde raide? Quand on aime, on ne médite pas le mal et on ne le soupçonne pas chez les autres. ... L'amour couvre tout / H souffre, endure et excuse. H sait passer pardessus les fautes d'autrui. Aimer, c'est faire confiance à l'autre et attendre le meilleur de lui, c'est espérer sans faiblir, sans jamais abandonner. C'est savoir tout porter, tout surmonter2. Je parlais de corde raide et d'équilibre parce que ce genre d'amour me demande autant de maîtrise de moi et tout à la fois d'abandon de moi que le câble du funambule. Cependant le funambule risque le tout pour le tout. En ce qui concerne l'amour décrit par Paul rien n'est à perdre, tout est à gagner. Mais on ne s'en aperçoit que lorsque, par la foi, on accepte de s'engager sur cette corde, «folie de Dieu» aux yeux de ceux qui la refusent. De même que le funambule, il faudra aussi mettre un pied devant l'autre, comme pour réapprendre à marcher, car le véritable amour nous était devenu totalement étranger; réapprendre à s'accepter soi-même et à s'accepter face aux autres sans complexe d'infériorité ni de supériorité, après avoir connu l'amour de Dieu. Est-il nécessaire d'exprimer que tout être a en lui un immense besoin d'amour: désir d'être aimé et d'aimer. Or l'essence de Dieu est l'amour. Au cours des millénaires d'existence de notre planète, des centaines de personnes sont passées à côté de l'amour parce qu'elles ont rejeté Dieu. Lui seul peut nous amener à nous connaître vraiment parcequ'il nousa pétris de sa main. Créés à son image par l'amour et dans l'amour (le seul bien-être de l'homme était visé), nous ne retrouverons le bonheur qu'en recherchant cette source d'amour. Oui, nous n'avons pas demandé à vivre ; mais Dieu choisit de noustirer du néant pour nous offrir le don de la vie. Don empoisonné pour certains ? NOUS l'avons empoisonné par notre volonté de vivre par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Les souffrances, la mort de Jésus vont permettre de purifier cette vie de tout poison. Elles sont la révélation de ce qu'est l'amour absolu. Dieu s'est engagé, en créant l'être humain, à lui donner tout ce qu'exigerait son bonheur. Sa créature l'ayant rejeté, il lui offre un ultime recours. Il ne pouvait faire autrement que de mourir lui-même. Parce que cet abandon total est l'accomplissement de ce qu'il est. Si chacun de nous s'éveillait au fait qu'il est né pour être heureux, et qu'être heureux implique une ouverture sur son voisin ou lequidam de la rue, les relations humaines ne seraient plus écrasantes. Cette prise de conscience nécessite un retour sur soi-même, une reconnaissance humble de ses défaillances, de sa dépendance à l'égard d'un Créateur qui est la source du quotidien. Ce quotidien riche de possibilités mais appauvri par notre étonnante aptitude au malheur. Alors nous accueillerons la mort de Jésus sur la croix et la vie de Jésus ressuscité comme seuls débouché et ouverture sur l'amour. Ce passage de «petit-dieu» à créature divine amène à une vision nouvelle de soi-même et des autres. Nous apprenons l'amour à la manière de Paul. Nos actes, miroir de nos pensées, sont don de soi, quelles que soient les oppositions auxquelles nous nous heurtons. Devant les autres la patience fait place à l'irritabilité, la suspicion à la compréhension. Conscients de nos propres faiblesses, comment pourrions-nous condamner l'autre? Mais conscients aussi de notre valeur aux yeux d'un Dieu aimant, saurions-nous être condamnés dans nos motivations? Par ce Dieu seul nous avons la capacité d'avancer seconde après seconde, pas après pas pour que l'amour supplante l'oppression. Vécu dans ses exigences absolues, l'amour dépeint dans notre texte de 1 Corinthiens 13 engendre l'équilibre parfait du funambule, de l'être humain face à Dieu, aux autres, au monde qui l'entoure. Pour atteindre cet équilibre, nous avons besoin du balancier divin : l'Esprit qui nous recrée à l'image de son amour et nous rattrape lorsque nous mettons le pied à côté de la corde au risque de tomber dans le vide. Dans le temps présent, je connais d'une manière imparfaite et partielle, mais alors je connaîtrai aussi parfaitement que Dieu me connaît et je comprendrai comme j'ai été moi-même compris2. Lorsque Jésus, revenu sur terre, me revêtira de perfection et d'immortalité. Alors plus de corde raide car je serai moi-même pleinement amour. Cet amour aura comblé chaque recoin encore existant de l'immense abîme d'égoïsme toujours menaçant en moi. Parce que Dieu était, est, et sera, l'amour existe, hier, aujourd'hui et n'aura pas de fin4. ■ 1. Francis Baud, Les relations humaines, p. 124, collection « Que sais-je ? » 2. 1 Corinthiens 13 : 4-7 (transcription Kuen) 3. 1 Corinthiens 13:12 (transcription Kuen) 4. 1 Corinthiens 13:8 (transcription Kuen) 10 par Y van Bourquin Quand j’étais jeune marié, j’avais entrepris, pour plus de commodité, d’installer un « va-et-vient ». Ce dispositif ingénieux devait en principe nous permettre d’éteindre ou d’allumer notre lampe à pied de plusieurs endroits différents. Jedisbien : en principe. Car entait, ce système se révéla agaçant au possible. Pas moyen de le faire fonctionner normalement ! J'avais tendance, bien sûr, à incriminer le matériel que je m'étais procuré. Mais mon épouse, avec finesse, riait de mes dons d'électricien: «Tu m'en reparleras, de ton va-qui-ne-vient-pas ! » Depuis lors — est-ce par souci de me racheter? — j'ai toujours eu un faible pour les installations électriques. Je savoure particulièrement le moment où la lumière jaillit. C'est la preuve par neuf : le courant passe ! Ce phénomène (le courant qui passe ou qui ne passe pas) se retrouve sur un tout autre plan. Dans la conversation, lorsque nous échangeons des expériences, il nous arrive de sentir que le message a été reçu — ou l'inverse. Plus le sujet abordé est profond et nous touche de près, plus nous sommes attentifs à être bien compris. Après une conférence biblique, par exemple, l'orateur sera déçu s'il a l'occasion de constater que les auditeurs ont simplement enrichi leurs connaissances, mais ne sont pas plus avancés dans le domaine spirituel. Il en déduira que le courant n'a pas passé. L'écueil est bien connu : celui qui ne se laisse pas assez imprégner de l'Esprit demeure trop extérieur à la vie divine. Cela se perçoit. La lumière qu'il apporte a beau susciter l'enthousiasme sur le plan intellectuel; en profondeur, elle ne réchauffe personne. Pour toucher les cœurs, et pas seulement les cerveaux, il faut avoir un message vécu, il faut ressentir intensément ce que l'on dit. En un mot : il faut vibrer. Cela ne relève pas du type de caractère. C'est une question de maturité. Ici, une petite parenthèse. Pour désigner lediplômequi sanctionne la fin du cycle secondaire, les Français ont choisi le mot de «baccalauréat» (littéralement: «baie de laurier»); les Suisses préfèrent parler de «maturité», et les Belges des «humanités». Les uns se montrent surtout sensibles à l'aspect honorifique, les autres accentuent l'idée de développement. Chaque position a son avantage : dans le second cas, on rappelle judicieusement que la culture doit servir à mûrir plutôt qu'à briller (!) ; dans le premier, on évite de confondre un diplôme avec une réalité profonde... Revenons à notre propos. Vous avez saisi que j'aimerais surtout m'attarder, dans ces quelques lignes, sur la maturité spirituelle. Il existe bien des domaines où l'homme est appelé à un développement complet : croissance physique, éveil des facultés mentales, formation du jugement (moral ou esthétique), vie affective (sérieusement négligée dans l'éducation contemporaine). On pourrait y ajouter l'équilibre indispensable entre la maîtrise de son cerveau et celle de ses mains. Tout cela est important. Mais qu'en est-il du domaine intérieur par excellence, la spiritualité? Là aussi, un défi nous est lancé : combien de personnes se contentent de leur état (infantile) et ne parviennent jamais au stade adulte ! Il y a place pour une maturation. Jacob demeure seul J'en viens à l'expérience de Jacob. La lutte avec l'Ange. Comment se la représenter ? Réalité d'un corps à corps où les adversaires se font rouler dans la poussière ? Imaged'un conflit intérieur intense dont on sort victorieux par la prière ? Peu importe. Dans le cas de Jacob, la description se veut réaliste : Un homme se poussiéra avec lui (traduction littérale). Mais ce combat devient pour nous le symbole d'une étape à franchir, d'un passage à la maturité. Les conditions préalables se lisent en toutes lettres : Jacob demeura seul'. Ce mûrissement n'est pas de ceux qui s'effectuent dans la foule et le vacarme. Il ne peut se produire dans le bruit. Pour l'expérimenter, il faut rentrer en soi-même, comme l'enfant prodigue de la parabole2. Le silence et la nuit sont des facteurs propices au recueillement. Vous me direz : « L'image vire à la scène de piété classique. Il ne manque plus que l'auréole!» Détrompez-vous : près du torrent au nom tumultueux, le Jabbok, un flot de pensées resurgit dans l'esprit du héros. Sa conscience ne lui laisse plus de répit. Sa vie passée défile devant ses yeux. Sa vie passée? Non : une scène, une seule, qui le poursuit depuis vingt ans, culpabilisante au possible : la bénédiction paternelle ravie à son frère par une tromperie infâme. Ce qui tourmente Jacob, ce qui hante 11 Je ne te laisserai point aller, que tu ne m’aies béni. Genèse 32:26 ses nuits, c'est le regard accusateur d'Esaü. Il sait maintenant qu'il ne l'évitera pas, qu'il devra l'affronter. Il a pu croire que cette rencontre lui serait épargnée. N'est-ce pas Dieu qui lui disait de retourner au pays de ses pères et l'assurait de sa présence ? Et voilà que son frère s'approche avec quatre cents hommes ! La victime de sa ruse vient pour se venger... La nuit d'angoisse a commencé. Tout à coup, d'une manière imprévisible, un ennemi surgit. Un ennemi ? Du moins Jacob le pense. Dans cet agresseur, il ne peut voir qu'Esaù — ou quelqu'un de son bord. Et il se met à lutter... «Cet ennemi si proche, si intime, qu'il partage notre solitude, Jacob, en luttant, va comprendre que c'est Dieu, personne d'autre que ce Dieu qui n'a pas cessé d'être avec lui ! Ce Dieu, sur lequel Jacob comptait pour être délivré d'Esaü, c'est lui maintenant qui attaque Jacob au nom d'Esaü, au nom de la victime, comme si le mal que Jacob a fait à son frère, c'était à Dieu lui-même qu'il l'avait fait. Ce n'est pas un homme qui va juger Jacob, c'est Dieu. Et si Dieu se substitue à Esaù, c'est pour que Jacob, condamné à mort, ne meure pas, mais que meure seulement son péché3. » Dieu poursuit ainsi son dessein d'amour. Mais pour que la bénédic tion prise par ruse devienne «légitime », Jacob doit confesser son nom et par là reconnaître sa faute — son nom signifie « supplanteur ». Cette étape décisive dans sa vie, nous pouvons, sans risque de nous tromper, l'assimiler à une conversion. Non pas tant à cause de l'expression littérale qui apparaît dans la traduction de Louis Segond :... et mon âme a été sauvée4. Dans les versions plus récentes, en effet, ce cri prend une autre résonance : j'ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauvée5. Il s'agit de l'étonnement reconnaissant de celui qui a pu «affronter» l'Eternel sans mourir. Néanmoins, il est clair que cette expérience constitue pour Jacob la crise de sa vie. Avec la bénédiction, c'est l'assurance du pardon qu'il reçoit. Avec le pardon, la paix intérieure. Il ne craint plus de rencontrer son frère6. De manière significative, il passe devant les siens7. Il se porte en avant. Ce n'est plus Jacob, c'est Israël ! Tu as combattu avec E/ohim comme avec des hommes, et tu as vaincu5 ! s'exclame l'adversaire en lui donnant son nom nouveau. Frappé à l'emboîture de la hanche, Jacob reste marqué jusque dans son corps. Sa rencontre avec son Dieu l'a désarticulé. Il en ressort infirme et meurtri, mais peu importe : il a reçu la bénédiction après laquelle il a tant soupiré... Quel est celui qui nous malmène ? La question me paraît essentielle. Elle est soulevée avec beaucoup de pertinence par Watchman Nee, qui note que bon nombre de personnes « ne voient pas la main de Dieu. Il a beau travailler, Il a beau détruire, elles ne discernent pas que tout ce qui se passe vient de Lui. La lumière leur manque ; dans ce qui les contrecarre, elles ne voient que les hommes. Elles s'imaginent que leur entourage est vraiment trop difficile ; elles s'en prennent aux circonstances. Elles poursuivent ainsi leur chemin dans l'obscurité et la désespérance9. » Nous avons tous à rencontrer l'Ange. Et la blessure. Celle-ci paraît toujours portée là où nous n'aurions surtout pas voulu la recevoir : c'est notre « moi »qui est en jeu, notre nid de résistance à la volonté divine. Il faut qu'il soit démantelé. Sans se lasser, Dieu revient à la charge. Il fait la guerre à mon vieil homme — celui que je m'acharne à défendre, à justifier. Tout entier dans cette préoccupation, j'en arrive à lutter, comme Jacob, aveuglément, obstinément, sans même reconnaître en ('«adversaire » la main de mon Seigneur. J'ai décrété une fois pour toutes que 12 Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ repose sur moi. 2 Corinthiens 12 : 9 l'« homme» qui vient troubler ma solitude est un ennemi, et je cherche une seule chose : à me débarrasser de lui. Persuadé qu'il veut ma mort, j'en viens à souhaiter la sienne. Or, c'est le Christ que j'ai en face de moi. Etrange aberration de celui qui se cramponne à son vieil homme, prêta décupler sa force afin de lui accorder encore un temps le droit d'asile qu'il réclame, disposé aussi à tous les subterfuges pourvu qu'on le laisse tranquille... Je fais corps avec mon péché. Dans l'Evangile, cela s'appelle: être démoniaque ! Mais l'Evangile s'empresse d'ajouter : guérison possible ! Il y a, bien sûr, à cela une condition indispensable : je dois reconnaître enfin quel est celui qui me brise. Mais c'est encore insuffisant. Il me faut discerner la raison pour laquelle il me poursuit de ses coups. Tantque je n'y vois pas son dessein d'amour envers moi — envers mon «vrai moi», non pas Jacob mais Israël, c'est-à-dire celui que je puis devenir avec son aide —, tant que je reste insensible à l'espoir fou qu'il met en moi, je ne me laisserai pas faire: Que l'on ne se méprenne pas: quand je parle des « coups » que Dieu me porte, ce n'est qu'une manière de m'exprimer en raccourci. Loin de vouloir lui attribuer les malheurs qui me frappent, je crois au contraire que ceux-ci sont imputables au dérèglement qui sévit à la suite de l'entrée du péché dans le monde. Dieu utilise simplement pour mon bien les maux que je me suis attirés par ma folie. Il m'invite à dépasser mon premier mouvement de révolte stérile. Le sens de nos tourments Quand je pense à l'apôtre Paul... Cela ne m'avait jamais frappé auparavant. Oui, je connaissais bien son expression : une écharde dans la chair™. On m'avait appris qu'il souffrait apparemment d'une maladie des yeux, etqu'il yfaisait allusion dans ce passage, selon toute probabilité. Je n'avais guère approfondi. Réfléchissez une minute : il affirme que cette «écharde» a pour fonction de l'empêcher de s'enorgueillir. Curieux! L'orgueil, ça fait bien partie du vieil homme, non ? N'en serait-ce pas le centre? Or, si l'apôtre a conscience de ce danger, il devrait se montrer pleinement reconnaissant envers Dieu qui cherche à l'en préserver. Sa maladie et l'infirmité de Jacob ne sont pas sans analogie : en boitant, ce dernier pouvait-il ne pas se souvenir de l'Ange qui lui avait infligé cette blessure? N'avait-il pas de bonnes raisons, lui aussi, de la considérer comme une écharde dans la chair ? Alors dites-moi : pourquoi l'apôtre parle-t-il d'un ange de Satan et non pas de l'Ange du Seigneur? J'ai l'impression qu'il se laisse un peu aller à son premier mouvement (c'est aussi le nôtre) : tout mettre sur le compte de l'ennemi. En fait, après réflexion, il se ravise et va jusqu'à se féliciter de ses faiblesses. Dieu lui a révélé le sens véritable de son tourment : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse 11. Avouons que l'apôtre Paul nous dépasse alors de toute sa hauteur. Il reconnaît la main du Père. Il est parvenu à la maturité spirituelle. Il réagit en adulte. Puissions-nous dire avec lui : « C'est Toi ; puisque c'est Toi, je veux l'accepter12 ! » Alors, pour nous, comme pour Jacob après la nuit d'angoisse, le soleil se sera levé. ■ (1) Genèse 32 : 24 (2) Luc 15:17 (3) Ed. Jeanneret, La faiblesse de Dieu, Les presses de Taizé, 1967, p. 33, 34 (4) V. 30 (5) Traduction œcuménique (6) Voir EllenWhite, Patriarches et prophètes, p. 176 (éd. 1975) (7) Genèse 33 : 3 (8) Genèse 32 : 29 (trad. Dhorme, éd. Pléiade) (9) La libération de l'esprit, p. 20 (10) 2 Corinthiens 12:7 (11)2 Corinthiens 12:9 (12) L’expression est de W. Nee 13 Lorsque quelqu'un accomplit un acte mécanique dont ensuite il prend conscience, il dit: «C'est la force de l'habitude.» L'habitude est effectivement une force qui nous fait agir sans véritable raisonnement, et cependant on ne peut faire autrement que de reconnaître son importance. Quelle peine, quelle perte de temps et d'énergie, s'il nous fallait réfléchir aux moindres de nos gestes les plus quotidiens ! Imaginez qu'il vous faille faire attention à la façon dont vous placez vos pieds pour monter un escalier, à la disposition de vos doigts sur votre stylo, ou encore aux mouvements à effectuer pour enfiler un vêtement. Quel effort, et par conséquent quelle fatigue pour des actes que nous sommes pourtant appelés à accomplir fréquemment ! Nul doute que l'habitude, en nous permettant d'agir sans peine et presque automatiquement dans des circonstances ordinaires, nous simplifie grandement la vie. Bien plus, grâce à elle, nous économisons des forces qui nous sont nécessaires pour des entreprises plus élevées. L'habitude, qui nous adapte à notre milieu, qui nous met en accord avec lui, nous est donc indispensable. Cependant, par son caractère d'automatisme même, elle ne laisse pas d'être redoutable. Jean-Jacques Rousseau montre clairement qu'il se méfie d'elle au point d'écrire : « La seule habitude qu'on doit laisser prendre à un enfant est de n'en contracter aucune. » C'est que l'on peut être prisonnier de l'habitude et avoir une vie qui n'est qu'un enchaînement machinal d'actes irréfléchis. Combien d'hommes, aujourd'hui, se sont ainsi laissés prendre dans un réseau d'habitudes qui tend à étouffer leur personnalité et à empêcher l'élaboration d'un comportement véritablement adulte ! Beaucoup sont ainsi devenus des automates incapables d'agir en connaissance de cause, incapables de prendre de véritables décisions, entraînés dans un courant dont ils ne sont pas maîtres. Ils ressemblent à une charrette engagée dans des ornières dont elle ne peut sortir. L'habitude est donc une force utile et nous ne pouvons pas ne pas l'apprécier, mais cette force doit à tout prix être maîtrisée, sans quoi l'homme serait comparable au chien de Pavlov qui salivait lorsqu'il entendait le son d'une clochette. Prenons-y garde : Le processus est engagé. Ne sommes-nous pas, nous aussi, conditionnés par la publicité, par exemple, qui nous pousse à acheter sans discernement, simplement par habitude ? Il faut que l'homme contrôle suffisamment ses actions pour être capable de distinguer les cas où il peut laisser agir l'habitude et les cas où il doit inventer un nouveau comportement. Nous ne devons pas nous laisser gagner par la sclérose. On entend dire : «Je fais ceci depuis des années, pourquoi changer maintenant ? » Nous devons toujours tendre vers le mieux et nous souvenir que nous sommes perfectibles. Ayons le courage de juger nos habitudes, d'abandonner les mauvaises, d'en acquérir de bonnes. Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de changer d'habitudes. Je connais une personne qui est allée s'installer dans un lointain pays, sous un climat et dans des conditions fort différents de ceux où elle a toujours vécu. Elle aurait dû raisonnablement changer ses habitudes alimentaires, mais elle s'y est absolument refusée. Le résultat de ce manque de souplesse ne s'est pas fait attendre : sa santé en est gravement altérée. Nous devons conserver la faculté de nous adapter et ne pas être les esclaves de nos habitudes. Ce problème, bien entendu, ne se pose pas uniquement sur le plan de la santé. C'est l'équilibre général de l'individu qui est en cause. L'habitude qui est effectivement, nous l'avons dit, un puissant instrument d'adaptation peut entraîner de graves inadaptations si nous ne parvenons pas à l'orienter dans le sens de la vie. Si notre vie est utile, cohérente, harmonieuse, c'est que nous avons su utiliser les habitudes sans nous laisser enfermer par elles. Si, au contraire, nous goûtons l'amertume et le désenchantement, si nous nous sentons inutiles et vides, c'est probablement que nous sommes le jouet de nos habitudes. Libérons-nous. 14 LA FORCE DE mu? par Jean-Jacques Henriot J’ai un ami qui a vécu une aventure un peu particulière. C'était un mercredi soir. Marco, comme à son habitude, assistait à une réunion spirituelle organisée par son église. Tout se déroulait normalement lorsque, tout à coup, on entendit du bruit à l'extérieur : cris... chants... slogans... C'était sans aucun doute une manifestation d'étudiants. Marco, curieux de nature, sortit pour voir ce qui se passait. Mais, à peine était-il dehors que deux C.R.S. l'empoignaient et l'emmenaient dans le fourgon de police. Et sans qu'il ait pu dire un mot, il fut conduit au poste de police... Il y resta 48 heures. Marco n'avait rien à voir avec cette manifestation, mais il était jeune, et c'était un motif suffisant pour qu'il soit emmené. Je ne pense pas me tromper en disant que de nos jours le mot «jeune» est devenu synonyme de « révolte ». J'ai lu un jour la définition du mot jeune. « Le jeune c'est celui qui est contre tout ce qui est pour. » Les jeunes se révoltent contre l'ordre établi, contre l'autorité paternelle, contre les enseignants, contre la société en général... J'ai cru un moment que ce problème de révolte des jeunes était un phénomène spécifiquement moderne. Mais... Ecoutez plutôt ceci. « Le père redoute ses enfants. Le fils s'estime l'égal de son père et n'a, pour ses parents, ni respect, ni crainte. Ce qu'il veut, c'est être libre. » Le professeur a peur de ses élèves. Les élèves couvrent d'insultes le professeur. Les jeunes veulent tout de suite la place des aînés, les aînés, pour ne pas paraître retardataires ou despotiques, consentent à cette démission. Et couronnant le tout, au nom de la liberté et de l'égalité, on prône l'affranchissement des sexes... » Courageux tableau de la réalité n'est-ce pas ? Cet auteur a su, avec lucidité et en quelques lignes, créer le climat dans lequel nous nous débattons. Mais vous seriez peut-être intéressés de savoir qui est l'auteur de ces lignes ? Eh bien, elles ont été écrites il y a 2 350 ans par un philosophe nommé Platon. Non, la révoltedesjeunesn'estpas un phénomène moderne. La Bible, ce vieux livre, nous rapporte plusieurs histoires de jeunes révoltés. Prenons par exemple l'histoire d'Absalom (qui nous est contée dans le deuxième livre de Samuel). Absalom était un jeune homme ayant beaucoup d'avantages. La Bible nous dit qu'il était très beau et riche. 15 Son père était, à cette époque, roi en Israël... Et lorsque Absalom passait dans les rues de Jérusalem, on se retournait pour le regarder. Absalom, comme la plupart des jeunes d'aujourd'hui, aimait être remarqué, aimait être différent de la société dans laquelle il vivait. Et pour ce faire, il décida de se laisser pousser les cheveux. Le texte biblique nous dit qu'il n'allait chez le coiffeur qu'une fois par an. Moi aussi je me suis laissé pousser les cheveux lorsque j'avais 18 ans, oh ! ils n'ont sans doute jamais atteint la longueur de ceux d'Absalom. Mais ils étaient assez longs, pour qu'à cette époque, on puisse les remarquer. Et c'était cela que je recherchais : Un moyen d'être différent de la société. Refuser d'être un Monsieur «Tout le Monde ». Absalom voulait être différent. Et lorsque la société s'était habituée à ses longs cheveux, il les coupait, il se rasait le crâne. Le problème d'Absalom ressemble beaucoup aux problèmes de nombreux jeunes d'aujourd'hui. Les jeunes veulent être différents. Pourquoi ? Parce qu'ils sont déçus par la société. Parce qu'ils n'ont plus confiance dans les dirigeants de notre société. Il semble que l'histoire ne soit qu'un éternel recommencement ; un phénomène similaire s'est présenté au début de notre siècle : L'année 1900 marque la naissance d'un monde neuf. Refuser d'être un Monsieur « Tout le Monde ». C'est l'époque de la révolution industrielle. L'ère de la science. L'ère de la joie : enfin la science trouvera la solution aux problèmes humains. Mais 1914-1918 : c'est la grande désillusion. Alors que le monde croyait que la science le conduirait au paradis... Le voilà entraîné dans l'enfer de 14-18. Que se passe-t-il alors parmi les jeunes ? Création de nombreux mouvements : Le nihilisme : un mouvement voulant prouver qu'il n'y a plus aucune valeur (morale, sociale ou spirituelle) valable. Il faut tout mettre en l'air. Apparition du mouvement dada (en Allemagne) qui prendra le nom de surréalisme en France. En fait, les jeunes de cette époque avaient été déçus par la réalité, par la boucherie de 14-18, désormais ils chercheraient à fuir la réalité... dans le surréalisme. Les jeunes d'aujourd'hui ont suivi le même chemin. Ils se rendent compte que ce que la société propose ne satisfait pas leurs besoins intérieurs, profonds. La réalité les déçoit, ils cherchent à la fuir dans l'irréel, dans la drogue. Un autre problème propre aux jeunes d'aujourd'hui et qui était aussi celui d'Absalom : c'est leurs parents. J'ai entendu dire «qu'un hippie, c'est quelqu'un qui aime tout le monde sauf ses parents». 16 Absalom en vint à détester son père à tel point qu'il organisa une révolte ouverte contre lui. Dans l'Evangile aussi, Jésus nous parle d'un autre jeune hommequi en avait « par-dessus la tête » de vivre chez ses parents. Et il partit un jour pour un pays lointain ! Tout comme Absalom, le fils prodigue, car c'est bien de lui qu'il s'agit, se révolta contre l'autorité paternelle ets'enalla loindechezlui. Croyant ainsi résoudre son problème. Mais où était le problème ? Chez le père ? Certainement pas, dans cette histoire, Jésus nous montre un père exemplaire, plein d'amour et de compréhension, prêt à tout pardonner, à tout oublier. Le vrai problème se trouvait en lui, mais il ne voulait pas le reconnaître, pas l'admettre. Aussi, après avoir quitté ses parents, et ne trouvant toujours pas la paix, il chercha une solution dans les plaisirs charnels, sexuels. Mille ans auparavant, Absalom avait suivi le même chemin, le chemin de l'immoralité. Mais, toujours pas satisfait, Absalom se tourna vers la violence. Intéressante évolution : après le beatnick, le hippie, il devenait maintenant PUNK ! Et après avoir réuni une armée de révolutionnaires, il partit à la conquête de son propre pays. Et c'est là que prit fin la recherche d'Absalom. Nous lisons dans le deuxième livre de Samuel : Absalom se trouva en présence des gens de David. U était monté sur un mulet. Le mulet pénétra sous les branches Le vrai problème est en nous et non pas dans la société. entrelacées d'un grandtérébinthe, et la tête d'Absalom fut prise au térébinthe ; il demeura suspendu entre le ciel et la terre, et le mulet qui était sous lui passa outre. C'est ainsi que prit fin la recherche d'Absalom. A aucun moment de sa vie, Absalom n'a réussi à se débarrasser de ses problèmes, de ses complexes. Parce qu'il n'eut jamais le courage de reconnaître que le vrai problème était en lui et non pas dans la société qui l'entourait. Et Absalom est mort entre le ciel et la terre. Entre les solutions que le monde lui proposait et celles que Dieu lui offrait. Si l'histoire d'Absalom se termine aussi tragiquement, celle de l'enfant prodigue a un dénouement tout à fait différent. Si, jusqu'à un certain point, ces deux histoires se ressemblent, si jusqu'à un certain point, ces deux jeunes ont suivi la même route, le même chemin, L'enfant prodigue, lui, a trouvé la solution. Il a osé regarder le problème en face. Il a eu le courage « d'entrer en lui-même ». C'est-à-dire de reconnaître que le problème était en lui et non pas dans la société, et il accepta la solution de Dieu. Il y avait deux jeunes avec un seul et même problème, et un choix entre deux solutions. Mais ce choix a été déterminant. Au moment du choix. Souvenez-vous d'Absalom qui n'a pu, à aucun moment de sa vie, se débarrasser de ses problèmes, de ses complexes, sans Dieu. ■ 17 Il est démontré par l’expérience des siècles que, dans la condition d’agriculteur, l’homme conserve une âme plus simple, plus pure, plus belle et plus noble. Nicolas Gogol Dans les proches environs du petit village de Sigonce, à quelques kilomètres de For-calquier, émergeant de l’ombre fraîche de grands arbres aux essences variées, se dresse un ensemble de bâtisses trapues, à la fois belles et austères, à l’image du paysage environnant : le Domaine de la Chapelle. Rien ne distingue, en apparence, ce domaine d'une autre exploitation agricole. Rien, si ce n'est l'immensité et la vigueur du jardin potager qui s'étale sur près de deux hectares en contre-bas des bâtiments : de quoi donner des insomnies à tous les «jardiniers du dimanche», qui s'échinent à faire sortir de terre trois malheureux radis et quatre carottes dans un coin de leur résidence secondaire... Ce qui surprend davantage encore le visiteur néophyte est, sans nul doute, le nombre considérable, et le jeune âge des personnes qui s'activent et s'affairent sans arrêt entre les plants de tomates, les tapis de fraisiers, les carrés de pommes de terre, les alignements de courgettes et de concombres. Malgré les apparences, le Domaine de la Chapelle n'est pas une exploitation agricole tout à fait comme les autres... Depuis bientôt six ans, s'y déroule une expérience, qui, sans constituer une «grande première», n'en demeure pas moins des plus intéressantes, en raison, notamment, des résultats obtenus et du sérieux de ses promoteurs. Une expérience, qui, si elle se généralisait, pourrait représenter l'espérance d'une vie meilleure pour les pauvres humains que nous sommes ; occupés à creuser notre tombe avec les dents, en consommant des produits alimentaires de plus en plus dépourvus de valeur nutritive. La quantité et la qualité de la production du domaine ne doit rien, en effet, à l'utilisation massive d'engrais chimiques et autres pesticides qui sont, en définitive, à l'agriculture, ce qu'est le «doping» pour un athlète. On connaît, désormais, les effets catastrophiques de ces produits, à la fois sur les sols, qu'ils appauvrissent progressivement ; engendrant des déséquilibres en sels minéraux des végétaux ; ainsi que sur la faune et la flore dans son ensemble, sans parler des risques d'intoxication auxquels s'exposent les agriculteurs qui les manipulent... En fait, il semble que l'on ait abandonné un peu trop vite les méthodes traditionnelles, qui, combinées aux connaissances agrono miques actuelles peuvent atteindre un rendement équivalent à celui des méthodes «modernes»; sans en avoir les inconvénients. Le Domaine de la Chapelle en est la preuve tangible. A la base de cette expérience se trouvent deux familles aixoises, celle du Dr Pinet, vice-président de la Ligue « Vie et Santé », grand pourfendeur de la toxicomanie sous toutes ses formes; et celle de M. Deasis, alors architecte. Unies de longue date par une solide amitié et une passion commune pour l'agronomie et la diététique, ces deux familles décident un jour de passer à une phase concrète dans leurs recherches, en essayant de développer une production agricole à la fois saine et rentable. Le seul problème était de parvenir à dénicher une terre vierge de toute pollution due aux engraischimiques. Après un an d'investigations, leur choix devait se porter sur cette vaste exploitation d'une trentaine d'hectares, laissée en friche depuis des années par son propriétaire, un mineur en retraite (la région de Sigonce fut, jadis, un pays minier), qui ne cultivait plus qu'un minuscule potager pour subvenir à ses propres besoins. Opérant une reconversion radicale, en passant du statut d'architecte, à celui, on ne peut plus officiel 18 par Claude Maubon d'exploitant agricole, M. Deasis allait, en quelques années à peine, transformer ce sol aride et quasiment inculte en une terre grasse et fertile; en utilisant exclusivement des méthodes que l'on qualifie, aujourd'hui d'anciennes, voire de désuètes, mais qui étaient, pourtant, les seules en vigueur, il y a seulement trois ou quatre décennies. Outre d'être totalement inoffensives pour l'environnement, celles-ci présentent en plus le grand avantage d'offrir une large autonomie à l'exploitation sur le plan des approvisionnements. Ainsi, le seul engrais utilisé est un classique «compost» à base de paille, d'ordures ménagères, de branchages et bien entendu, de fumier, fourni à profusion par un important troupeau de «Meirens», une race de chevaux, originaire des Pyrénées qui, il y a quelques années, était menacée de disparition malgré ses qualités exceptionnelles. Court sur pattes, mais nanti d'une forte musculature, ce qui lui confère une curieuse silhouette, plutôt sympathique, le Meirens est un véritable « cheval à tout faire ». Il ne craint pas le froid, se contente de brouter une herbe pauvre et fait preuve d'une endurance extrême au travail. Aussi, M. Deasis fait-il largement appel à leurs services pour toutes sortes de travaux ; en particulier pour les opérations de façonnages du sol, ceci afin d'éviter un tassement trop important de ce dernier. D'autre part, l'alimentation en eau est assurée à la fois par une source, un puits et un forage artésien qui se déversent dans un immense bassin-réservoir aux proportions de piscine olympique. Quant à la production elle-même, une partie est « auto-consommée » et le reste est vendu, soit sur place, à des particuliers, soit à des magasins de produits diététiques. Aujourd'hui, M. Deasis estime avoir franchi le seuil critique, c'est-à-dire celui de la rentabilité de l'entreprise. Il commence à peine à être un agriculteur, pour reprendre sa propre expression... Toutefois, à force de ténacité, et, surtout d'un respect scrupuleux des lois régissant la croissance des plantes, il est parvenu au résultat escompté: produire en quantité suffisante des légumes possédant une saveur et une valeur nutritive sans commune mesure avec ceux que l'on trouve actuellement dans le commerce. Bien mieux, l'expérience commence à faire tache d'huile. Passé le premier moment de scepticisme, plusieurs exploitants des environs, qui s'étaient lancés à corps perdu dans la monoculture intensive, ont renoué avec la culture maraîchère, selon les méthodes en vigueur au domaine de la Chapelle. Malheureusement, cette agriculture «traditionnelle» (nous éviterons le qualificatif de «biologique», qui, bien que de circonstance, ne signifie pas grand chose) exige des soins constants et attentifs de la part d'une nombreuse main-d'œuvre. Or, il y a 30 ans à peine, un quintal de blé permettait de payer un ouvrier agricole pendant un mois. Aujourd'hui, ce même quintal ne représente plus qu'une journée de salaire ! On comprend, dès lors, qu'il est plus économique pour des agriculteurs dont le revenu, dans cette région, n'est pas spécialement élevé, d'investir dans les produits chimiques plutôt que dans l'huile de coude, même si le rendement des sols doit en pâtir à plusou moins long terme... Le Domaine de la Chapelle emploie en permanence une douzaine d'ouvriers agricoles ; des jeunes qui ont opté délibérément pour ce mode de vie infiniment plus enrichissant, à leurs yeux, qu'un travail de bureau ou en usine, et, pourtant tombé en désuétude avec le développement de la civilisation industrielle. Le plus étonnant demeure, cependant, le nombre, proprement ahurissant d'amis et de relations qui, tout au long de l'année, viennent leur prêter main forte, histoire de « changer de peau» l'espace de quelques 19 semaines ou de quelques mois. Cet extraordinaire engouement a fait, très rapidement, du domaine le théâtre d'une expérience humaine passionnante. La vie au plein air et les travaux des champs, conjugués aux effets d'une alimentation de type végétarien sont apparus comme une thérapeutique souveraine pour ces maux variés qui accablent les citoyens des sociétés modernes : dépressions, angoisses, hypernervosité ; sans oublier les diverses formules de toxicomanie. Outre les grands classiques que sont le tabagisme et l'alcoolisme, les exploitants ont assisté à des rémissions spectaculaires chez quelques jeunes toxicomanes qui, s'adonnant à des drogues «dures», étaient venus frapper à leur porte après avoir « tout essayé» pour échapper à cet enfer. Cela n'est pas fait pour surprendre Mme Pinet, diététicienne avertie. Pour elle, il n'existe aucune possibilité de désintoxiquer valablement quelqu'un sans un régime alimentaire d'où sont bannis les excitants du système nerveux : café, tabac, alcool, mais, aussi, le sucre, la viande et ... le chocolat! L'abus de ces ingrédients provoque en effet, une carence en vitamine B 1 ; vitamine qui conditionne le passage de l'influx nerveux au niveau des neurones. Or, nos habitudes alimentaires font que nous consommons en excès des viandes et des graisses animales de mauvaise qualité, des aliments riches en sucre ; et, surtout, du pain qui n'a vraiment plus rien de commun avec le pain d'autrefois. Confectionné avec une farine trop tamisée, l'amidon qu'il contient ne peut plus être digéré convenablement et constitue, alors, un véritable toxique pour le système nerveux. On a beau nier l'évidence, les faits sont là : notre alimentation s'appauvrit, se «déséquilibre», de plus en plus. «L'humanité a voulu l'abondance, mais on va, actuellement, au devant de la plus grande des famines», constate Mme Pinet qui considère comme suicidaires les orientations de l'agriculture moderne, à la fois sur le plan nutritif et sur le plan écologique. Elle va même plus loin, en affirmant qu'il ne sert strictement à rien d'augmenter le budget de la Santé publique si l'on ne revient pas rapidement à des méthodes de production agricole plus raisonnables. A l'heure actuelle, souligne-t-elle, on produit, mais on ignore si ce que l'on produit va nous faire vivre ou mourir... Il ne s'agit pas d'une critique résultant d'une aversion épidermique à l'égard de notre Société de consommation, mais d'un simple constat fondé sur les conclusions de nombreux scientifiques de par le monde. Il faut bien se garder de considérer le domaine de la Chapelle comme une secte de passéistes, un peu loufoques, vivant en vase clos, comme pour mieux s'affranchir d'un quelconque complexe de frustration vis-à-vis de l'évolution du monde contemporain. Il n'a rien de commun, non plus, avec ces «Communautés agraires» à l'existence par trop éphémère. Il est, plus simplement, une sorte de creuset où s'élabore, dans le plus grand sérieux, ce qui sera, du moins espérons-le, l'agriculture de demain : c'est-à-dire une synthèse des enseignements du passé et des découvertes du présent... H «Le Méridional» 18 août 1977 «Nos aïeux savaient simplement de père en fils, que les grands actes agricoles sont réglés par le passage des saisons ; et que les saisons relèvent de Dieu. » Henri Bosco Le Mas Théotime Au domaine de la Chapelle la vie spirituelle est étroitement associée aux multiples activités du programme quotidien. Etude de la Bible, échanges d'idées, réflexions, chants et prières sont considérés comme des éléments indispensables à l'équilibre individuel et à l'harmonie du groupe. 20 une expérience l’asile! D’une façon générale, il est difficile de parler de la santé ou de la maladie mentale, à plus forte raison quand on n’est pas psychiatre, philosophe ou théologien ! Ce que je pourrai en dire se situera par conséquent au niveau des impressions, des sensations que l'on a en franchissant la grille d'un asile psychiatrique, tel Candide devant un Eldorado un peu particulier. Comme le raconte si bien le Dr Olivenstein, au premier pas risqué à l'intérieur de l'asile, c'est cette odeur nauséabonde qui surprend, une odeur qui ne vous quittera qu'en sortant de l'hôpital, une odeur de crasse, une odeur de démission. Est-ce la vétusté des locaux, leur architecture trop stricte, la répétition bien alignée des pavillons identiques ? Est-ce les fenêtres parfois grillagées ou encore les portes verrouillées? Par quel concours de circonstances ces lieux dégagent-ils une atmosphère d'aliénation ? Et ces gens un peu bizarres... Ils vous sourient... Certains viennent vous toucher la main, semblant vous reconnaître. Encore, ils passent indifférents, tout préoccupés qu'ils sont par leur monde intérieur... D'autres, et c'est le plus frappant, paraissent « normaux» ! C'est ça des fous ! En d'autres lieux, je les aurais pris pour des originaux, des gabarits un peu spéciaux, farfelus, trop joviaux ou trop tristes, jamais pour des fous ! Enfin, je veux dire des fous d'asile, des fous-dingues quoi, vous comprenez ! par Joëlle Locatelli Mais d'où vient cette idée reçue que je ne suis pas seule à avoir fait mienne, qui veut que le fou soit un spécimen hurlant, agité, dangereux, une sorte de monstre à visage humain, totalement incapable d'une vie en société ? Pour le comprendre, il faut faire un bref historique de l'institution asilaire : La folie n'a pas toujours été aux mains des médecins. A l'époque moyenâgeuse, le fou était considéré comme démoniaque, possédé, envoûté : qualificatifs empruntés au vocabulaire mystico-religieux, évoquant une malédiction particulière «des dieux» (ou pire de Dieu) et qui laisse planer encore de nos jours un préjugé négatif sur la folie. Ce n'est que vers la fin du 13e siècle, avec Pinel en particulier, que la folie fut «récupérée» par la médecine. Elle devint alors la maladie mentale. On crée depuis, pour la définir, la cerner, la décrire, la classifier, la soigner, tout un nouveau vocabulaire, un vocabulaire médical. C'est à cette époque que furent fondés les premiers asiles psychiatriques, lieux où l'on a rassemblé les monstres, les anomalies honteuses précédemment cachés avec soin par leur famille. L'institution psychiatrique au passé relativement récent a cependant beaucoup évolué. Et c'est sans doute la cause du malentendu. Bien sûr, on y retrouve ces êtres mal formés, hideux, débiles profonds; bien sûr, en poussant certaines portes on encourt le risque d'entendre d'étranges hurlements. Bien sûr, on y rencontre encore de 21 grands agités, des dangereux soigneusement calmés par une thérapeutique médicamenteuse assommante ! Mais je ne savais pas qu'on pouvait y rencontrer une clientèle récente, une clientèle moderne, une clientèle du 20e siècle, particulière, déchirante, une clientèle de gens « normaux » : vous et moi, mais peut-être plus angoissés, obsédés, anxieux, drogués, alcooliques, suicidaires, vieux, piégés par le système, par une vie moderne accablante, génératrice de déséquilibre. Bref, des gens en quête d'un asile, plus au sens figuré qu'au sens propre psychiatrique du terme. Que propose-t-on à ces nécessiteux, à ces faibles détritus d'une société faite pour les forts ? Eh bien, tout d'abord et encore : l'asile. Voie de garage pour ceux qui refusent la compétition ou ne peuvent l'assumer. (J'oubliais que par souci de pudibonderie bourgeoise et pour ménager la si grande sensibilité de la population, on ne parle plus d'asile mais d'hôpital psychiatrique. Ça sonne mieux I) Là, c'est extra ! On vous arrange une bonne petite vie tranquille où vous pourrez croupir en paix: logé, nourri, blanchi (plus ou moins). En revanche, les normaux, les compétitifs pourront conserver une bonne conscience. Malheureusement, comme ledit André Breton :« Il ne faut jamais avoir pénétré dans un asile pour ne pas savoir qu'on y „fait" les fous. » Oui, ce genre de fous est engendré et chronicisé par le système asilaire des assistés perpétuels. — Des traitements chimiques: avec quelques gouttes de la substance « machin », vous devenez tranquille, apaisé, serein, heureux de vivre ! c'est magnifique I Toutes vos inhibitions disparaissent. Vous étiez timide, effacé, emprunté... prenez la potion magique... quelques gouttes suffisent, vous ne vous reconnaîtrez plus ! C'est à peu près ce qui se passe. On peut transformer la personnalité, l'humeur de quelqu'un en quelques minutes (disons quelques jours par souci d'exactitude temporelle). Je ne dis pas qu'il faille mépriser quoi que ce soit devant un problème 22 aigu, une urgence, mais de là à droguer tous azimuts... La chimie, quelle menace d'aliénation du point de vue philosophique ! — Des traitements physiques : électrochocs... trop occasionnels pour en parler. — Des cures chirurgicales: méthodes expérimentales plus ou moins abandonnées. —- Des psychothérapies : • L'analyse : introspection visant à décoder des conflits inconscients, en instance, pérennisés et inhibants. Cette méthode fort intéressante est cependant d'un usage limité. Elle requiert un minimum d'intelligence, d'esprit critique. • Les thérapies de groupe : psychodrames... Le plus difficile en est le sevrage I • Les psychothérapies d'aide, de conseil, d'écoute. Bref, la liste exhaustive serait trop longue et pourtant insuffisante. En fait, la psychiatrie se retrouve devant le problème de la vie ! Et elle en est consciente. C'est pour cela qu'on la retrouve partout. C'est pour cela qu'elle s'engage politiquement essayant de réformer la société, de la rendre plus accueillante aux faibles, aux déshérités. C'est pour cela que des courants de pensée tentent même de détruire l'asile, de remettre complètement en question la psychiatrie, le système. Françoise Dolto pose bien le problème de l'institution psychiatrique et des institutions d'une façon générale. C'est un passage trouvé dans l'analyse de la parabole du bon Samaritain [L'Evangile au risque de la psychanalyse] : «Je crois que par sa mystique, la religion chrétienne a permis la création de lois d'assistance. Cette organisation sociale est née d'un sentiment de charité mais maintenant tous les préposés à ces institutions sont payés, leur travail est devenu anonyme et la cordialité qui se manifeste entre le Samaritain et l'homme volé a généralement disparu entre le représentant du corps constitué et celui qui est assisté. ... » C'est cette émotion de compassion qui fait la communication interpsychique entre les hommes. Il y a l'assistance au corps qui requiert de la compétence et qui est payée et il y a l'émotion qui rend humain. Quand celle-ci vient à manquer, c'est parce que le service devient institution ou parce que la rencontre n'est pas unique, insolite comme dans la parabole mais devient une habitude, un ,,travail alimentaire" ou un métier passionnant. L'assisté, alors, n'est plus qu'un objet. Il n'y a plus de relation humaine. » Bref, pour plagier une phrase célèbre, notre société a les institutions qu'elle mérite. Elle a, de plus, isolé par ses classifications les différents éléments d'un grand tout : étudiants d'un côté, personnes âgées d'un autre, gens rentables et « normaux » à cet endroit, « fous » non productifs à cet autre... On pourrait continuer longtemps. Comment réagir en tant que chrétienne devant cette chose que j'ai vécue, que je veux prendre à cœur, que je ne peux plus ignorer ? Une action individuelle au sein de la grande institution, avec la conscience de ses défauts et de ses limites ? Une action de l'institution en solitaire mais passant toujours par l'intermédiaire d'un métier («travail alimentaire ») ? Certains ont choisi de se marginaliser, de recréer un univers, une vie dépouillée des contraintes abrutissantes que nous connaissons, d'ignorer le système ? Je ne voudrais pas une conclusion facile, rassurante, une solution toute faite escamotant les problèmes de fond carelle manquerait de sincérité. Ces questions que je me suis posées en face de ce problème particulier, je pense qu'on peut les retrouver à bien des niveaux sans être spécialement doué pour l'abstraction ou avoir beaucoup d'imagination. Heureusement, malgré ces interrogations qui me laissent, comme beaucoup, perplexe, j'ai l'avantage d'une ferme certitude : Jésus, source de vie et de libération, peut ajouter à la compétence d'un métier, «d'un travail alimentaire», cette «émotion» de compassion qui rend «humain ». C’était dans l’air depuis quelque temps. Pas d’une manière explicite, non, mais des convergences se produisaient. Les idées mettent souvent du temps pour germer, pour éclore dans la réalité, dans l’action. Léonard de Vinci avait bien dessiné un hélicoptère ! En août 1971, une vingtaine de gars et de filles se sont retrouvés pour trois semaines au bord de la mer. Beaucoup de bonne volonté en commun. Et puis, en latence, bien présent mais non définissable : le besoin de dire mieux et plus clairement qui « on » est. Vous savez, cette espèce de désir et de crainte mêlés, désir flou de mieux partager quelque chose que l'on aime, mais aussi d'être mieux ressenti, mieux compris par les autres. Car on ne dit pas facilement aujourd'hui que l'on croit en Dieu, que Dieu est devenu pour soi un ami, que la vie a pris un sens en raison de cette dimension. En effet, le monde où nous vivons, dans ses habitudes et ses attitudes, a évacué Dieu. En tous cas celui des églises, des imageries, et souvent, Dieu tout court, le Dieu créateur de l'univers et de chacun des atomes de notre corps. Et même s'il y a encore beaucoup d'églises, comment retrouver le Dieu d'amour au milieu des luttes intestines d'influences ou de dogmes, ou des «propriétaires» de vérité ? Alors, tout à coup débarquer sur une plage, au milieu des vacanciers en plein culte du sacro-saint Hélios, tout épiderme au vent, et se mettre à parler de Dieu, de son Fils Jésus, chanter, crier même parfois, pour couvrir le bruit des flots et des... transistors, dire que Jésus existe encore aujourd'hui, imaginez le décalage ! Et pourtant, c'est bien ce que firent, ce mois d'août 1971, ces quelques jeunes dont j'étais. Balbutiements d'organisation, improvisation musicale — heureusement que nous avions avec nous Marcel Hé-nocq qui avait déjà son répertoire personnel. Nous avions quelques guitares, une trompette, deux clarinettes, deux saxophones, et même une vieille batterie, en fait une grosse caisse et un disque au-dessus. La qualité était encore rudimentaire, mais le sourire ou la timidité des amateurs que nous étions faisait passer la sympathie. Le premier camp d'évangélisation avait vu le jour. A la surprise même parfois de certains responsables de jeunesse, il y avait des jeunes, justement, qui étaient prêts à payer un camp pour partager mieux et autrement que dans leur église, cette vie plus vraie proposée par les évangiles. Passer des vacances enfin pour ne plus consommer du loisir, de plus en plus de jeunes choisissaient cette formule. Et c'est ainsi que désormais, des camps d'évangélisation furent programmés et accueillirent de plus en plus d'inscriptions. Bien sûr, tout le monde n'a pas envie de passer trois semaines de cette manière, ce n'était pas un mouvement de masse, et heureusement, mais quelque chose changeait. Quelque chose prenait forme, s'élaborait. Chanter sa foi, exprimer et raconter Jésus, vivant aujourd'hui, réactualisé. Et quand je dis «chanter sa foi», c'est une manière raccourcie de traduire une action bien plus complexe. Il n'est pas dans le caractère humain en général, et encore moins français, de dévoiler en public ses sentiments intimes, surtout quand il s'agit de sa vie spirituelle. Individualisme. Pudeur. En plus des visages qui sont toujours aussi souriants, un outil s'affine : le vocabulaire de nos chants. Il faut rompre avec le langage d'initié de la famille chrétienne pour passer au langagecomprispartout le monde. C'est d'ailleurs ce dernier qui était employé par Jésus de son temps. Et ce langage populaire de l'époque, on en a fait un langage figé dans les églises trop souvent, il fallait absolument rompre avec cette situation. Quant à la musique, nous avions à trouver dans ce vaste domaine la forme de mélodie et de rythme qui serait le meilleur supportauxparoles que nous voulions faire passer par nos chants. Au début de nos expériences, nous avons oscillé entre nos petits chants de camp teintés de scoutisme, certains de nos cantiques d'église, et les mélodies et rythmes d'outre-atlantique, genre «negro-spiritual» en particulier. Les anglicismes ont bonne presse dans notre langue, aussi, bientôt, avons-nous 23 introduit dans nos programmes la notion de «gospel» qui n'est rien d'autre que le mot «évangile» en anglais. Mais sous ce vocable à consonance saxonne, quelle facilité de présenter l'Evangile justement, mais avec des mots d'aujourd'hui ! Il fallait regarder bien en face deux réalités. Nos petites chansons para-scouts ne passaient plus, ni pour nos besoins internes au niveau de nos groupes de jeunes, encore moins pour les besoins de partage que nous voulions réaliser ; quanta noschants inspirés descantiquesd'église, aussi beaux que soient certains, de cette beauté qui passe au travers du temps et des modes, la majorité de ces cantiques n'étaient et ne sont plus bons qu'à figurer au programme de fêtes patronales et autres gentillesses du genre, mais n'ayant plus de prise aucune avec les réalités de notre monde actuel. La deuxième réalité, c'était justement de nous mettre le mieux à la portée des gens vers lesquels nous voulions porter cette Bonne Nouvelle qu'est l'Evangile. Effort d'écoute, regard neuf, risquesd'erreurs... mais que fait-on de nouveau sans risquer quelque chose... autant de démarches indispensables si nous voulions que l'Evangile ait encore quelque chose à dire aujourd'hui. Et c'est ici qu'un conseil du grand apôtre Paul prend toute sa valeur: Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon. Il savait bien ce qu'il disait, lui, l'apôtre des «non-juifs», qui dut surmonter les préjugés d'une église trop fortement influencée par l'héritage figé du judaïsme. En regardant, en écoutant la vie autour de nous, les réactions des amis que nous nous faisions au fil des camps, de grandes lignes se sont dessinées. Il y a des modes et des tendances en musique et en chanson, comment ne pas en tenir compte ? En dehors de la production musicale destinée uniquement à la consommation et à la mise en place de certaines ambiances, il se trouve aussi des chanteurs qui veulent dire quelque chose, faire passer leurs idées. Et de tous temps, ces chanteurs-là ont choisi des airs populaires de leur temps pour porter leurs mots. Or, aujourd'hui, l'outil musical dans cette optique, c'est surtout le « folk song ». Etrangement, ce style hérité des Bob Dylan et autres troubadours Nord-américains, ce style a très souvent puisé ses airs et mélodies dans les vieilles chansons de l'Angleterre élisabé-thaine. Il y a ainsi des airs qui font le tour du monde, et curieusement, ces mélodies repassent en force l'Atlantique et élargissent le répertoire européen. Actuellement, lefolk-song américain n'a plus l'exclusive auprès des chanteurs du vieux continent, le folklore régional est en montée importante et devient ainsi une nouvelle source d'inspiration. Alors, peu à peu, camp après camp, des jeunes se sont rencontrés, bien sûr autour d'une mêmefoi, mais également autour d'un désir montant de mieux partager cette foi par le moyen du chant et de la musique. Mais dès que l'on parle de vie communautaire, tout de suite on voit, dans certains milieux en tous cas, tout l'aspect négatif et dissolu qui a été effectivement le fait d'un assez grand nombre d'expériences de vie en commun. En dépit de ces préjugés solides, et malheureusement parfois fondés, des jeunes et quelques animateurs avaient de plusen plus le désir de tenter une telle expérience. Ce désir, ces idées qui flottaient ont trouvé bientôt leur convergence à l'occasion d'une rencontre de jeunes organisée dans le Sud-ouest, à Pau, un week-end de la Toussaint 1976. Une bonne centaine de jeunes étaient là. Et quelque chose est passé, ne me demandez pas quoi précisément, mais comme une convergence de désirs plus ou moins flous, et fous, formulés ces jours-là. A la fin de cette rencontre, des plans étaient faits, un calendrier dressé, en vue de mettre réellement sur pied une équipe d'évangélisation, au moins pour une année, et constituée de jeunes volontaires qui décidaient de donner un an de leur temps pour Dieu. Il ne suffisait pas qu'un élan soit donné, il fallait que l'intendance suive ! En effet, on ne vit d'amour et d'eau fraîche que dans les contes. Nous sommes dans un siècle matérialiste, pas besoin d'en faire la démonstration. Mais il faut rendre ici hommage, pour une fois, à la rapidité avec laquelle les moyens de subsistance de cette future équipe ont été trouvés. C'est grâce, en effet, à la grande famille chrétienne et plus particulièremenLde la communauté adventiste que nous avons pu réaliser matériellement ce projet. Bien sûr, une participation financière de chacun de nous était prévue. Pas question de vivre en assistés, ou de se laisser enfermer dans cette solution de facilité, aliénante au niveau de cette aventure de la foi que nous voulions tenter. Travaux à mi-temps, agricoles ou citadins, confection d'objets artisanaux, services divers, autant de moyens qui nous permirent d'alimenter la caisse commune et de faire ainsi notre part. A signaler aussi un disque de 30 cm, disponible en vous adressant à la rédaction du journal, et qui contient douze des chants composés par plusieurs des membres du groupe « Emeraude ». 24 Au niveau de la constitution même de cette équipe, c'est autour de jeunes ayant participé justement à ces fameux rallyes et camps d'évangélisation que se retrouvèrent une douzaine de jeunes. Les métiers les plus divers furent ainsi réunis: magasinier, fonctionnaire, professeur, étudiant, électrotechnicien, infirmière, diététicienne, paysan... De même, au niveau des origines et provenances, toute la France est représentée avec Tours, Guebwiller, Grenoble, Roanne, Nevers, Dax, Toulouse, Castres, Toulon, et même un Suisse du Cameroun, et même un Belge, et de Bruxelles en plus ! C'est le 15 septembre 1977 que tout ce monde avait rendez-vous à Pau. Toute la partie matérielle et financière avait été résolue. Restait à trouver la maison. Environ six mois à l'avance, des recherches avaient commencé. Des centaines de coups de téléphone, toutes les agences consultées, mais toujours pas de maison. Il faut dire que lorsqu'un propriétaire apprenait que sa maison serait habitée par une équipe de jeunes, garçons et filles, et pour un an seulement, la porte se refermait très vite. Les préjugés sont solides et malheureusement fondés parfois. En attendant, au 15 septembre, jour où les jeunes devaient arriver, il n'y avait toujours rien. Ou plus précisément le 14. En effet, au courrier du 15 septembre, nous trouvions une lettre. C'était une réponse à une autre lettre que nous avions envoyée en juillet au sujet d'une maison vide que nous avions vue. A ce moment, toutes les maisons vides que nous trouvions, nous en recherchions le propriétaire pour lui exposer nos besoins. Et c'est d'Orléans, juste le jour même où nous avions vraiment besoin d'une maison, que nous est parvenue la première et seule réponse favorable à toutes les recherches entreprises depuis des mois. Nous avons vu là plus qu'un hasard. Aussi, en entrant dans cette villa «Les lotus», spontanément, et profondément aussi, nous avions la preuve que la prière n'est pas une théorie dépassée. Et voici bientôt huit mois que nous vivons en équipe, ici à Pau. Marie-Jo raconte, dans cette présente revue, ses impressions et son témoignage personnel, surtout au niveau des soirées et des contacts avec l'extérieur. Nous avons eu de nombreux témoignages de jeunes qui trouvaient dans nos chants un écho plus vrai à leurs questions que celui donné habituellement dans leurs églises, quelles qu'elles soient, et je dis cela sans aucun désir de jugement, mais c'est un fait, comme nous l'avons dit plus haut, qu'un grand piège qui guette toute communauté religieuse et même politique, c'est de s'arrêter dans la recherche de la vérité et de se figer dans un acquis. C'est ainsi que se créent les traditions dont on ne connaît parfois même plus l'origine ! Vivre à une douzaine dans une maison relativement limitée, avec des caractères aussi différents que les nôtres, des cultures variées et des origines éloignées, vivre ainsi une année pourrait être une gageure. Je ne dirai pas que notre vie a été sans conflit, sans friction, sans agacements ou fatigue. Pas du tout ! Et je partage tout à fait cette phrase de Bonhoeffer dans son petit ouvrage «De la vie communautaire»: «La communauté chrétienne n'est pas un sanatorium spirituel. » Pour beau coup de jeunes, le fait de quitter sa famille aussi bien civile que religieuse pour rejoindre telle ou telle communauté est souvent ressenti et espéré comme une libération. Peu de ces communautés durent en raison d'autres réalités inattendues rencontrées dans une vie de groupe, indépendamment et aussi en plus des réalités simplement matérielles à affronter. Quelques mots sur le plan alimentaire. Sous la bienveillante mais efficace autorité de Liliane, notre diététicienne, nous avons appris à mieux manger. C'est un domaine tellement maltraité dans notre société, soit par ignorance, soit par fanatisme. Là aussi nous avons tenté d'en dire moins et d'agir mieux en accord avec les lois de la nature, tout en tenant compte des possibilités... culturelles et digestives de chacun ! La maison fut même ouverte à des cours de cuisine saine, mais en évitant au mieux de tomber dans quelque militantisme scolastique, afin de retrouver les vrais besoins de notre organisme. Pour ce qui touche à notre vécu, je peux dire avec certitude que si nous sommes restés ensemble sans nous «manger le nez», c'est que le but qui nous a réunis est tourné vers l'extérieur, vers le partage d'une joie de vivre et d'une transformation qui ne sont pas le fait d'une simple intelligence humaine, aussi sublime soit-elle. Bien que nous soyons très conscients du peu que nous avons pu réaliser dans cette direction, le fait de mieux mettre en pratique ce que nous chantons a été un tonus bien plus efficace que n'importe quelle théorie ou morale. Parce que ce type de vie n'autorise pas le maintien du 25 masque que nous présentons toujours à notre prochain. J'ai beaucoup de peine à trouver une chute, à mettre un point final. J'ai l'impression d'avoir si peu traduit et rapporté les différents épisodes de cette expérience passionnante, d'autant plus que je suis partie prenante, impliqué à plein temps dans cette vie. J'ai même une sorte d'angoisse, là assis à ma machine, en train de raconter quelque chose qui est déjà du passé. Le fait de fixer ce vécu sur un papier me donne le sentiment presque d'une trahison, parce que je n'ai rien dit de ce qui se passera demain... Je répandrai mon esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens des visions. Dans ces jours-là, je répandrai mon esprit, je ferai paraître des prodiges dans les deux et sur la terre, du sang, du feu et des colonnes de fumée ; le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang, avant l'arrivée du jour de l'Eternel, de ce jour grand et terrible. Alors quiconque invoquera le nom de l'Eternel sera délivré. Actes 2 : 17-21. Pour ma part, je suis convaincu que cette action s'inscrit dans cette prophétie des derniers temps de l'histoire de notre monde de souffrances et d'injustices. Mais ce n'est qu'un embryon. Où sont les signes de la relève pour amplifier et terminer la mission que Jésus-Christ nous a confiée, à nous les hommes : Cette bonne nouvelle du royaume sera proclamée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. Matthieu 24:14. A nous, à vous de le décider ! ■ L»..................._ avons choisi pour l'évangélisation, et les premières soirées que nous avons organisées en décembre 77 étaient le résultat de trois mois de travail et de répétitions. Bien avant ces soirées, nous avions tous cogité dans le but, tout d'abord, d'attirer le plus de monde par différents moyens publicitaires, ensuite de leur présenter un programme de qualité complété par des diapositives et des jeux de lumière. Enfin, de leur donner envie de prolonger la soirée de façon agréable par le moyen d'un «coffee-bar» où toutes ces personnes pourraient parler avec nous dans une ambiance plus détendue qui faciliterait les contacts personnels. Tous ces moyens, nous les avons utilisés au maximum; nous avons essayé de ne rien négliger tant ces soirées nous tenaient à cœur et la réussite dépendait en partie de nous, nous le savions tous. Mais si nous avions fait notre part, Dieu aIlait faire le reste et c'est à genoux (non sans émotion) que nous l'avons prié très fort avant le programme pour lui demander son soutien. Puis, tout commence, et l'important est de faire passer dans nos chants ce qui nous motive et qui nous fait vivre : l'amour, en fait. Après avoir surmonté le trac, assez vite après le début de nos chants, s'installe entre la salle bien remplie et nous-mêmes une sorte de sympathie, d'amitié, une sorte de sentiment un peu difficile à définir, mais que nous ressentons tous bien et qui nous donne vraiment de la joie. C'est formidable de voir le visage des gens nous écoutant qui se déride petit à petit, des sourires qui se dessinent au fil des chants. C'est le commencement de la réussite de notre soirée, mais les contacts personnels que nous pourrons établir après sont encore plus importants. Le coffee-bar, par la suite, nous a permis de lier amitié avec les personnes venues nous écouter, et parmi elles, un groupe de jeunes venant d'un lycée agricole, avec lequel s'est tissé au fil des discussions une amitié profonde et qui se prolonge jusqu'à présent. Nous avons beaucoup retiré de ces soirées : de la joie, mais aussi des amitiés sincères qui nous permettent de partager notre foi en action car ces jeunes nous côtoient dans notre vie de chaque jour. Un groupe d'étude de la Bible a été également constitué tous les jeudis soirs, et à la suite d'une soirée organisée dans ce lycée agricole, un deuxième groupe s'est formé tous les mercredis. Si nous avons choisi ce moyen d'expression de notre foi par le chant, il ne faut pas polariser notre action sur ce seul moyen car on peut facilement virer au spectacle, ce qui n'est pas notre but. Mais pour nous, c'est une expérience formidable que Dieu nous permet de vivre. ■ par Marie-Jo Castets du « groupe EMERAUDE » 26 KHTHIIS EK PRISOK ■Jle groupelchthuss'est rendu à la prison de Nivelles pour présenter son programme d'évangélisation devant une centaine de détenus. Devant la grande porte d'acier, nous n'étions (il faut bien l'avouer) pas très rassurés: Qu'allions-nous trouver derrière ces barreaux ? Comment allaient-ils réagir devant nos chants, nos témoignages, notre message ? Nous étions maintenant sur la scène éclairée par une rampe de projecteurs qui nous empêchaient de voir ce qui se passait dans la salle. Ils étaient là, nous en étions sûrs maintenant. Après chaque chant, des applaudissements retentissaient. Mais était-ce des applaudissements sincères ou polis, automatiques ou forcés ? Nous n'allions pas tarder à le savoir... par le Groupe Ichthus Alors que nous chantions : Si le cri de ta souffrance Ne peut briser le silence, Prends ma main dans ta main, tiens bon ! Tous, d'un commun accord, se mirent à taper dans leurs mains et à essayer de reprendre le refrain en même temps que nous. A deux reprises, nous dûmes recommencer ce chant et, à la fin de notre programme, c'est le directeur de la prison lui-même qui se leva et nous demanda de chanter, une dernière fois : « Prends ma main dans ta main... » Mais comment allions-nous finir ? Leur dire que nous avions été très heureux de passer cette soirée en leur compagnie... etc. ? Non ! Le contact était établi, nous ne pouvions pas en rester là. 27 L'un d'entre nous s'approcha du micro et dit : — Nous ne doutons pas que vous ayez certainement de nombreuses questions à nous poser en rapport avec les chants et les témoignages que nous vous avons présentés. Il se peut même que vous ne soyez pas d'accord avec ce que nous vous avons dit, aussi aimerions-nous maintenant discuter avec vous. Se tournant vers le directeur, il poursuivit : —Si Monsieur le Directeur n'y voit pas d'inconvénient, nous descendrons maintenant parmi vous... C'est alors que commença le vrai programme d'évangélisation. Tout le groupe, filles et garçons, descendit dans la salle et des échanges sincères eurent lieu. Jamais aucun groupe n'avait fait ce que nous étions en train de faire et cela les impressionna énormément. Daniel, un des détenus, nous écrira plus tard : — J'ai été favorablement impressionné par votre groupe. Merci pour la bonne soirée... Nous avons eu l'occasion d'entamer un dialogue et j'aimerais poursuivre celui-ci. Dans sa deuxième lettre, il nous demanda une Bible. La société a créé de telles barrières entre les hommesqu'il est difficile de ne pas aborder quelqu'un sans avoir déjà au fond du cœur une idée préconçue. Quand on voit quelqu'un, on lui colle une étiquette et à partir de ce moment-là, les préjugés reviennent en force et notre jugement est fait, la discussion est faussée. Ce soir-là, nous avons appris à passer au-dessus de toutes ces barrières, à enlever toutes ces étiquettes. Ce soir-là, nous nous sommes surpris à aimer ces hommes. Ce soir-là, nous avons appris à haïr le péché, mais à aimer les pécheurs... Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. Matthieu 25 : 40. ICHTHUS Tel est le nom que nous nous sommes choisi. En grec il signifie poisson, et c'est parce qu'on retrouve dans le mot Ichthus le symbole du Christ par acrostiche : lesous CHris-tosTHéou UiosSôter — Jésus-Christ Fils du Dieu Sauveur — que les chrétiens persécutés des premiers siècles l'ont adopté comme signe de ralliement. Ce signe de ralliement nous l'avons fait nôtre parce que, comme pour eux, Jésus-Christ est le centre de notre vie, le cœur de notre espérance. Noussouhaitonsque,par ces modestes moyens que Dieu nous a confiés, nous puissions atteindre le but proposé : PARTAGER LA BONNE NOUVELLE DE L'EVANGILE. Août 1975, quelque part dans les Cévennes. Daniel, Philippe, Marc et André se retrouvent dans un camp d'évangélisation par le chant et le témoignage au pays des Camisards. Enthousiasmés par cette nouvelle formule, ils décident de partager cette expérience avec quelques-uns de leurs amis restés à Bruxelles. Ce qui fut dit, fut fait. Et, en novembre 1975, première répétition : ICHTHUS était né... En janvier 1976, nous donnons notre première représentation à Bruxelles. En mars de cette même année, c'est à Neuilly, dans la région parisienne, que nous nous produisons. Viennent ensuite de nombreuses autres villes telles que: Utrecht, Dordrecht (Hollande); Na-mur, Bruges, Anvers, Ostende, Bouillon, Liège... (Belgique); Boulogne, Orléans, Le Mans, Melun, Lille... (France). L'année 1978 voit naître le premier disque 33 tours du groupe ICHTHUS : « Un Ami, un Frère. » Depuis novembre 1975, nous essayons de communiquer notre idéal, notre but, notre joie de vivre. Et, ce quelque chose qui nous a changés, nous nous proposons de le partager avec vous, non pas dans un esprit de fanatisme ou d'intolérance, mais dans un esprit de proposition et d'ouverture. «Nous avons construit trop de murs et pas assez de ponts. » Il est grand temps de se remettre au travail. Acceptez le dialogue que nous vous proposons et venez ainsi apporter votre pierre, si petite soit-elle, à l'édification de ces ponts. Chanter, se retrouver entre amis, nous ne sommes pas les premiers, ni les derniers à nous réunir pour faire de la musique. Le groupe Ichthus n'est pas un groupe comme les autres ; au travers de ses chants, c'est un message d'amour et de fraternité qu'il adresse à ses auditeurs. 28 L'idéal de vie que la Bible propose oriente la conception de l'Enseignement. Une place prépondérante est accordée aux préoccupations spirituelles, qui imprègnent, en dehors de tout formalisme, les différentes activités des professeurs et des étudiants. Chacun de ceux-ci a donc la possibilité, en plus de sa préparation spécifique, d'acquérir une vision chrétienne de la vie qui influe sur sa mentalité et son comportement. L'étude proprement dite est conçue comme une occasion de fortifier la réflexion personnelle. Elle est complétée par des activités variées qui, sans exclure les sports, tendent à favoriser le développement du sens social par une vie communautaire et la pratique d'un travail manuel adaptéauxforces de chacun. SEMINAIRE ADVENTISTE DUSALEVE Collonges sous Salève 74160 St Julien en Genevois France La mixité dans les classes, à la salle à manger et dans certaines manifestations de la vie scolaire contribue aussi à donner aux jeunes, vis-à-vis de l'autre sexe, une attitude saine, élément qui leur permettra, le moment venu, de fonder un foyer heureux. C'est par la mise en oeuvre des principes mentionnés que la devise de l'Ecole prend tout son sens, en aidant les étudiants à réaliser dans le cadre de la famille, de l'Eglise et de la communauté humaine, les paroles de Jésus : « Vous êtes la lumière du monde. » « La véritable éducation n'ignore pas la valeur des connaissances scientifiques et littéraires, mais bien au-dessus de l'information elle place la puissance; au-dessus de la puissance intellectuelle, le caractère. Le 29 Paul Bleeckx monde n'a pas tant besoin d'hommes très savants que de nobles caractères. Il lui faut des hommes chez lesquels le talent est sous le contrôle de principes inébranlables. » — Ellen White, Education, p. 209. * * Home de Beau-Site Non loin des autres bâtiments du Séminaire, en pleine nature, dominant la vallée du Rhône et le lac Léman, se trouve le Home de Beau-Site, spécialement destiné à recevoir les jeunes de neuf à quatorze ans qui désirent poursuivre leurs études secondaires. Cours privé Maurice Tièche : Ecole secondaire L'école secondaire, officiellement autorisée depuis 1954, offre aux jeunes gens qui ont terminé les classes primaires et qui désirent continuer leurs études et préparer le B.E.P.C. ou le Baccalauréat, un programme complet d'enseignement de la classe de sixième à la classe terminale, semblable à celui des lycées français. Ecole commerciale privée Ce département prépare jeunes gens et jeunes filles aux emplois de bureau. Les élèves qui ont terminé avec succès la classe de 3e, ou qui ont une formation équivalente, préparent en deux ans l'examen d'Etat du Certificat d'aptitude professionnelle (C.A.P.) qui reconnaît à ses titulaires la formation d'employés qualifiés. Département des sciences de l'éducation Cette section prépare à l'enseignement primaire en donnant les connaissances professionnelles indispensables et en inculquant les principes de la véritable éducation chrétienne. Séminaire de théologie Les cours offerts par le Département de Théologie sont destinés à donner une formation spécialisée aux étudiants se préparant en vue du ministère, à développer en eux une authentique philosophie de la vie, à déterminer la place de la Bible dans cette philosophie et à permettre à nos jeunes, en général, de se familiariser avec l'Ecriture sainte, son histoire, son texte et ses enseignements. L'étude de la Bible occupe dès lors une place très importante dans le programme de ce département. Les principaux livres de la Bible sont analysés, ainsi que les doctrines qu'ils exposent. L'étude des langues originales de la Bible (Hébreu, Grec) permet de parvenir à une connaissance plus précise de la pensée des auteurs inspirés. Département musical Le programme de ce département s'inspire, dans les grandes lignes, de celui du Conservatoire de Musique de Genève. Il s'adresse aux élèves de tous âges, enfants et adultes. 30 Paul Bleeckx maranafta! par Charles Gerber A l'époque de l'Ancien Testament, les croyants ont vécu dans l'attente de la manifestation du Messie dont ils confondaient en une seule venue les deux avènements; les contemporains du Nouveau, vivent dans l'attente de son retour. La promesse de Dieu à Adam et à Eve forme la base de l'espérance des croyants de l'ancienne dispensation ; la promesse de Jésus aux disciples est le fondement de l'espérance des croyants de la nouvelle dispensation. Dans le Nouveau Testament, la doctrine de la seconde venue de Jésus-Christ est proclamée dans trois cent vingt textes au moins, sans compter les nombreuses allusions indirectes à cet événement. Seuls l'épître aux Galates et les courts messages de Paul à Philémon, et de Jean (deuxième et troisième épîtres) n'en disent rien. Il ne s'agit pas d'un enseignement occasionnel, d'importance secondaire, mais d'une révélation capitale qui a exercé sur les communautés de l'Eglise primitive une influence considérable, influence qui se serait continuée à travers les siècles si les chrétiens avaient maintenu et leur zèle à étudier les Ecritures et leur fidélité à se conformer au credo originel. « La doctrine de la parousie repose donc, non sur quelques passages isolés, susceptibles d'erreurs d'interprétation, mais sur une quantité de déclarations extrêmement nettes du Sauveur ou des apôtres. Le croyant, respectueux de la Révélation, ne peut que s'incliner et accepter par la foi une prophétie aussi claire1. » Un prélat catholique, qui a consacré tout un livre à l'étude de la Parousie, arrive à la conclusion suivante : «On sait assez quelle place maîtresse occupe dans l'économie de la 1. René Herdt, Le retour du Christ, 1934, p. 7, 8. 31 révélation chrétienne la perspective de cette seconde venue du Seigneur, si souvent et si solennellement annoncée par lui, comme devant amener, avec la transformation des cieux et de la terre d'à présent, avec la résurrection des morts et le jugement général, l'établissement définitif du royaume de Dieu en sa consommation finale et sa perfection dernière. » Il suffit, en effet, d'ouvrir tant soit peu l'Evangile, pour reconnaître aussitôt que la Parousie est bien véritablement l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin, le premier et le dernier mot de la prédication de Jésus: qu'elle en est la clef, le dénouement, l'explication, la raison d'être, la sanction, que c'est enfin l'événement suprême auquel tout le reste est rapporté et sans lequel tout le reste s'effondre et disparaît2. » Continuateurs zélés de l'œuvre du Christ, fidèles dépositaires de son enseignement, les Apôtres ont attaché à la Parousie une importance égale, voire plus considérable en raison même du fait que Jésus était monté au ciel et que son absence «corporelle», rendait plus impérieuse encore l'aspiration à son retour. Cette préoccupation devint rapidement si dominante que les chrétiens, nous apprend saint Paul3, adoptèrent comme salutation favorite l'expression Maranatha, qui veut dire : notre Seigneur, viens ! On peut difficilement s'imaginer la ferveur de l'attente du Christ telle qu'elle se manifestait dans ces communautés souvent persécutées et qui s'efforçaient avec tant d'ardeur d'atteindre un idéal religieux très élevé. Hélas! nous sommes loin de démonstrations de ce genre, alors que les temps que nous vivons devraient nous y inciter doublement, d'abord parce qu'ils sont difficiles, 2. Cardinal L. Billot, La Parousie, nouv. éd., Paris, 1920, p. 9, 10. 3. 1. Corinthiens 16 : 22. ensuite parce qu'ils font partie des «derniers temps», qu'ils sont déjà une fraction de la «dernière heure» de l'histoire du monde. Qu'apprenons-nous donc sur le retour de Jésus en lisant les Actes des Apôtres, les Epîtres et l'Apocalypse ? La confirmation de ce que Jésus en a dit lui-même. Notons d'abord, sans entrer dans les détails, que plusieurs termes sont employés dans le Nouveau Testament pour décrire les divers aspects du retour de Jésus. Quelques-uns sont synonymes. Voici les principaux: venue, retour, descente, parousie (seize fois, deux sens : soit la présence, soit l'arrivée solennelle, « la joyeuse entrée » d'un prince dans une ville4), épiphanie (apparition), manifestation et apocalypse (révélation)5. Saint Paul d'abord. Dans l'ordre chronologique, ses deux lettres aux Thessaloniciens viennent en tête. Elles furent écrites en 51, vingt ans environ après la mort du Sauveur. Elles mettent en valeur la préoccupation eschatologi-que des églises chrétiennes de cette époque. A Thessalonique, des idées erronées sur la Parousie avaient réussi à s'introduire parmi les fidèles. Quelques-uns d'entre eux étant morts, les survivants s'attristaient à la pensée qu'ils ne seraient pas présents au moment du retour de Jésus considéré comme imminent. 4. B. Rigaux, L'Antéchrist, 1932, p. 264. M.-J. Lagrange écrit (Evangile selon saint Matthieu, 5e éd., Paris, 1941, p. 459) : « Quoique la traduction littérale soit „présence", le sens reçu était celui d'une visite royale ou impériale ; on le trouve dans les papyrus dès le 3e siècle avant Jésus-Christ, et il fallait se donner beaucoup de mal pour être prêt à ce moment. » Nous nous servons à plusieurs reprises du mot parousie comme étant le mieux pour désigner la venue du Christ dans sa gloire. 5. Voir A. Vaucher, L'Histoire du salut, 2e éd., 1930, p 362-364. Il y est dit notamment : « Certains ont essayé d'établir une pluralité de venues en se fondant sur la diversité des termes employés dans le N.T. pour désigner l'avènement du Christ. On a affirmé que l'épiphanie ou apparition glorieuse du Seigneur sera précédée d'une parousie ou présence invisible. Mais il est facile d'établir que tous les termes que nous venons de mentionner se rapportent à un seul et même événement. » L'apôtre, mis au courant de la situation, leur écrit pour compléter leur instruction sur ce point de doctrine. Il leur rappelle l'enseignement reçu au moment de leur conversion, comment ils ont «abandonné les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils, qu'il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir6 ». C'est d'ailleurs par ce vœu que se termine la lettre : Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ1 ! Or, le moment de cet avènement reste inconnu, mais il ne passera inaperçu pour personne malgré sa soudaineté : Pour ce qui est des temps et des moments, vous n'avez pas besoin, frères, qu'on vous en écrive. Car vous savez bien vous-mêmes que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit6. Seuls les méchants en seront surpris, parce qu'ils sont dans les ténèbres. Les enfants de la lumière ne dorment point, ils veillent et pratiquent la sobriété9. Quant à l'avantage des vivants, il est nul. Au moment de la Parousie, ceux qui se sont endormis en Christ ressusciteront et s'associeront aux vivants transformés pour être tous ensemble enlevés sur des nuées. Si nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, croyons aussi que Dieu ramènera par Jésus et avec lui ceux qui sont morts. Voici, en effet, ce que nous vous déclarons d'après la parole du Seigneur : nous, les vivants, restés pour l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons 6. 1 Thessaloniciens 1 : 9, 10. 7. 1 Thessaloniciens 5 : 23. 8. 1 Thessaloniciens 5:1,2. 9. 1 Thessaloniciens 5 : 4-8. 32 pas ceux qui sont morts. Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur™. Dans la lettre aux Romains, il parle du jour où Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes™. Or « la nuit est avancée, et le jour approche™». Dans la première épître aux Corinthiens, il mentionne également ce jugement exercé par le Seigneur, au moment de sa venue, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des cœurs™. Les Corinthiens sont dans Vattente de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ ', ils ont besoin d'être affermis «jusqu'à la fin », pour être «irréprochables» à ce moment-là14. En participant à la sainte Cène, ils annoncent la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne™. Dans le beau morceau qui traite de la résurrection, l'apôtre déclare que de même que tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Jésus-Christ, mais chacun en son rang, le Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de son avènement. Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir détruit toute domination, toute autorité et toute puissance™. Et il donne quelques détails sur cette résurrection qui se fait en même temps que la transformation des justes encore vivants17. 10. 1 Thessaloniciens 4 : 14-18. 11 Romains 2 : 16 ; voir aussi 15:4. 12. Romains 13:12. 13. 1 Corinthiens 4 : 5. 14. 1 Corinthiens 1 : 7, 8. 15. 1 Corinthiens 11 : 26. 16. 1 Corinthiens 15 : 23, 24. 17. 1 Corinthiens 15 : 51-55. Dans la seconde lettre aux Corinthiens, on trouve une déclaration presque similaire à celle déjà adressée aux Thessaloniciens : Vous serez notre gloire au jour du Seigneur Jésus™. C'est l'idée des rétributions. Dans l'épître aux Colossiens, Paul parle de la glorification des élus au moment de la Parousie : Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire™. Dans celle aux Ephésiens, les saints sont déjà, par anticipation, ressuscités et assis ensemble dans les lieux célestes en Jésus-Christ20. L'épître aux Philippiens, épître de la joie, est riche en allusions au retour de Jésus. Il y a d'abord deux déclarations sur la sanctification, cette bonne œuvre qui sera rendue parfaite pour le jour de Jésus-Christ2\ afin que les élus soientpt/rs et irréprochables, remplis du fruit de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu22. L'apôtre en ajoute bientôt une autre sur le même sujet : si cette œuvre de perfectionnement s'accomplit, si ses chers PhïWppïens portent la parole de vie et brillent comme des flambeaux dans le monde, il pourra se glorifier, au jour du Christ, de n'avoir pas couru en vain ni travaillé en vain22. Pour le chrétien, la terre a perdu ses séductions, car il est citoyen des cieux, d'où le Seigneur doit revenir pour la glorification des siens : Mais notre cité à nous est dans les cieux, 18. 2 Corinthiens 1:14. 19. Colossiens 3 : 4. 20. Ephésiens 2 : 6, 7. 21. Philippiens 1 : 6. 22. Philippiens 1 : 10. 23. Philippiens 2:16. d'où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ qui transformera le corps de notre humiliation, en le rendant semblable au corps de sa gloire, par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses2^. Et il faut se réjouir toujours, car le Seigneur est proche25. Dans l'épître à Tite, la Parousie est présentée comme la bienheureuse espérance : Car la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. Elle nous enseigne à renoncer à l'impiété et aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété, en attendant la bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ25. Enfin, dans les deux lettres à Timothée se trouvent deux belles recommandations au jeune apôtre et la magnifique profession de foi qui vient couronner la carrière apostolique de saint Paul. Je te recommande, devant Dieu qui donne la vie à toutes choses, et devant Jésus-Christ qui fit une belle confession devant Ponce Pilate, de garder le commandement,et de vivre sans tache, sans reproche, jusqu'à l'apparition de notre Seigneur Jésus-Christ, que manifestera en son temps le bienheureux et seul souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l'immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n'a vu ni ne peut voir, à qui appartiennent l'honneur et la puissance éternelle21. Je t'en conjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son apparition et de son royaume, prêche la parole, insiste en toute 24. Philippiens 3 : 20, 21. 25. Philippiens 4 : 4, 5. 26. Tite 2 : 11-14. 27. 1 Timothée 6 : 13-16. 33 occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec douceur et en instruisant23. J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée ; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront aimé son avènement23. Saint Pierre, comme l'apôtre des « Gentils », attendait la fin de l'économie présente et soupirait après le retour du Sauveur glorieux. Ses deux épîtres sont vibrantes de cette espérance bienheureuse : la première exhorte les chrétiens à la fidélité et à la vigilance au milieu des épreuves, la seconde les encourage à persévérer dans la voie du salut. L'espérance du chrétien est certaine, car Jésus-Christ est son objet et son fondement. Le retour du Seigneur occupe la première place dans ces deux épîtres. Ce n'est pas un espoir vain, c'est une espérance vivante, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, accompagnée d'un héritage qui ne se peut ni corrompre, ni souiller, ni flétrir, et qui se manifestera dans les derniers temps33. Cet avènement de Jésus, Pierre l'a prêché, non comme une fable, mais comme un fait certain, une révélation particulière, dont la majesté a été contemplée de ses propres yeux31. D'ailleurs, la parole prophétique, d'inspiration divine, pénètre l'avenir comme une lampe qui brille dans un Heu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que l'étoile du matin paraisse dans vos cœurs32. Si le Seigneur tarde, c'est parce qu'il désire que tous arrivent à la repentance33. Ce jour viendra 28. 2 Timothée 4 : 1,2. 29. 2 Timothée 4 : 7, 8 ; voir aussi 1:12. 30. 1 Pierre 1 : 3-5. 31. 2 Pierre 1:16. 32. 2 Pierre 1 : 19, 21. 33. 2 Pierre 3 : 9. comme un voleur ; la terre et ses œuvres seront consumées, pour faire place à de nouveaux cieux et à une nouvelle terre, où la justice habitera3*. C'est le moment du rétablissement de toutes choses dont Pierre a parlé dans un discours au peuple au moment où il fut arrêté et traduit devant le sanhédrin35. L'attente du Christ doit commander la vie de chaque jour. La sainteté est de rigueur. C'est pourquoi, ceignez les reins de votre entendement, soyez sobres, et ayez une entière espérance dans la grâce qui vous sera apportée, lorsque Jésus-Christ apparaîtra33. Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la science, à la science la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel, à l'amour fraternel la charité. ... C'est ainsi, en effet, que l'entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vous sera pleinement accordée31. Puis donc que toutes ces choses doivent se dissoudre, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de la conduite et par la piété, attendant et hâtant l'avènement du jour de Dieu33. Tous les croyants sont appelés à la gloire éternelle, en passant par l'épreuve et la sanctification. C'est Dieu qui donne la force de supporter l'épreuve et c'est encore lui qui sanctifie : Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés en Jésus-Christ à sa gloire éternelle [manifestée à son retour], après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables33. L'apôtre Jacques, à son tour, exhorte les chrétiens à la patience. 34. 2 Pierre 3 : 10, 13. 35. Actes 3 : 19-21. 36. 1 Pierre 1:13. 37. 2 Pierre 1 : 5-7, 11. 38. 2 Pierre 3:11,12. 39. 1 Pierre 5:10. L'épreuve de la foi produit la patience*0. Job est un modèle de patience, comme Elie un modèle de foi41. Et n'a-t-on pas chaque jour sous les yeux l'exemple de la patience du laboureur? D'ailleurs, l'avènement du Seigneur est proche : Soyez donc patients, frères, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos cœurs car l'avènement du Seigneur est proche*2. Jude, de son côté, exhorte les chrétiens à se maintenir dans l'amour de Dieu, en attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle*3. Il rappelle la prophétie d'Enoch, le septième depuis Adam, qui a annoncé la venue du Seigneur44 — et il termine par une magnifique doxolo-gie, qui témoigne de sa foi en un avenir heureux inauguré par l'avènement du Christ : Or, à celui qui peut vous préserver de toute chute et vous faire paraître devant sa gloire irrépréhensibles et dans l'allégresse, à Dieu seul, notre Sauveur, par Jésus-Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et puissance, dès avant tous les temps, et maintenant et dans tous les siècles*5 ! L'épître aux Hébreux, exposé théorique parsemé d'exhortations pratiques, renferme une déclaration capitale sur le but de ce retour, ou plutôt sur les effets respectifs des deux venues de Jésus46 : Le Christ, qui s'est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra sans péché une 40. Jacques 1 : 3. 41. Jacques 5 : 11, 16-18. 42. Jacques 5 : 7, 8. 43. Jude 21. 44. Jude 14, 15. 45. Jude 24, 25. 46. Hébreux 9 : 28. 34 lmp. SDT — 77190 Dammarie les Lys — Directeur : A. Garsin — Commission paritaire n° 28502 seconde fois à ceux qui l'attendent pour leur salut. Quant à la date de cette seconde manifestation du Christ, elle n'est pas éloignée ; la vigilance est nécessaire et la persévérance indispensable : Retenons fermement la profession de notre espérance, car celui qui a fait la promesse est fidèle41. N'abandonnons pas notre assemblée, comme c'est la coutume de quelques-uns ; mais exhortons-nous réciproquement, et cela d'autant plus que nous voyons s'approcher le jour45. N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps : celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Et mon juste vivra par la foi ; mais s'il se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui. Nous ne sommes pas de ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux qui ont la foi pour sauver leur âme49. Dans sa première épître, Jean exhorte les fidèles à demeurer en Dieu, à se purifier, pour avoir de l'assurance au moment de l'avènement du Christ, ce moment exceptionnel où ils seront transformés à son image: Et maintenant, mes petits enfants, demeurez en lui, afin que, lorsqu'il paraîtra, nous ayons de /'assurance et que nous ne soyons pas, à son avènement, rejetés loin de lui avec confusion. ... Mes bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons un jour n'a pas encore été manifesté ; mais nous savons qu'au temps de cette manifestation, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est50. Dans l'Apocalypse, sept grandes visions nous présentent les 47. Hébreux 10 : 23. 48. Hébreux 10 : 25. 49. Hébreux 10 : 35-39. 50. 1 Jean 2 : 28 ; 3 : 2, 3, version Crampon. événements qui précèdent, accompagnent et suivent la seconde venue de Jésus-Christ. C'est une révélation de Jésus-Christ, un «dévoilement progressif» de sa marche parmi les sept églises jusqu'à son arrivée, à la fin de l'économie présente. Le livre est adressé à sept églises de l'Asie proconsulaire. La première vision, qui conditionne et explique toutes les autres, nous montre le Christ cheminant au milieu des sept chandeliers symboliques, qui sont les sept églises ou, dans la réalité, l'Eglise sous ses formes successives, depuis sa fondation jusqu'à sa consommation, donc depuis le ministère de Jésus ici-bas jusqu'à sa Parousie. Jésus ne cesse de venir, il approche de plus en plus, et, pour finir, il est à la porte, il est là, il apparaît : tel est le sujet de l'Apocalypse. L'apôtre a été transporté dans ce grand jour, le Jour du Seigneur5', et c'est de là qu'il contemple l'histoire de l'Eglise dans ses diverses phases, depuis le jour où Jésus la fonda jusqu'à celuioù il vient pour l'enlever au ciel. Voici, H vient avec les nuées. Et tout œil le verra, et ceux qui l'ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui51. A l'église de Thyatire, qui est la quatrième : Je ne mets pas sur vous d'autre fardeau ; seulement, ce que vous avez, retenez-le jusqu'à ce que je vienne53. A l'église de Sardes, qui est la cinquième: Rappelle-toi donc comment tu as reçu et entendu [l'Evan- 51. Apocalypse 1 : 10. 52. Apocalypse 1 : 7. 53. Apocalypse 2 : 25. gile] et garde, et repens-toi. Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai sur toi54. A l'église de Philadelphie, qui est la sixième : Je viens bientôt. Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne55. Le septième ange sonne de la trompette. Et H y eut dans le ciel de fortes voix qui disaient : Le royaume du monde est remis à notre Seigneur et à son Christ, et H régnera aux siècles des siècles55. La sixième coupe de la colère de Dieu a été versée. Jésus dit : Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin qu'il ne marche pas nu et qu'on ne voie pas sa honte51 ! Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son œuvre. Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville58. Celui qui atteste ces choses dit: Oui, je viens bientôt. Amen ! viens, Seigneur Jésus59 ! Tel est l'imposant témoignage des Apôtres. Nous en sommes émerveillés. Les déclarations de Jésus et celles des Apôtres jettent sur la doctrine de la Parousie un flot de clarté suffisant pour ne pas nous laisser dans l'incertitude quant à sa réalité, sa nature, son but et son mode. Il est venu. Il reviendra. Maranatha ! ■ 54. Apocalypse 3 : 3. 55. Apocalypse 3:11. 56. Apocalypse 11 : 15 ; la même scène dans 19 : 1-10. 57. Apocalypse 16 : 15. 58. Apocalypse 22 : 12-14. 59. Apocalypse 22 : 20. 35 à quoi sert votre vie? à qui et à quoi vont servir vos plus belles années? Cette revue vous est offerte par John Graz Chroniqueur des émissions «Spécial Jeunes» vous répond Jeunes ! « La Voix de l'Espérance » s'adresse à vous tous les dimanches de 7 h 30 à 8 h 00 G.M.T. (9 h 30 - 10 h 00, heure d'été en France) avec son émission « Spécial-Jeunes » RADIO-MÉDITERRANÉE 9745 kHz 31 m OC Pour tous renseignements et commandes, s'adresser à notre agence la plus proche de votre domicile (voir page 2) ou à nos agents locaux.